10 - Le jus de pommes, le rat et les yeux

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     Julian observait attentivement Blanche boire son verre de jus de pommes. Elle adorait le jus de pommes. Il triturait sa tartine de beurre dans sa main tout en avalant quelques gorgées de son thé. Il était tôt pour un samedi matin, et Julian avait accepté de sortir du lit uniquement pour entendre ce que son époux avait à lui dire à propos de ce qui s'était passé la nuit dernière.

     Globalement, un Mythe s'était fait tuer, un autre l'avait peut-être appelé, et leur fille était peut-être en danger. Qu'est-ce qu'il avait détesté cette dernière partie.

« Encore, Papaju, dit un petite voix, le tirant de ses pensées.

     Julian sourit à Blanche et lui resservit un fond de verre de jus de pommes.

— Et le mot magique ? demanda-t-il.

     Blanche sembla hésiter un instant.

— Abracadabra, répondit-elle avec un large sourire.

     Julian se retint d'exploser de rire et lui donna son verre. Raphaël choisit ce moment pour arriver, fraichement sortit de la douche et habillé. Il déposa un baiser sur la joue de sa fille et un autre sur les lèvres de Julian.

— T'es déjà parti ? demanda-t-il.

— Oui, la livraison arrive dans pas longtemps, heureusement que je ne suis pas le seul employé.

— Raphaël, tu es le patron. Tu ne devrais pas travailler un samedi matin.

— J'ai prit ma journée, je n'y passe que pour la livraison, on mangera dehors et on ira au parc, si tu veux.

     Le visage de Julian se ferma un peu.

— J'aime pas trop... Aller dehors, et tu le sais. Tout le monde nous regarde bizarrement au mieux, et au pire les passants croient que je suis un « ami de la famille ». Et c'est vexant.

— On les emmerde. Ils finiront par se douter de quelque chose quand je te roulerai une pelle, de toute façon.

     Julian lui sourit.

— J'ai mit une machine à tourner, tu pourras l'étendre quand ça sera terminé ? Je crois que j'ai réussi à faire partir le... Le... Enfin, tu sais.

— Oui, je sais. On sera prêt à ton retour. »

     Raphaël embrassa Julian et Blanche avant de partir. Ce dernier débarrassa la table et mit le lave-vaisselle à tourner, puis il partit à son tour se préparer.

     En passant devant la cage de Maltus, habituellement en train de dormir à cette heure-ci, il remarqua que ce dernier semblait observer ses allers et venues dans la pièce avec la plus grande des attentions. En se disant qu'il en parlerait à Raphaël plus tard, il partit s'habiller.

———————

— Le lendemain —

     Clyde s'était rarement sentit aussi stupide.

     Après avoir supporté Emma durant tout le repas, il avait laissé Bonnie toute seule à la maison, et il était ressortit seul par la suite.

     À présent, il était accroupit par terre, dans une station de métro un peu loin de l'appartement, à la propreté douteuse. Il guettait le moindre rat qui faisait des aller-retours sur le quai presque vide, effrayant le peu de passants qu'il y avait à cette heure-ci.

     Il y en avait qui s'arrêtait quelques courts instants devant lui, pour ensuite repartir en courant, s'engouffrant dans le tunnel du métro. D'autres passaient devant lui sans lui prêter la moindre attention. Clyde serra les poings.

     « J'ai besoin du Roi... J'ai besoin de lui, aller... »

     Le Roi avait des rats partout dans le monde. Si Chicago était le seul endroit où il n'y en avait pas, cela voulait vraiment dire que Clyde n'aurait jamais de chance dans cette réincarnation. Pourtant, il avait tout prévu ; jusqu'au morceau de fromage dans sa poche.

     Il attendit quelques minutes après, puis il finit par se relever pour changer d'endroit, dépité. Un métro arriva, des personnes montèrent et descendirent de la rame, et il repartit. Clyde soupira et il se releva.

     À ce moment-là, il entendit un petit couinement à ses pieds. En baissant la tête, il vit un énorme rat brun planté au bout de sa chaussure, dressé sur ses pattes avant. Ils se fixèrent dans le blanc des yeux durant quelques minutes, avant que Clyde ne soupire et fasse un pas pour s'en aller. Lorsqu'il sortit à l'air libre, la nuit était tombée depuis quelques minutes. Il fit quelques pas avant d'entendre le même couinement.

     Le rat l'avait suivit. Clyde se planta devant lui, et il s'accroupit devant lui. Plusieurs passants le regardaient d'un air circonspect.

« J'ai besoin du Roi. Tu sais où il est ?

     Le rat couina. Clyde souffla avant de sortir le morceau de fromage de sa poche. Le rat eut l'air plutôt heureux de voir ce présent.

— Dit au Roi que j'ai besoin de lui. En ce moment, je m'appelle Clyde Bishop. Clyde Bishop. N'oublie pas, d'accord ? »

     Le rat sembla engloutir le morceau de fromage et partit trotter ailleurs. Avec un peu de chance, il savait où était ce dernier, et comment aller vers lui. Il se releva et enfouit ses mains dans ses poches. Lorsqu'il soupira, de la buée sortit de sa bouche.

« Putain, mais t'es vraiment bizarre comme mec.

     Clyde sursauta et se retourna vivement, pour faire face à Emma.

— Merde, mais c'est pas possible, qu'est-ce que tu fais ici ?!

— Qu'est-ce que toi, tu fais ici ? J'habite là.

     Elle désigna d'un coup de tête un immeuble d'appartements non loin du métro.

— Bonnie n'est pas avec toi ?

— Non, Bonnie n'est pas avec moi, dit-il d'un ton exaspéré.

— Qu'est-ce que tu faisais avec ce rat ? demanda-t-elle avec la plus grande curiosité.

     Clyde souffla.

— J'essayais de voir si je pouvais le dresser. Comme ça, j'aurai monté un crique ambulant pour me casser d'ici. D'ailleurs c'est ce que je vais faire, là, tout de suite. Salut.

— Euh, on se voit lundi en cours ?

— Ouais, p't-être. »

     Il partit sans demander son reste, laissant Emma seul.

     Sur le chemin du retour, il ne put s'empêcher de presser le pas. À quel point Emma avait-elle entendu sa « conversation » avec le rat ? Est-ce qu'elle savait quelque chose à propos des Mythes ? Bien sûr que non, tout cela lui semblait impossible. Mais quand même... Cette idée allait lui trotter bien longtemps dans la tête. Comme s'il n'avait pas suffisamment de soucis en ce moment.

     Une fois de plus, il se retrouva à l'entrée du parc, qui était encore fermé. Ça également, venait s'ajoutait sur sa liste de problèmes. Certes, il avait faillit se faire agresser (une fois de plus) par Warren. Mais c'était quoi, la chose qui l'avait sauvé ?

     Il s'arrêta un peu trop longtemps devant l'entrée du parc. Tellement longtemps qu'il se rendit compte que quelque chose le fixait, dissimulé par les arbres du parc. Clyde en était sûr cette fois-ci, il y avait quelqu'un, s'il devait jugeait la hauteur approximative. Ou quelque chose, s'il jugeait l'étrange éclat jaune que semblait lui renvoyer la chose.

     Dans tous les cas, il pressa le pas et il se dépêcha de rentrer chez lui.

     Clyde n'espérait plus qu'une chose ; que le rat sache où se trouvait le Roi. 

Il était deux fois [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant