19 - L'appartement, l'étoffe et le repas

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     Clyde tremblait. Chaque pas qu'il faisait aux côtés de Duncan le rapprochait de plus en plus du nouveau logement du Loup. Malgré son anxiété, il ne pouvait s'empêcher de remarquer que Duncan, lui aussi, jetait des petits coups d'œil par dessus son épaule de temps à autres. Il remarqua ensuite qu'ils faisaient de nombreux détours et autres, coupant dans des petites rues qui en débouchaient sur des plus grandes pour finalement se retrouver devant un beau bâtiment.

     Duncan fouilla un instant dans ses poches pour en sortir un trousseau de clé, et ouvrit sa porte. Il s'écarta pour laisser passer Clyde et il referma la porte derrière lui, non sans que Clyde n'ai eu le cœur qui battait un peu plus vite.

     Le roux examina l'endroit. Il s'agissait d'un immeuble de plusieurs appartement, s'il jugeait les nombreuses boites aux lettres qui occupaient un bon pan du mur à sa droite. Duncan vérifia rapidement s'ils avaient reçu du courrier. Il attrapa les quelques lettres qui s'y trouvaient.

« On habite au deuxième étage, dit-il à Clyde, l'arrachant de sa contemplation du plafond.

— Je te suis, répondit-il.

     L'ascenseur était en panne. À vrai dire, cela arrangeait plutôt Clyde. Il n'avait pas vraiment envie de se retrouver dans un espace confiné avec Duncan. Il était plutôt du genre à s'espacer d'un mètre de distance, tout en veillant aux moindres mouvement du Loup.

     Ils finirent par arriver devant une porte bleue. Duncan l'ouvrit et il s'encarta de l'encadrement de la porte pour laisser entrer Clyde.

— Je m'excuse d'avance pour le désordre, on n'a pas encore eu le temps de défaire tous les cartons.

     Clyde ne répondit rien et il observa les lieux, tout en entendant Duncan refermer la porte derrière eux.

     Dans la pièce principal, beaucoup de cartons à moitié ouvert s'empilaient dans des tours très peu stables, et certains objets débordaient même de certaines boites.

— La pièce au fond à gauche donne accès à la chambre et à la salle de bain de mon père, on est en plein milieu dans le salon, en face de toi, c'est notre cuisine et à droite c'est ma chambre et ma salle de bain. Voilà.

— C'est... Grand.

     Duncan eut l'air étonné, mais il ne releva pas la remarque. Clyde, quant à lui, ne pouvait s'empêcher de comparer la taille de l'appartement de Duncan au sien. C'était propre, lumineux... Certes un peu en désordre, mais tellement plus accueillant que le sien.

— Et... Au cas où tu n'aurais pas confiance en moi, le au balcon donne accès à un escalier de secours. Une fois arrivé en bas, tu n'as qu'à partir à droite pour rejoindre la grande rue. Il y a un arrêt de métro juste en face qui te ramène aux alentours du lycée. Depuis là, tu sais rentrer chez toi.

     Clyde esquissa un sourire qu'il effaça bien vite.

— Tu n'as pas peur que ton père débarque à l'improviste ? demanda-t-il pour changer de sujet.

     Duncan regarda sa montre.

— Non. Le midi, il mange avec les professeurs pour mieux les connaître. Il rentrera probablement ce soir. Est-ce que tu as faim ?

— On devrait retourner au lycée, Duncan.

— Pas après la crise que tu m'as fait tout à l'heure.

— J'ai reçu quinze messages d'Emma qui me demandait où j'étais passé.

— Répond-lui la vérité, dit que t'es avec moi, dit Duncan en haussant les épaules, bon alors, tu veux manger quoi ?

     Clyde envoya un message à Emma et il coupa son téléphone. S'il ne le faisait pas, Emma allait lui envoyer des messages tout le long de l'après-midi, probablement pour avoir des comptes-rendus détaillés de tout ce qu'il se passait en temps réel avec Duncan.

— Tu veux dire que... Le Grand Méchant Loup va cuisiner pour moi ?

— Petit, soupira Duncan, je ne te veux pas de mal. Tu n'as qu'à prendre par toi-même ta cape dans mon sac pendant que je cherche un plat à faire avec les restes qu'on a... marmonna-t-il en faisant disparaître sa tête dans le frigo.

     Clyde s'exécuta et récupéra son bien le plus précieux. Lorsque ses doigts entrèrent en contact avec le tissu, bien des souvenirs remontèrent à lui. Il se perdit dans de nombreuses pensées, caressant l'étoffe écarlate. Il finit par la sortir en entière du sac et la déplia. Elle avait traversé les époques et pour une raison miraculeuse, elle était encore en état. Sale, mais en état.

     Pour la bonne et due forme, Clyde la passa un instant sur ses épaules. Elle lui arrivait un peu en dessous des genoux. Avec un sourire dissimulé, il l'ôta et la rangea dans son sac.

     Lorsqu'il releva la tête, il sursauta en voyant Duncan, assit sur le dossier du canapé. Il ferma prestement la fermeture de son sac.

— Pourquoi est-ce que tu as peur de moi, Petit ?

— Tu m'as mangé.

— Et après, tu as rempli mon estomac de pierres et tu m'as foutu dans une rivière. Ça s'appelle de la cruauté envers un animal. En voie de disparition, en plus.

— Lors de la réincarnation qui a suivit celle-là, tu as donné tous les renseignements nécessaires à la Méchante Reine et je me suis fait tuée. Bordel, Duncan, j'avais quatre ans et cette psychopathe m'a enterrée vivante ! On peut continuer comme ça longtemps, tu sais ?

     Duncan baissa le regard, pour le replonger dans celui de Clyde.

— Lorsque tu t'es fait agressé par Warren et ses amis, j'étais à la recherche d'Hansel. Mais j'ai sentit ta présence. Je... J'voulais juste voir à quoi tu ressemblais, et je t'ai suivit. Et lorsqu'ils t'ont plaqué à terre, je n'ai pas pu m'empêcher d'intervenir. C'était Hansel ou toi, Clyde.

— Tu aurais du sauver Hansel, répondit Clyde avec amertume.

— Comment tu peux être sûr qu'il est mort ?

     Clyde prit une grande inspiration.

— Lorsqu'un Mythe meurt, et qu'aucun d'entre nous ne sait où il se trouve, on a une... Une sorte de réaction, qui est amplifiée si jamais le Mythe a eut une mort violente. C'était le cas pour Hansel, et c'était le cas pour Gretel. Pas vrai ? demanda-t-il en regardant Duncan avec insistance.

     Duncan baissa le regard, une lueur de tristesse dans ses yeux qu'il effaça rapidement.

— Oui. On l'a assassiné, et il y a même une enquête qui a été ouverte.

     Clyde se laissa tomber sur une chaise.

— Pourquoi est-ce tu as tué Warren ?

— Parce qu'il allait te faire du mal, répondit-il avec l'honnêteté la plus franche, Petit, tu sais que je suis prêt à tout pour que tu aies confiance en moi. Je ferai tout ce qui est possible pour te le prouver.

— Prouve-moi que ce n'est pas toi qui a tué Hansel.

— Comment est-ce que je pourrais ?

— La mort d'Hansel a eu lieu le dernier vendredi de septembre. Qu'est-ce que tu faisais à ce moment-là ?

— Euh... marmonna Duncan, prit de cours, je... Je ne sais plus trop...

— Tu ferais bien de t'en souvenir, et vite, trancha Clyde.

     Duncan soupira et approcha son visage de celui de Clyde. Ce dernier recula brusquement.

— Tu fais quoi, là ?

— Mémoire des mémoires ? Comme ça, tu auras la certitude que je ne te mens pas, proposa-t-il en haussant les sourcils.

     Un gargouillement tout droit sortit des entrailles de Clyde l'empêcha de répliquer, et le four sonna.

— Un p'tit creux ? se moqua Duncan, aller, debout, je ne vais pas te manger. Promit, dit-il avec une voix emplie de sincérité. »

     Clyde ronchonna et se releva, pour aider Duncan à mettre la table.

Il était deux fois [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant