18 : Melena.

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Le garde s'arrêta devant une gigantesque porte noire, au bout d'un couloir clair, avec de grandes ouvertures sur le royaume des elfes. Lequel était magnifique. Prenez la plus belle forêt que vous connaissiez. Ajoutez des demeure belles mais pas très grandes dans les arbres, avec de petits ponts de verre et de pierres qui les relient les uns aux autres. Imaginez le tout dans une douce lueur d'aube, et vous n'aurez qu'une petite partie de la majesté des elfes. La plus grande partie de cette majesté naturelle résidait dans les habitants, qui couraient, riaient, chantaient ou s'entrainaient au maniement des armes dans un mélange de sons purs et mélodieux. Melena s'étonna de ne pas voir d'enfant. Jusque maintenant, elle n'avait rencontré que des adultes, tous plus somptueux les uns que les autres. Et, sans qu'elle sache pourquoi, tous s'étaient inclinés devant elle, sans jamais rien dire. La jeune fille avait mis ça sur le compte de ses origines sorcières. Comment l'expliquer autrement ? Il est vrai que la robe argentée qu'elle avait revêtue lui donnait un air majestueux. Son décolleté en V, les manches jusqu'au milieu des avant-bras, le large ruban qui entourait sa taille et la jupe légèrement bouffante lui allaient comme un gant. Dans tous les cas, Melena n'était pas mécontente de cette pause. Le royaume des elfes ne subissait aucune attaque comme celle de la forêt, deux jours plus tôt. Deux jours que je dors, et que je n'ai pas vu Ana... pensa la jeune fille. En se remémorant le visage de son amie, elle revit la lumière qui s'était échappée de ses mains pour tuer le loup-garou qui menaçait de l'égorger. Pourtant, la jeune fille était humaine, et n'avait jamais manifesté le moindre don en matière de magie. Sans doute le choc... pensa Melena. Elle-même avait découvert ses pouvoirs à trois ans, quand elle était tombée dans un lac et avait failli se noyer. Toute l'eau autour d'elle avait disparu. Le garde se racla la gorge, la ramenant à la réalité.

- Etre-vous prête, Milady ?

Melena inspira profondément, releva la tête et déclara :

- Je suis prête. Allons voir le roi.


La salle du trône était immense. Tout un village aurait tenue dans la pièce au plafond soutenue par des colonnes. D'une forme rectangulaire, les murs étaient ouverts avec des arcades, reliés avec des petits murets. Les extrémités des arcades se rejoignaient sur le plafond, à des intervalles réguliers. La lumière passait à travers le feuillage des arbres aux alentours, donnant à la salle l'aspect d'une clairière en été. La porte était ouverte sur le mur le plus long de la salle. En face, à une petite dizaine de mètres, une deuxième porte s'ouvrit.

- ELLEANA !!!

Melena se jeta à son cou, folle de joie, sans laisser le temps à la jeune fille de dire quoi que ce soit. Ana la serra elle aussi, et Melena sentit dans son étreinte le soulagement de la voir encore en vie. Quelqu'un toussa sur leur droite, et Melena se souvint d'un coup ou elles se trouvaient. Lâchant Elleana, elle se tourna vers le roi. Assit sur un trône fait de branches d'arbres tressées, lui-même posé sur une estrade, le monarque avait un air sévère, et des cheveux d'un roux flamboyant, courts et pas coiffés. Chose bizarre, cet aspect négligé donnait à son visage un air intéressant et séduisant. Ses yeux verts était sombre, calculateur. Pas étonnant, pour un roi dont le royaume n'est pratiquement jamais ouvert, pensa Melena. Bien qu'il fût elfe, son visage trahissait quelques signes de vieillesse, comme les rides qu'il avait dans le coin des yeux. Le vieux roi n'avait que les deux gardes qui avaient escorté les filles pour le protéger, mais il était évident pour toutes deux qu'il était assez puissant pour les métrisées toutes deux sans problème. Le roi tendit les bras vers elles deux et dit d'une voix claire, autoritaire et très profonde :

- Bienvenue chez moi, au royaume des elfes guerriers, dans ma demeure ancestrale. Je suis ravi de vous accueillir ici. Connor m'a déjà raconté votre voyage. Si vous le permettez, j'aimerais écouter votre version des faits.

Melena se tourna vers Elleana, laquelle avait déjà entamé une profonde révérence :

- Votre altesse, permettez-moi auparavant de vous remercier pour votre accueil chaleureux et tous les soins que vous nous avez prodigués.

Le vieux inclina lentement la tête dans sa direction, visiblement satisfait de ces remerciements :

- La plus élémentaire des politesses l'exigeait de moi. Je n'aurais jamais pu laisser des invitées aussi importantes sur le seuil de la mort.

- Je vous en remercie, majesté, lui dit Melena avec une révérence maladroite, et qui n'égalait en rien la majesté de celle d'Elleana.

- Et maintenant, reprit le roi avec la même voix calme et maitrisée, racontez-moi votre histoire.

Encore une fois, ce fut Elleana qui se chargea de cette partie. Elle parlait avec plus d'assurance que la première fois, et semblait prendre l'habitude. C'est vrai qu'on a fait pas mal de choses... réalisa Melena en l'écoutant narrer leur voyage. Lorsqu'elle eut finit, le roi la regarda avec tellement d'insistance que Melena se sentie gênée pour son amie. Le garde blond qui avait accompagné Ana, lui, était visiblement très surprit :

- Vous voulez dire que vous ne savez pas qui vous êtes ?

Melena était déstabilisée par la question. Connor avait eu exactement la même réaction. Ils savaient tous ce qu'elles cherchaient désespérément sans jamais l'avoir su. Ils les connaissaient. Mais, encore une fois, Elleana la devança :

- Si je peux me permettre, majesté, puis-je savoir à quoi Caleb fait référence en disant que nous ignorons qui nous sommes ?

Caleb ? Sans doute le garçon blond...

- Je ne pensais pas que ce serait si dur, dit le monarque d'une voix moins assurée. Il y a des choses qui m'échappent complétement. Je vous préviens, je n'en sais pas beaucoup plus que vous. Alors, voilà...

Mais avant qu'il puisse commencer, un garde entra, et chuchota à l'oreille du roi si fort que les deux filles n'eurent aucun mal à l'entendre :

- Les chasseurs sont revenus, sir. Levana demande à vous voir.

Le roi lui répondit calmement :

- Bien sûr, faite la rentré. Ce qui se passe ici la concerne encore plus que ça ne me concerne.

-Bien, altesse.

Le garde sorti à reculons, plié en deux. Quelques secondes à peine s'étaient écoulées quand une elfe entra. Elle avait elle aussi environ dix-sept ans, et elle tenait un arc dans ses mains. Elle était vêtue d'un gilet de cuir marron sans manches, avec un lacet en x et un décolleté en V. Sous son gilet, elle portait une tunique vert feuille toute simple, à manches longues. De grandes bottes, marrons également, recouvrait le bas de son pantalon noir. Ses grands yeux verts se promenèrent dans la salle et se posèrent sur les deux filles, toujours debout devant le trône du roi. Ses cheveux, du même roux flamboyant que ceux du roi, étaient ondulés, et lui arrivaient au milieu du dos. Mais ce qui transperça Melena, et la plongea dans la plus grande des confusions, c'était la mèche argentée qui arpentait la chevelure flamboyante de l'elfe.

- Très chères invitées, déclara le roi, je vous présente ma fille adoptive, Levana, princesse du royaume des elfes.

La jeune fille regarda les deux amies, avec ce qui ressemblait à de la colère dans ses yeux. Le vert de ses iris capté la lumière, et son beau visage était crispé, comme si elle se retenait de dire ou faire quelques chose qu'elle devrait regrettée. C'est elle, la deuxième que je devais trouver ? Melena envahit l'esprit d'Elleana, et sentit aussitôt une grande chaleur se répandre en elle :

« Je m'attendais à un tout autre accueil. Elle a l'air de me détester !

« Elle as surtout l'air blessée, dit Elleana, perplexe. Je ne comprends pas. Nous n'avons rien fait !

Soudain, Melena ressentie quelque chose de nouveau dans le lien : la chaleur se fit plus forte, plus intense, et en elle-même, la sorcière eut l'impression qu'une nouvelle pièce prenait place dans le puzzle de son existence. Mais les émotions qui l'envahirent alors ne furent pas des plus agréable : une pointe de colère et, il fallait l'avouer, une grande tristesse venait prendre place dans son cœur. Melena se tourna pour contempler le visage de son amie, et sa perplexité, qu'elle ressentait toujours, lui fit comprendre qu'elle n'avait pas imaginé le contact, ni les émotions qu'elle avait toujours dans son cœur.

« Qui es-tu ? demanda Elleana.

Une intuition traversa alors Melena, qui demanda :

« Es-tu... Levana ?

« En effet, je suis Levana, répondit instantanément la voix de l'adolescente. Et vous, vous êtes celles qui m'ont volée mon destin.

** *

- Alors, où en étais-je ? demanda le roi Sarin, une fois l'ordre à-peu-près rétabli dans la salle.

- Vous n'en savez pas beaucoup plus que nous, lui indiqua Melena, en tentant de ne pas trop pensé aux mystérieuses paroles de Levana, et aux émotions qu'elle leurs avaient transmisses durant leur bref contact télépathique.

-Ah, oui ! se souvint le monarque. Alors, voilà... connaissez-vous les vieilles histoires, les légendes sur la grande terreur ?

- Fort bien, oui, répondit Elleana pour elles deux.

- Et vous savez qui a causé la grande terreur ?

Melena tenta de se souvenir de ce que lui avait appris Cassandre et Elleana, puis répondit :

- Une des filles de la Lune, et un ange déchu. Il s'appelait... Euh...

- Raziel... murmura Elleana.

Melena se tourna vers elle, étonnée, et elle parut sortir de ses pensées :

- Quoi ? Ma dernière sœur adore l'histoire de la grande terreur !

Le roi toussota pour ramener leur attention sur lui, et continua :

- Fort bien. Vous avez parlez, il y a un instant, d'une fille de la Lune. Que savez-vous sur elles ?

- Elles étaient capables de prouesses magiques que nul ne pouvaient égaler, déclara aussitôt Melena.

Le légué sourire amusé qui se dessina sur les lèvres du roi rassura légèrement la sorcière, qui avait eu peur de dire une absurdité.

- Lorsqu'Elmara déclencha la Grande Terreur, confirma Elleana, seul un nouvel enfant de la Lune, un garçon créé à partir de l'essence du soleil, a pu stopper sa folie vengeresse. Aucun des peuples d'Ellendar n'avait était en mesure de venir à bout de ses armées du mal, ses serviteurs immondes créer dans l'ombre de la mort. Il n'y en a plus eut depuis ce jour.

- Vous ne savez donc rien de vous, soupiras Levana, qui avait abandonné son masque de colère. Vous êtes nées, avez étaient élevé, mais vous n'êtes pas prêtes à accomplir votre destin.

- Tu sais quelques choses sur ce que l'on doit faire ? demanda Melena, en décidant d'oublié la colère qu'avait ressentie l'elfe en les contemplant, Elleana et elle.

- Très chères enfant, les rappela le roi Sarin. Vous connaissez beaucoup de chose sur les filles de nuit. Mais vous vous trompez sur un point. Il y a eu de nouveaux enfants de nuit après Elmara.

- Comment se fait-il que nous n'en avons jamais entendu parler, majesté ? interrogea Elleana, perplexe. Ordinairement, la naissance d'une fille de nuit s'accompagne d'événement impossible à ignorer.

- Pas une fille de nuit, la contredit Sarin, mais quatre. Et c'est très récent. Ces quatre enfants sont nées il y a environ dix-sept ans. Et elles ont visiblement toutes hérité d'une mèche des cheveux de leur mère... L'argent est une couleur très pure, cela ne m'étonne pas particulièrement que les rumeurs sur les mèches des enfants de nuit soit fondées...

Melena ne savait pas ce qu'elle ressentait. Elle avait toujours adoré la nuit, et la Lune lui avait toujours apporté la paix. Depuis qu'elle avait compris que Cassandre l'avait adoptée, elle avait voulu connaitre le nom de sa mère. Mais maintenant, elle savait que cette dernière n'était pas morte. Non, c'était un être immortel, avec des pouvoirs assez grands pour créer un monde et tous ses habitants. Pas assez grands pour élever une enfant. Elle avait envie de pleurer. Mais... comprit-elle. Pas une enfant... Elle se tourna vers Elleana, et repensa à tous ce qu'elles avaient traversé.

- Alors cela veut dire... commença Elleana.

- Que tu es ma sœur, finit Melena.

En disant ces mots, elle se rendit compte qu'elle s'en doutait depuis longtemps. Dès le début, Elleana et elle s'étaient très bien entendues. Elles s'étaient senties très proches, et avaient découvert de nombreux points en commun. Elle songea avec un sourire ironique que jusqu'à maintenant, elle avait considéré la jeune fille comme la sœur qu'elle n'avait jamais eue.

« Ma sœur... lui dit-elle en savourant ces deux mots.

« Melena, si les filles de la Lune ont les cheveux d'argent... Nous ne sommes pas seules.

Melena regarda son amie (Non, pas mon amie : ma sœur, se corrigea-t-elle en elle-même) et la vit tourner la tête vers Levana, droite, prêt du roi qui l'avait élevée.

« Nous sommes donc sœurs, lui dit Elleana.

« Il semblerait, répondit la princesse, et une grande souffrance envahit la poitrine de Melena.

« Pourquoi cette douleur ? demanda la sorcière, surprise. Nous ne te voulons aucun mal...

Une nouvelle vague de tristesse lui parvint, et Levana se retira du lien, le cœur en pièce.


Ellendar tome 1 :  Le temps d'un secretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant