Espoir

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vendredi 6 novembre, 18h51


Vide.

Entièrement vide.

Et ce jusqu'à la fin de ses pauvres jours.

Rachel savait pertinemment que ce vide constant qu'elle ressentait, celui qui broyait ses tripes avec une cruauté sans égard, celui qui glaçait ses veines et figeait son sang, ralentissait les battements irréguliers de son cœur qui parfois s'affolait et cognait sévèrement au creux de sa cage thoracique.
Ce vide qui sonnait encore plus fort à travers les éclats de rires de ses camarades, ce vide qui l'empêchait de dormir, qui la maintenait éveillée jusqu'au petit matin la hanterait jusqu'à son dernier souffle.

Elle repassait en boucle le film de son enfance, ranimant chaque souvenir et ravivant une douleur aiguë dans sa poitrine : lorsqu'elle parvenait à s'assoupir, elle se réveillait presque instantanément, haletante et secouée de soubresauts, l'image de la souriante brune hantait ses pensées.

Il était encore trop tôt pour Rachel d'accepter la mort aussi soudaine de son amie, comme si son cerveau refusait obstinément d'y croire, continuant naïvement de penser qu'Anna franchirait le seuil de la porte à tout moment, son chaleureux sourire aux lèvres. Elle balaya du regard le dortoir qu'elle partageait avec son amie et deux autres filles, Sasha et Mikasa.

Jamais cet endroit ne lui avait paru aussi vide qu'à présent.

Lorsque l'on perdait un être cher, le plus cruel était d'admettre que la vie continuait malgré tout. Elle jeta un coup d'œil vers la fenêtre. Dehors, les oiseaux chantonnaient, ses camarades riaient et bavassaient. Elle détourna le regard, bien trop peinée de constater la gaieté des recrues quand on objet attira son attention sur le lit où dormait habituellement Anna : un pull, son pull.

Tremblante, Rachel s'avançait lentement avant de saisir le vêtement du bout de ses pauvres doigts fébriles pour le porter à son visage. L'odeur qui s'en émanait souleva son cœur, lui brisant le palpitant un peu plus encore, détruisant les dernières parcelles de son organe vitale qui battait à tout rompre.

Sans qu'elle s'en aperçoive, des larmes coulaient sur son doux visage maintenant ravagé par la tristesse, larmes libératrices et dévastatrices.

Elle se laissa emporter par le sanglot qui la menaçait d'exploser d'une minute à l'autre si elle le contenait encore : elle n'avait parlé à personne depuis le décès d'Anna, elle ne voulait pas non plus qu'on vienne la voir, c'était sa manière à elle de faire son deuil. Elle préférait rester seule dans l'ombre, simplement accompagnée de sa tristesse et de quelques souvenirs fragiles.

Il était hors de question pour la jeune femme que ses camarades la voient pleurer, elle était bien trop fière pour laisser apparaître une quelconque marque de faiblesse au grand jour.

Assise sur le lit en hauteur de son amie, les yeux perdus dans le vague et les pieds se balançant dans le vide, un frisson la parcourut : elle tournait la tête et observa pendant un long moment le coussin d'Anna, ses plis étaient encore froissés de la dernière nuit qu'elle avait passé ici, sur ce même matelas.

Désormais, elle ne dormirait plus jamais là. Le cœur de la jeune femme se serra encore plus à cette idée et son ventre grogna instinctivement. En effet, depuis le terrible incident, elle n'avait trouvé ni la faim ni le courage de descendre au réfectoire. Pour y croiser tout le monde ? Non merci.

Elle se relevait doucement puis s'avança vers le fenêtre. Dehors, le ciel azur et les brillants rayons du soleil contrastaient froidement avec le moral de notre jeune blonde, dévastée par la mort du seul être qui lui restait, qui la connaissait mieux que quiconque.

À l'aube (Lévi X OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant