De retour dans ma chambre, je claque doucement la porte derrière moi et m'y adosse. L'arrière de ma tête reposé contre le battant, j'inspire et expire de longues respirations.
Quatre minutes.
C'est le temps à tenir cette position sans ouvrir un œil. La révélation, en tête d'affiche de toutes mes pensées, flamboie au cœur de ma poitrine. Je prends connaissance de ce corps étranger, cette étrange étincelle que Can vient d'aviver.
Sans bouger, j'ouvre les yeux et parcours lentement cette pièce avec une toute nouvelle perspective. Je la redécouvre, réalise mentalement que l'homme responsable de ma condition actuelle a également vécu ici. J'étudie chaque recoin, m'arrête sur l'armoire dans laquelle je visualise son premier blouson de cuir. Les murs sur lesquels j'imagine des rêves d'aventures, tapissés d'endroits qu'il prévoyait de visiter. Ce bureau, noyé entre les cours et des esquisses au crayon à papier.
Avait-il déjà prévu d'être tatoueur ?
Puis ce lit. J'avance à pas trainants vers cette couche. J'y vois un petit garçon les yeux brouillés de larmes, à pleurer le départ brutal de ses parents. Aussi un adolescent casse-cou, déterminé à gravir les sommets des plus hautes montagnes. Puis le jeune homme aux traits sculptés, pilotant sa moto dans des courses folles.
Plus d'une semaine que cette pièce m'offre son hospitalité, un refuge où me ressourcer. En l'espace de quatre minutes, Can l'a colonisé. Sa présence est incrustée partout entre ces murs. La confusion s'installe dans mon esprit, un mélange d'acceptation et de déni. Ma peau frissone, mes paumes sont moites et mes jambes peinent à supporter mon poids. Mes fesses finissent par se laisser tomber lourdement sur le dessus de lit.
Ce n'est pas réel.
Ça ne doit pas devenir réel.
La dernière chose dont j'ai besoin, c'est d'un imprévu de taille qui suffirait à me détourner des raisons premières de ce séjour. Je ne laisserais pas mon corps exercer son pouvoir décisionnel !
Tirée de mes songes par un fracas sur le carreau de la fenêtre, je ne suis guère étonnée par l'apparition d'Elly en contrebas, un arsenal de petits de cailloux à la main. Dans les faits, le texto que je lui ai envoyé avant de franchir le seuil de la demeure des Özkan, explique la cause de sa venue en pyjama licorne à une heure aussi indue.
— Est-ce qu'il t'arrive de dormir ? je l'interroge en entrouvant la fenêtre.
— Tu as deux minutes pour enfiler des chaussures et me rejoindre sous le porche ! m'ordonne-t-elle.
Je ricane devant son empressement.
Assises dans la balancelle, nos mains à l'intérieur d'un sachet de graine de tournesol, nous y voilà.
— « Je crois que je suis tombée amoureuse ». Putain, Sawyer, j'ai dû relire ce message pas moins de six fois ! Tu en es vraiment convaincue ?
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My Travel Wishlist
عاطفيةArizona représente l'association de deux faits déroutants : un cerveau habile et des pieds maladroits. Immergée dans une existence où se partageait études et quotidien consciencieusement organisé, elle est à l'aube de commencer sa vie d'adulte. Derr...