Chapitre 9

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Julie m'avait envoyé des messages, mais j'avais laissé mon portable à la plage. Ils ont finis par me retrouver deux heures plus tard, adossé au mur, déprimé. Personne n'a osé me demander ce qu'il s'était passé, et ce depuis une semaine.
Maintenant, nous prenons le petit-déjeuner. Ma cuillère se balade dans le bol sans pour autant prendre de céréales. Julie est heureuse et triste à la fois. Nous partons cet après-midi, et c'est sans doute la meilleure nouvelle de la semaine. Je me suis vite lassée de cet endroit, surtout depuis mon auto-coming out. J'ai juste envie de rentrer chez moi, revoir mes « amis », reprendre ma vie sans trop de sens.

-On devrait se faire des sorties comme ça plus souvent, annonce mon père.

-Carrément, c'est tellement agréable de partir en vacances comme avec maman, répond Julie.

Je lâche ma cuillère et la fixe, inquiet que mon père s'énerve. Au lieu de ça, il lui lance un sourire triste, sans répondre. Décidément, il est de plus en plus surprenant, ce qui est d'autant plus inquiétant.

*

La voiture se gare dans la rue près de chez nous, et mon stress ne baisse pourtant pas. Je sais que j'ai quelque chose d'urgent à faire, et ce trajet m'en a de plus en plus rapprochée. Cette fois, je n'ai plus le choix.
Je sors de la voiture en m'excusant, justifiant que j'ai des affaires urgentes à régler. Ma sœur s'indigne en crachant que j'amènerai moi-même ma valise à la maison, mais je ne réagis pas. Je me presse dans la rue et arrive vers le bureau de tabac. J'envoie un message à Zack et lui demande de me rejoindre. J'aperçois alors un banc sous un lampadaire non loin de là et décide de m'y assoir.
Je tremble de froid et commence à douter sur le fait que Zack vienne. Je me frotte les bras et soupire. Je finis par discerner une ombre au loin et prie pour que ça soit lui. Ses traits deviennent peu à peu nets quand il s'approche de moi, et je souris. Mon cœur saute un battement, puis je remarque soudain qu'il est mal à l'aise, triste, embêté. Il est comme ça à chaque fois que l'on se voit, et ça commence à vraiment me toucher.

-Tu veux quoi, lâche-t-il en restant debout face à moi.

Je me lève, ne bouge pas.

-Te parler.

Je m'arrête, et il pince les lèvres en fronçant les sourcils.

-Vas-y, je t'écoute.

Je prends une grande inspiration, mais n'arrive pourtant pas à dire ce que j'ai sur le cœur. C'était déjà si dur de me convaincre moi-même qu'il m'attirait, mais de le dire, de sortir ces mots de ma bouche... ça me parait impossible.
Il se gratte le front, je sens qu'il commence à être agacé.

-Bon, je vais pas passer toute la nuit ici, Liam. Je ne sais pas du tout ce qu'il se passe dans ta tête, et tu sais quoi, j'ai réussi à me persuader que je m'en foutais. T'es beaucoup trop prise de tête, et... Tu ne t'assumeras jamais, tu n'oseras jamais clairement dire ce que tu ressens...

J'ouvre la bouche, mais il me coupe.

-Tu sais, je t'appréciais beaucoup, et... je pense même que je t'aimais. Mais je n'en peux plus. Tes réactions, toute cette haine qu'il y a en toi et que tu refoules... que tu refoules avec tes sentiments... C'est ingérable, je ne veux pas vivre avec ça, même en tant qu'ami. C'est trop dur.

Sa voix déraille, et il s'essuie les yeux. Les miens commencent à s'embuer, mais je ne les essuie pas.
Zack baisse la tête, inspire profondément, ferme longtemps les yeux, puis les rouvre en posant une main sur mon épaule.

-Je suis désolé. J'espère qu'un jour tu seras en paix avec toi-même.

Il me tapote, puis me tourne le dos. Il commence à s'en aller. Comme d'habitude. Il part, les mains dans les poches, le dos légèrement courbé.

Non.

-Non !

Il se stoppe, tourne la tête, surpris.

-Hors de question que tu repartes encore une fois.

Je cours vers lui, et il me regarde toujours avec son air surpris. Je finis par l'atteindre, m'arrête, puis regarde un instant ses yeux qui semblent me donner la permission. Je prends alors son cou et écrase mes lèvres contre les siennes. Une larme roule sur ma joue. C'est si douloureux. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que j'ai le sentiment de tant souffrir ?
Il pose à son tour ses mains sur moi, ce qui semble me libérer d'un poids. On se sert l'un à l'autre, bien décidés à ne plus se lâcher. On a eu tant de mal à s'avoir qu'il est hors de question que l'on s'abandonne.
Nos bouches se détachent et l'on respire vite, à bout de souffle. Il me regarde intensément, puis fait son fameux sourire, celui qui m'avait tant manqué. Il passe sa main dans mes cheveux, ce que j'apprécie particulièrement.
Je pose ma tête sur son épaule sans lâcher mon étreinte. Il fait de même.

-Zack ? je demande.

-Si tu me dis que tu es hétéro, je te jure que je te jettes dans le fleuve.

Je ris, puis redeviens sérieux.

-Tu...Tu avais prévu de coucher avec ma sœur ?

Il me détache de lui, ses yeux fixant les miens.

-Quoi ? Bien sûr que non ! Y a vraiment un truc que tu n'as pas compris...

-C'était quoi ces messages, alors ? je demande, soudain inquiet qu'il ai vraiment envisagé de coucher avec Julie.

-Quoi ? dit-il en faisant la grimace, tu as espionné ta sœur ?

-Non ! Enfin...

-Je vais seulement lui apprendre à danser ! Elle a l'air vraiment motivée, et je veux l'aider.

Je cligne des yeux plusieurs fois, réfléchis.

-Attends, tu sais danser ?

-Oui, mais si on avait appris à se connaître plutôt que de passer notre temps à s'éviter, tu l'aurais vite su... réplique-t-il d'un air sarcastique.

-Désolé, je dis en serrant les dents. Tu sais pourquoi elle veut soudainement apprendre à danser ? je demande en essayant de lui attraper la main.

-Aucune idée, dit-il en prenant la mienne. Mais c'est ma meilleure amie, et je ne veux pas la contrarier.

Je souris face à l'affection qu'il porte à ma sœur et l'embrasse tendrement. Ce geste me fait encore tout drôle, mais ce n'est rien face à ce que je ressens en parallèle.

-Ah ouais, tu ne veux pas me contrarier ? Ben je crois que c'est raté.

On se détache rapidement l'un de l'autre et nous tournons la tête dans la même direction. Julie est plantée à quelques mètres de nous, en short et teeshirt, des larmes pleins les joues. Elle doit être frigorifiée.

-En fait, vous êtes les mêmes. Des connards.

Elle tourne les talons et crie :

-Vous vous êtes bien trouvés, finalement ! Bonne vie à vous !

Je me tourne précipitamment vers Zack, qui hoche la tête. Je lui lâche la main et hurle à Julie :

-Laisse-moi t'expliquer !

-Va te faire foutre !

Sa voix résonne dans les rues jusqu'à ce que sa silhouette disparaisse. Je reste un moment planté sur le trottoir à réfléchir, puis prends finalement la décision de rentrer chez moi.
J'ouvre la porte qui grince légèrement, puis la referme. Toutes les lumières sont éteintes, ils sont partis se coucher. J'ai mal au cœur en pensant à ce qu'il vient de se passer, mais je n'ai d'autres choix qu'attendre demain pour régler cette histoire. Je dormirai à nouveau avec la boule au ventre.
Je m'installe dans ma chambre et m'apprête à changer de caleçon avant de voir mon armoire vide.

Ma valise est dans la voiture.

Sous son emprise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant