🔸️Le toucher [partie 1]

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Trois heures deux

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Trois heures deux.

C'est l'heure exacte dont je me rappelle avant de m'être effondrée sur mon lit. Et sept heures quarante, c'est l'heure précise à laquelle la répétition de mon réveil saigne mes tympans. Puisqu'une journée de travail en enchaîne une autre, cette nuit pauvre en sommeil signale la fin brutale de mon séjour touristique. Mon contrat signé, je suis officiellement en emploi saisonnier à Santa Cruz !

Je me glisse au bord du lit. Coudes sur les cuisses, le front pressé contre l'intérieur de mes poignets, j'expire longuement. Progressivement, mon cerveau quitte son brouillard et mon corps porte à connaissance de récents souvenirs. Des élancements rappellent à ma peau qu'elle a subie des lésions, résultat d'une imprudence causée par un fauteur de troubles venu s'immiscer dans mes pensées.

Je fais peine à voir et ne donne pas cher de mon aptitude à tenir une telle cadence sur les quatre prochaines semaines.

La sonnerie de mon téléphone m'arrache un grommellement. Mon corps, peu partisan du moindre effort ce matin, ne possède aucune once de volonté pour décrocher. Mais l'individu a plutôt l'air obstiné. C'est avec l'énergie d'un koala en pleine sieste, que j'attrape mon portable sans même vérifier l'origine de mon interlocuteur.

— Mmh... j'écoute ?

— Tu me parles français, maintenant ?

— Elly ? Mais il n'est même pas huit heures du matin !

— Nuit blanche, Mon cœur. Mon date d'hier soir a canardé mes chakras avec ses longues tirades soporifiques. J'ai dû travailler des heures entières sur la customisation d'une salopette pour retrouver un flux d'énergies positives.

— Depuis quand es-tu devenue une experte en spiritualité ?

— Depuis que ma mère s'est mise dans le crâne de m'aider à exorciser « mes travers ». Putain, Sawyer, j'en suis à mon sixième café et à la page 138 de son bouquin sur « Les chakras de la guérison ». Dis-moi que ton état est au moins aussi pathétique que le mien.

— Je suis à l'étape où j'hésite entre me recoucher ou ramper jusqu'à la salle de bain. Mon esprit est prisonnier de la flemme, je n'ai même pas eu le courage de retirer mes vêtements avant de me coucher.

— J'ai peut-être ce qu'il nous faut...

— Tu vas me fournir un cours de yoga et d'énergies vibratoires ?

— Mieux que ça. Tu sens cette bonne odeur ?

— Laquelle ?

— Celle des toasts grillés, d'oranges pressées, d'œufs brouillés et de bacon. Allez, bouge tes fesses ! Passe par-derrière, je t'attends dans le jardin.

Comment cette fille est-elle arrivée à devenir si indispensable à ma vie malgré nos personnalités si peu semblables ? En onze ans d'échanges, je ne compte plus les fois où j'ai ri. Mais je peux compter celles où je ne l'ai pas fait ; jamais. Qu'il s'agisse de rire de bon cœur ou de rigoler jaune, Elly est un remarquable détonateur à émotions.

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