(19) Projection mentale de souvenirs - 1ère analepse Cornelia

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Interlude
Julia se tenait assise, les yeux perdu en des contrées intérieures.

Elle pensait...
Je me suis volontairement vêtue à la dernière minute, de façon à avoir l'air désinvolte et revêche. Il était impensable de m'embellir simplement pour le confort des yeux de mon futur geôlier ! A vrai dire, j'ai même poussé mon impudence à son extrême en m'enlaidissant autant que possible. Je conserve une apparence peu repoussante, ce qui n'est pas toujours un avantage malgré l'apologie de l'harmonie des traits qui est ressassée dans nos constructions sociales...

Je n'ai même plus envie de m'adresser à Junon, qui devrait pourtant être à mes côtés en cet instant. Nous sommes en juin, le mois qui lui est attribué. Nous n'avons rien laissé au hasard...mais il n'y a personne d'autre que moi dans la pièce, moi et le souvenir d'une mère apparue en songe, et dont aucun manque ne résulte de l'absence.

J'y réfléchis, et je me dis que je n'ai pas la chance d'avoir une amie de longue date, une présence réconfortante qui m'épaulerait en toutes circonstances. Etait-ce le cas de feu ma mère?
Je n'attendais pas de réponse à cette question, mais plus rien n'était susceptible de me prendre au dépourvu depuis l'apparition de ma génitrice. Pas même une réminiscence qui n'est pas la mienne...

Analepse première (Cornelia)

Je la guettais depuis une durée immodérément longue. N'ayant rien pour me distraire, je m'efforçais de l'imaginer. Rien de plus compliqué que de prévoir une personne dans toute son entièreté, en connaissant uniquement son village natal. Elle venait de Piocco Picenze, à une journée de marche de Rome. Père avait refusé de lui allouer un autre moyen de transport, trop onéreux pour une simple servante. J'ai bien plus d'attentes que lui la concernant, j'ai la ferme intention de m'en faire une amie...
J'ai beau être membre de l'illustre famille Cinna, je n'en suis pas moins fille unique. Et terriblement seule. La solitude me ronge de l'intérieur, me rend morose.
J'envierais presque les enfants de plus basse naissance qui ne sont pas enfermés dans une immense villa contenant une part de vide bien trop grande à combler et qui goûtent aux plaisirs de l'amitié, sans être obligés de donner une autre contrepartie que leur amitié réciproque à l'être cher. Je sais pertinemment que Fabia ne sera pas là par choix, ni de gaieté de coeur...
Je la vois ! Elle semble fourbue par le trajet, je m'empresse de la délester de sa simple sacoche et lui décoche mon sourire le plus naturel. Elle a une chevelure noire comme un ciel sans étoiles. Une bouche prête à croquer la vie de toutes ses quenottes. Des yeux rieurs et un air doux. Exactement comme je l'avais prédit.

On toque à la porte. J'ai eu un moment d'absence mais j'aurais été bien incapable d'inventer tout ce qui vient de se dérouler dans ma tête...dans un recoin de mon esprit commence à se tisser l'obscure trame d'une histoire passée. Est-il seulement possible que mon cerveau soit relié à celui de ma mère de la sorte? Est-il plausible que cette Fabia soit la même que l'amour de jeunesse de Pompée?
Le prénom est répandu mais la possibilité n'est pas à exclure.

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant