Chapitre 1

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Je n'aime pas les cours.
Ceci paraît banal, simple et tellement courant, mais chez moi, c'est vrai. Je ne suis pas de ces ados qui disent qu'ils n'aiment pas les cours mais qui ne manquent aucun contrôle, et qui panique à chaque fois qu'ils loupent un cours. Non, moi, je sèche dès que l'envie m'en prends sans avoir le moindre remord, je sors fumer des joints, je regarde le soleil se coucher sans penser à rien.
Mon temps libre, je le passe avec mes potes, sinon quoi je couche avec des filles. La majorité d'entre elles savent à quoi s'attendre, c'est-à-dire rien de plus qu'une simple partie de jambe en l'air. Celles qui s'attachent trop vite ou qui essaient d'aller plus loin dans notre « relation », je coupe tout contact avec elles. Je ne veux pas de relation. Je ne veux m'attacher à personne. Ne faire confiance à personne. Rester aussi froid et fermé aux autres qu'à mon habitude.
Je ne suis quasiment jamais chez moi. Pour y faire quoi ? Voir mon père me taper sur la gueule ? Autant dormir dehors. Cependant, j'ai parfois besoin de me nourrir et de dormir chez moi, alors je ne prends pas le risque de lui rendre ses coups. C'est aussi pour ma sœur que je garde mon sang-froid. Elle et son air habituellement gai constitue ma joie, et je ne veux pas la blesser en me battant avec mon père. Elle semble être la plus belle chose qui soit arrivée dans la vie de mon géniteur, alors je me sens plus ou moins soulagé tant que je suis sûr qu'il ne lui touchera pas un cheveu.

J'allume une clope, m'appuie contre le muret et regarde au loin, en écoutant les cris étouffés de la fête foraine non loin de là. Bizarrement, la joie des gens m'apaise. Devrais-je avoir la haine de ne pas pouvoir rire aussi ouvertement qu'eux ? Je suppose.
Je tire une dernière taf et écrase ma cigarette par terre, puis lâche un gros soupir. Il est tard, mon père doit dormir.
Je rentre alors chez moi sur la pointe des pieds puis m'allonge sur mon lit. Je fixe le plafond un bon moment avant de trouvé le sommeil.

Je me réveille vers 7h00. D'abord convaincu de rester chez moi, j'ai pris mon temps sous la douche. Puis quand l'ennui est devenu trop fort, je me suis motivé à aller en cours, au moins pour quelques heures.
J'enfile un teeshirt blanc et un jean, brosse les quelques boucles de mes cheveux puis m'empare de mon casque. Je ne comprends pas les gens qui favorisent les écouteurs, on est beaucoup moins immergé dans la musique, et ça tombe tout le temps des oreilles.
Je marche alors jusqu'au lycée, croisant toutes les têtes de con que je ne veux pas voir.
J'arrive en retard au cours d'histoire, mais le professeur est tellement réjouit par ma présence qu'il me laisse entrer.
Après avoir passé un après-midi particulièrement ennuyant en cours, je choisis d'aller en soirée avec mes amis. Quand on arrive, il y a déjà foule, et les stroboscopes ne cessent de faire clignoter les lumières sur ces adolescents transpirants. Je me faufile à travers eux et commence à danser, quand j'aperçois une fille au loin, une fille que je reconnais immédiatement, ce qui me mets dans une rage folle.
Je slalom entre les gens jusqu'à ce que je puisse attraper le bras de ma sœur et la tirer vers moi.

-Aïheu !

Elle lève les yeux vers moi et me regarde de haut en bas. Ses amies se mettent à rire.

-Lâche-moi, t'es pas mon père.

Elle rit et regarde partout ailleurs sauf moi.

-Ne fais pas la maligne devant tes amies, Julie, je m'indigne, tu risques de le regretter.

-Sinon quoi ? demande-t-elle d'un air haineux.

Je l'attrape, la pousse à travers la foule en prévenant mes potes que je pars, puis la fait sortir de cet endroit.

-J'y crois pas ! crie-t-elle en me pointent du doigt, tu as osé faire ça ?

Je la regarde, vêtu d'un short trop court à mon goût et d'un top trop décolleté.

-Putain, rhabille-toi.

J'enlève ma veste en cuir et la lui donne. Elle grogne puis finit par l'enfiler. Nous commençons alors à marcher jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche.

-Qu'est-ce que tu faisais là-bas ? je demande.

-Un uno, répond-elle d'un air sarcastique.

-Tu es trop jeune pour aller dans ce genre d'endroit.

-J'ai seize ans ! C'est juste toi qui est trop protecteur.

Nous arrivons et nous asseyons. Je m'appuie contre la vitre après avoir regardé les horaires. Un bus ne devrait pas tarder à arriver.

-Pourquoi tu ne vas pas souvent en cours ? lance soudain Julie.

-T'es de la police ? je riposte.

-Je suis ta sœur, et je m'inquiète.

-C'est pas ton rôle, je dis en sortant mon paquet de cigarettes.

-Tu n'as pas l'air d'aller bien. Tu peux m'en parler, tu sais ?

-J'ai rien à te dire. Je vais bien, je dis en allumant ma cigarette.

Je la porte à ma bouche quand ma sœur me l'attrape pour la porter à la sienne. Je tape vivement dedans.

-T'es malade ! je crie, désespéré d'avoir bousillé une clope. Depuis quand tu fumes ?

-Tant que tu ne me parleras pas, je ferai les mêmes choses que toi pour essayer de te comprendre.

-T'as si peu d'imagination que tu t'inspires d'une série...

-Ta gueule, dit-elle sèchement.

Nous attendons un moment dans le silence avant que le bus arrive. Une fois dedans, nous nous asseyons sur des places côtes à côtes, et Julie s'endort rapidement contre moi. Je souris légèrement et enroule mon bras autour d'elle. Elle a beau avoir seulement un an de moins que moi, je la considère comme ma petite protégée, et je ne veux pas qu'il lui arrive du mal.
Je la regarde puis touche ses cheveux avec délicatesse. Elle est magnifique. Elle a l'air tellement innocente quand elle dort.
Je regarde le paysage défilé par la vitre et pose ma tête contre cette dernière, mais les secousses du bus me font vite regretter mon choix. Alors je me redresse et attends que le temps passe, redoutant notre arrivée à la maison.

-Vous étiez où ? ! crie mon père quand il nous entend entrer.

-Papa, marmonne Julie, c'est pas ce que tu crois...

-Vous étiez encore en soirée, mmh ?

Il me fixe, puis reprend :

-T'as pas honte d'emmener ta sœur dans ce genre d'endroit ?

Il me regarde de ses yeux sévères et cernés. Ses sourcils ébouriffés sont si souvent froncés qu'ils ne tarderont pas à rester bloquer. Je le vois fermer sa main en poing, alors je prends mes distances.

-Julie, va dans ta chambre, je dis gentiment.

-Mais...

-Vas-y.

Elle pince les lèvres puis tourne les talons. Je regarde mon père, méfiant.

-Tu es donc si irresponsable ?

-Est-ce qu'un jour tu arrêteras de tout me reprocher ?

Il me pousse une première fois, puis recommence. Je me prends alors les pieds dans le tapis et tombe sur la table basse. Il s'appuie sur moi et commence à donner des coups.

Il ne le fait pas exprès. Il ne se contrôle pas. Ses émotions prennent le dessus, il ne veut pas me faire de mal.

Voilà de quoi j'essaie de me persuader pendant qu'il me roue de coups.
Il finit par me laisser tranquille, puis va dans sa chambre en claquant la porte. J'essuie une larme sur ma joue puis essai de me relever, mais je ressens une vive douleur au niveau de mon genou. Je lève mon jean et appuie légèrement sur l'endroit douloureux, puis regrette aussitôt. Je sers les dents et me relève avec difficulté.
Je marche dans le couloir en m'appuyant contre le mur, jusqu'à arriver dans ma chambre. Là, j'entends quelqu'un toquer doucement. Julie pousse la porte avec douceur, me regarde profondément, puis vient s'allonger à côté de moi. Je la sers dans mes bras en lui embrassant le front, sans rien dire.
Elle est tout pour moi. Je ne peux pas la laisser. Je dois encaisser les coups pour que sa vie se passe avec délicatesse. C'est mon devoir, et j'espère l'avoir respecté jusqu'à présent.

Sous son emprise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant