5. Mettre les choses aux claires

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Déborah

— « L'héritage Pasted dont personne ne veut », lis-je pour moi-même.

L'article du journal qui fait la une aujourd'hui est loin de faire l'éloge de la famille d'Ashton. J'apprends que l'activité principale de ses parents n'est pas centrée sur les hôtels de luxe comme je le pensais, non, ils se sont spécialisés dans la reprise d'entreprises en difficulté à bas prix. Ils les restructurent, à travers des suppressions de postes et des délocalisations, pour ensuite les revendre à profit.

— Tu fais ta curieuse ? me fait sursauter Bastian.

Je crie tout en laissant la feuille m'échapper des doigts. Je me retourne, lui jette un regard noir qui a pourtant pour effet de déclencher son ricanement.

— Tu m'espionnes ou quoi ? grogné-je.

— Il se passe un truc entre toi et monsieur Pasted ?

« Monsieur Pasted ».

Ça fait si formel. Remarque, lui, il doit avoir l'habitude qu'on l'appelle comme ça.

— Pas tes ognons, répliqué-je en lui tirant la langue.

L'apprenti de Caitlin s'épanouit et prend confiance de jour en jour. Sauf que là, c'est à mes dépens, j'apprécie beaucoup moins !

— Je demande juste, hein, parce qu'il vient d'appeler en fait.

Il me dévisage, tout content de lui. Je pince mes lèvres. Il attend ma réaction, j'en suis sûre. Ah, je suis tiraillée en plus ! La curiosité est la plus forte.

— Qu'est-ce qu'il voulait ? finis-je par capituler.

J'ignore son sourire.

— Prévenir qu'il passait aujourd'hui pour voir les dernières réalisations.

Non, je ne ressens absolument rien face à cette nouvelle. Je ne fais que hocher la tête, cachant comme je peux l'excitation qui est en train de prendre possession de mon corps. Maudit traitre ! Je me donnerais bien des baffes pour ressentir ça. Je m'isole dans la pièce qui m'est réservée et tente de m'occuper sans penser. Je déplace des meubles, range des bricoles, époussète mon bureau.

Le mec saute sur tout ce qui bouge, pourquoi tu t'accroches encore ?

Je ne m'accroche pas ! Je le trouve attirant, à mon grand dam. Son côté taquin me plait bien aussi. Dommage qu'il soit si con. J'ai presque envie de maudire Caitlin d'avoir épouser son meilleur ami ! C'est d'autant plus dur de le savoir à portée de main.

Agacée de ne pas réussir à me le sortir de la tête, j'attrape mon portable, lance une playlist et sors le travail que je dois effectuer pour un autre client. La minutie de la réalisation exige toute ma concentration, je suis vite absorbée. Ce n'est qu'une demi-heure plus tard qu'un léger toc m'interrompt. Cette immersion m'a fait du bien, je me sens moins perdue, moins affolée. Bien plus prête pour l'affronter.

— Oui ? lancé-je avec un ton tout à fait détaché dont je suis fière.

Je ne me retourne pas, mais je l'entends se déplacer. C'est forcément lui. Je réprime un frisson lorsque son souffle se perd sur ma nuque.

Roh ! Va falloir que je me fasse désensibiliser à sa présence !

— Sur quoi tu travailles ? chuchote-t-il tout près de mon oreille.

Ashton me pousse à bout, exprès, j'en suis certaine. Je prends donc une inspiration, refoulant mes sensations, attrape un tissu et recouvre la planche.

— C'est pour un autre client, expliqué-je tout en me retournant, le forçant à s'écarter un peu.

Il affiche une mine déçue. Je croise les bras, haussant un sourcil pour bien lui signifier que je ne poursuivrai pas son jeu de séduction. Je resterai professionnelle.

— Mais... tu as terminé notre commande ?

— Oui.

— Ça devait bien arriver un jour, marmonne-t-il.

Effectivement. Il n'aura plus d'excuses pour passer ici à l'improviste. Une pointe de regret tente de percer jusqu'à ma conscience, je refuse juste de l'écouter. Je ne tiens pas non plus compte de ce qu'il a dit, ni du ton qu'il a employé, sinon, je jurerais qu'il est encore plus troublé que moi.

— On peut prévoir la livraison, si tu veux.

— OK.

Ashton a l'air de réfléchir à tout, sauf à ce dont je lui parle. Je le guide tout de même jusqu'au bureau de Caitlin, qui est absente pour quelque jour pour finir de préparer son déménagement. Heureusement, je possède son mot de passe et toutes les qualifications requises pour mener à bien les missions de son atelier.

— Vous pourriez recevoir les meubles à la fin de la semaine, ça irait ? Ashton ! Tu m'écoutes ?

— Non, pas vraiment. Désolé.

Il soupire puis vient s'asseoir sur le fauteuil en face de moi. Je détourne mon attention de l'écran pour poser mon regard sur son visage inquiet. Décidément, je n'aime pas le voir comme ça. Sa bonne humeur est sur le point de me manquer. La vie est un véritable paradoxe, allez comprendre !

— Qu'est-ce qui se passe ? l'interrogé-je avec douceur.

Ashton hésite, se mord la lèvre et finit par se pencher vers l'avant, ébouriffant ses cheveux au passage. Comme au saut du lit... Il joue avec mes nerfs sans même s'en rendre compte cette fois-ci.

— Je pourrais te dire que c'est à cause de mes parents. J'imagine que tu as entendu parler de mon... héritage ?

— Celui que tu refuses ? Oui, vaguement.

Heureusement que Bastian n'est pas là pour se moquer de ma mauvaise foi.

— Pour moi, c'est une affaire réglée, déclare-t-il, visiblement déterminé.

— Alors, qu'est-ce qui te tracasse ?

— Toi.

Je dois avoir les yeux ronds comme des billes. Deux grosses billes. Purée, il est doué pour me couper l'herbe sous le pied lui ! J'ignore si j'adore ou si je déteste ça, me sentir vulnérable quand il est là.

— Hein ? Moi ? Mais pourquoi ?

Son petit rire discret est à la limite de me faire rougir. Je ne suis plus une ado quand même ! Oh, Deb, ressaisis-toi.

— Je n'ai rien fait, affirmé-je en croisant les bras.

— Je ne t'ai pas encore accusé, me fait-il remarqué, amusé.

— Ce serait bien si tu t'expliquais du coup.

Ses traits se tendent.L'ambiance taquine disparait. Il est bien trop sérieux. Il ne m'a pas habitué àce genre de comportement. C'est déstabilisant venant de lui.

***

Ah ! Serait-ce enfin le temps d'une petite discussion sérieuse entre ces deux-là ? 

Vont-ils réussir à tout se dire ?

Réponses vendredi 😁

Comme on veut [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant