Appréhension

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mardi 17 novembre, 19h34


Elle jouait, comme d'habitude avec ses nerfs, son sang-froid et sa patience.

Bien sûr, elle le provoquait. Encore blessée et vexée lorsqu'il avait prit la défense de la rousse, Rachel profitait pleinement de l'occasion pour s'amuser et pour voir comment il réagirait. Aucune once de jalousie ne semblait s'afficher sur le visage du caporal, il la fixait durement comme à son habitude.

Ressentait-il quelque chose lorsqu'il la voyait dans d'autres bras que les siens ? Sûrement pas, et elle en se sentit alors très futile et immature de devoir se servir d'un inconnu pour éveiller une jalousie quelconque dans le ventre de celui qui la faisait vraiment vibrer.

Déçue de ne voir aucune réaction notoire de sa part, elle se défit aisément de l'emprise de sa distraction temporaire et se dirigea vers le bar d'une démarche assurée sous le regard sévère du brun qui ne la lâchait pas des yeux, l'observant froidement et la surveillant de loin.

L'homme qu'elle venait de laisser en plan sur la piste de danse resta béat un instant avant de la suivre. Elle s'était lassée de son jouet et venait de le laisser vulgairement tomber. Lui, lui courrait après. Lévi ricana muettement à cette pensée : cet inconnu ne connaissait pas Rachel. Il n'avait pas compris qu'avec elle, au plus on était désintéressé, au plus ça l'intriguait. Il fallait la fuir pour qu'elle accoure, l'ignorer pour qu'elle gamberge.

Or, bien qu'il avait compris les ficelles de ce jeu dangereux qu'elle avait instauré, il s'était pris au piège et avait aussi envie de plus. L'adrénaline de l'interdit, les soubresauts des émotions, les plaisirs de leurs retrouvailles nocturnes, la sincérité dans ses aveux, la tristesse cachée au fond de ses yeux, la douceur de sa peau, les mystères qui englobaient cette jeune femme d'apparence pourtant angélique mais qui s'avérait bien plus ténébreuse quand on apprenait à la connaître.

Les yeux toujours posés sur la blonde qui se tenait maintenant de profil, l'air passablement ennuyé et le regard perdu dans la foule, le caporal s'avança alors vers elle. Le châtain qui l'avait invité à danser essayait en vain de lui faire la conversation mais la jeune femme ne l'écoutait que d'une oreille, blessée de n'être qu'une vulgaire recrue parmi tant d'autres, vexée de ne pas être si spéciale et exceptionnelle qu'elle croyait l'être.

Était-il possible de séduire un homme pareil ? Est-ce qu'il était vraiment capable de tomber amoureux ? Ou avait-il voué son cœur et son âme à sa patrie ? Elle se laissait distraire par ces questions rhétoriques et tourna la tête lorsqu'un homme d'un certain âge prit la parole sur scène. Sans qu'elle ne s'en aperçoive, le châtain aux yeux noisettes sortit quelque chose de la poche de sa veste et l'approcha vers le verre de la jeune femme avant que sa flûte de champagne ne vole en éclat contre un mur.

Lévi.

Tous les regards se tournèrent vers eux et elle ne comprit pas tout de suite la situation, l'alcool embrumait quelque peu ses pensées. Il lui attrapa fermement le bras pour l'emmener dans un couloir vide. Les lumières étaient éteintes et celles des lustres de la salle de réception éclairaient faiblement le large corridor dans lequel ils se trouvaient. A l'écart des autres, il lui lâcha le bras. Encore une fois, elle avait l'impression de n'être qu'une vulgaire gosse qui s'apprêtait à se faire méchamment rouspéter.

- C'est pas possible d'être aussi idiote et inconsciente. On est en mission, je te rappelle, alors tâche de te concentrer.

Il s'était tourné vers elle et l'expression sur son visage était indescriptible : elle ne l'avait jamais vu aussi en colère.

Il s'inquiète pour moi, maintenant ?

Elle rit hautainement à ces songes et planta son regard dans le sien.

À l'aube (Lévi X OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant