(54) Filiation dégradante

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Cornelia n'essaierait pas de rattraper son enfant. Elle lui avait échappé, elle le sentait dans toutes les fibres de son corps de mère. Elle ne lèverait jamais ce regard admiratif sur son visage, comme tant d'enfants. Elle avait compris. Un signe précurseur était sa fuite, mais elle l'avait définitivement perdue lors de sa discussion avec sa grand-mère Aurelia. Cette vieillarde ne l'avait jamais apprécié
et s'était fait un plaisir de la dénigrer dans le cœur de sa fille.

Et malgré tout, Cornelia ne lui en tenait pas rancune. Elle avait conscience de sa propre indignité. Elle s'était laissée entrainer par Marcus, et y avait pris goût. Elle ne comptait plus le nombre d'occasions qui lui avaient été donnée de mettre un terme au sang et à la haine.

Sans le faire.

Elle avait laissé les optimates dérober ces enfants, leur avait même chuchoté l'idée.
Elle ne s'était pas contenté de fermer les yeux, ce qui aurait été lâche, elle les avait grand ouverts et était l'investigatrice de tout cela. Pourquoi ? Peut-être dans le vain espoir d'attirer l'attention de sa fille et d'avoir un motif pour entrer en contact avec elle, elle qui était restée en haut tandis qu'elle s'était enfoncée dans les profondeurs d'une abysse et était tombée en déliquescence.
Mêler guerre et manque d'amour, quelle folie !
Et après tout, les deux ne seraient-ils pas liés ?
Et Fabia dans tout cela...elle n'avait pas envisagé la retrouver.
Et pourtant, elle était bien là, heureuse de la voir. Et Cornelia s'était encore un peu plus enfoncée dans l'hypocrisie en lui mentant à propos de son décès. La pauvre femme ne savait même pas pourquoi elle était morte ! Bien sûr, Pompée et ses coups de sang faisaient les coupables parfaits.

Subsistait une question dans son cœur d'épouse : son mari lui était-il resté fidèle ? Pensait-il à elle régulièrement ?
Elle aurait été capable de déclencher une nouvelle guerre simplement pour avoir l'occasion de lui parler à nouveau si la haine de sa fille ne s'était pas déversée dans son sang, interrompant ses divagations. Après l 'incompréhension était venue la stupéfaction. Ensuite, ce fut au tour de l'horreur. Et enfin de cette haine incommensurable. Comment savait-elle tout ce que pensait une autre personne ?

Deux explications : le lieu, qui n'offrait pas de corps aux esprits mais les rendaient plus perméables, et la connexion d'une mère et de sa fille. Il y a bien longtemps qu'elle aurait pu la rattraper. Mais elle ne le ferait pas. Elle était lasse de courir après l'amour, ne s'y prenant jamais de la bonne façon.
Cornelia jeta un regard passif sur la nouvelle bataille navale qui se déclarait, et dans un soupir, rendit l'âme en s'enfonçant une bille dans la poitrine. Elle n'aurait pas supporté être détestée par son enfant.

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant