Chapitre 22

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Nous regardons la façade, dubitatif. Julie fait une petite moue, alors je lui donne un léger coup de coude.

-Allez, c'est pas si terrible, je dis avec motivation.

Nous avançons et croisons un jeune homme qui affiche un grand sourire.

-C'est vous les nouveaux ? Si je m'attendais à ça !

Il pose ses mains sur ses hanches, pendant que Julie et moi le regardons avec un air ahuri.

-Je suis votre voisin. Laissez-moi vous aider.

Il s'empare de la valise de Julie et nous invite à le suivre. Cette réaction me surprend, on dirait qu'on arrive tout droit dans un hôtel de luxe, et qu'après avoir porté nos affaires, ce garçon va nous proposer un dîner copieux.
Nous montons jusqu'à faire face à la porte de notre futur chez nous. Le mobilier est simple, mais nous sommes déjà chanceux qu'il soit là.
L'homme rend la valise à Julie, qui la pose sur le lit.

-Je ne me suis pas présenté, je m'appelle Vincent.

Il me sert la main avec conviction. De mon côté, je suis un peu dans les vapes suite aux événements. Je n'arrive pas à me faire à l'idée que j'habite désormais ici, loin de ma ville natale et de mon entourage.

-Tom, je dis finalement.

J'ai été clair avec Julie sur le fait que nous devions changé d'identité. Je pense qu'au fond d'elle, elle sait qu'elle a tué notre père. Elle sait que nous sommes en danger. Elle a donc accepté sans broncher. Dorénavant, je m'appelle Tom, et elle Marie.

-Enchanté. D'où venez-vous ?

Je lui lance un regard froid.

-Quelque part entre Mars et Vénus.

Il se met à rire, ce qui n'est pas la réaction que j'attendais.

-Excuse-moi, je ne voulais pas paraître indiscret.

Il affiche un sourire sincère, ce qui me détend un peu.

-Nous sommes assez discret sur notre vie privée, je lance d'un ton un peu moins dur.

-C'est tout à fait normal.

Nous restons là un instant, jusqu'à ce qu'il sente qui est temps de partir.

-Bon, eh ben ravi de vous avoir rencontré, dit-il en alternant entre Julie qui vient de nous rejoindre et moi. J'espère qu'on se reverra bientôt. Si vous avez besoin d'aide, n'hésitez surtout pas.

Il s'en va, et un silence pesant s'abat soudain sur la pièce. Julie s'approche de moi et enroule ses bras autour de mes hanches.

-Ça fait bizarre... souffle-t-elle.

-Je sais, je réponds en lui caressant les cheveux. Mais on finira par s'y habituer, tu verras. Regarde, on a déjà fait une rencontre.

-Il a l'air plutôt sympa, constate-t-elle.

Je ne réponds pas. Je redoute le moment où ils découvriront que mon père a été tué. Même si j'ai enlevé les pièces à convictions, quelques analyses prouveront qu'il s'agit bien d'un meurtre.
Effrayé, je sers Julie dans mes bras. Tout ira bien tant qu'elle est avec moi. Rien ne pourra nous séparer. Rien.

*

Voilà quatre semaines que nous sommes ici. J'ai lu dans un article sur internet qu'un voisin a retrouvé mon père inerte dans sa cuisine. Il est stipulé qu'il a dû tomber et se cogner la tête contre le plan de travail, bien qu'il n'y ait pas de sang. De plus, le degré d'alcool important retrouvé dans son sang appuie cette théorie.
Il n'y a donc pas eu d'enquête. La mort de mon père ne méritait pas plus d'attention, surtout avec les témoignages négatifs de ses collègues et de nos voisins. Il n'est pas passé à la télé, et personne n'en a jamais reparlé.
Nous pouvons donc tout recommencer. Cette fois, ça y est. Julie et moi - enfin Marie - pouvons commencer une nouvelle vie. Sans accro.
Ces dernières semaines ont été assez dures, mais nous pouvions compter l'un sur l'autre. C'est ce qui nous a aidé à tenir. De plus, nous avons recroiser Vincent. Je pense que l'on peut lui accorder notre confiance, ou en tout cas le considérer comme notre ami. C'est un homme sympa, ayant l'air intelligent et altruiste. De plus, il est très mignon, mais ça, j'évite d'en faire part à Julie. Je pense que je lui ai aussi tapé dans l'œil. Je ne compte pas m'engager dans une nouvelle relation maintenant, il est beaucoup trop tôt, et je n'ai pas la tête à ça. Mais admettons qu'un jour je me remette des événements, qu'un jour tout redevienne normal, je pourrai envisager d'inclure une autre personne dans ma vie.
Je m'appuie contre la fenêtre, pose ma tête dans ma main. Malgré le fait qu'on soit bientôt en été, il pleut des cordes. Bizarrement, ce temps ne m'agace pas. Il me rassure même un peu. C'est fou comme nos pensées peuvent varier selon nos humeurs. Là, le son des gouttes qui s'éclatent au sol et des orages qui grondent m'apaise.
Je regarde au loin, bien que je n'y vois pas grand chose tellement le temps est couvert. Et c'est alors que je pense à toi. Ils pourraient m'arriver toutes les choses du monde, je penserai à toi. Toujours.
Je ferme les yeux avec un sourire triste et chuchote comme s'il pouvait m'entendre :

-Je ne t'oublierai jamais Zack.

Sous son emprise Où les histoires vivent. Découvrez maintenant