23 : Elleana.

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Cela faisait trois jours que les filles avaient quitté la cité des elfes. Sautant et courant au milieu des arbres, elles se raconter leur vie, leurs sentiment, utilisant le lien le plus souvent possible afin de créé une amitié indestructible. Fière de ne pas être seules, les trois sœurs créèrent une union parfaite, surement salutaire lors d'un combat. Slalomant entre les immenses géants d'écorces, Elleana s'était surprise à penser plus d'une fois que sans Levana, elles se seraient perdues, Melena et elle. Mais l'elfe savait manifestement ou elle allait. Sans la moindre hésitation, elles les guidaient dans le vert sombre des arbres, dérangeant parfois les minuscules lutins gris aux grands yeux noirs, qui les regardaient et leur criaient de leur voix minuscules et perçantes ce qui devait surement être très grossier en langage de lutin. Rencontrant des nymphes et autres créatures magnifiques pour la première fois, Elleana avait l'impression d'avoir était transportée dans l'une de ces histoires que ses sœurs lissait toujours. Elle souhaitait presque ne jamais cesser de courir dans la forêt. Au bout d'un moment pourtant, elles durent s'arrêter, épuisées. Alors qu'elles montaient les tentes que le roi Sarin leur avait données, Melena leur dit :

- Les filles, et si on écrivait notre propre histoire ? Vous savez, comme des chroniques...

Elleana réfléchit à la proposition, songeuse. Finalement, elle se tourna vers sa sœur et lui dit :

- Ce n'est pas une mauvaise idée, mais je pense qu'il faudrait attendre qu'on ait trouvé la dernière.

- Je suis d'accord, suivit Levana. Si elle a un cœur, elle se sentira sans doute exclue.

- Surtout si c'est une fée, acquiesça Melena. Vous avez raison, il vaut mieux attendre. Mais on le fera, hein ?

- Compte sur moi ! dit Elleana en mettant sa main à plat en l'air.

- Et sur moi, dit à son tour Levana, en ajoutant sa main sur celle d'Elleana.

Melena leur adressa un grand sourire heureux, et ajouta sa main. Elles restèrent ainsi pendant un instant, avant qu'Elleana ne rompe le silence qui s'était installé :

- On ne devrait pas lever les mains, dire Waouh, ou faire je ne sais pas quoi ?

- Elle n'a pas tort, intervint Melena.

- Et bien, attendons la fée, dit simplement Levana.

Elleana retira sa main et se retourna vers sa tente, dressée depuis peu. D'une taille tout à fait confortable, les trois filles n'en prenaient toujours qu'une sur trois. Elleana et Melena s'étaient habituées à dormir ensemble, et Levana avait envie de tisser des liens entre-elles. De plus, bien qu'aucune ne le dise clairement, leur proximité les rassurait toutes les trois. Il était bon de pouvoir se serrer les unes contre les autres, rendre leur aventure réelle, leur amitié encore plus forte. Et il était bon de parler. Parler de tout, de n'importe quoi, durant plusieurs heures, parfois toute la nuit. Elles se racontaient leur enfance respective, comparaient leurs pouvoirs, parlaient de leurs émotions. Ce dernier point était toujours suivi de larmes, car la famille de Levana et d'Elleana leur manquait, et Melena pleurait sa solitude et sa certitude qu'il n'y aurait personne chez elle pour la serrer dans ses bras quand tout serait fini. Aucune des deux autres ne trouvait jamais les mots justes dans ces moments-là, alors elles se taisaient. Elles se taisaient et, ensemble, elles regardaient les étoiles, et rêvaient aux terres qu'elles allaient parcourir, aux mondes qu'elles allaient découvrir durant leur voyage.


** *

Il leur fallu presque une semaine pour atteindre l'orée de la forêt, la frontière entre le royaume des elfes et celui des fées. Au début, elles n'avaient remarqué le changement qu'à la lumière. Puis, les arbres se firent plus espacés. Elles sentirent ensuite l'odeur de la mer. Enfin, elles étaient arrivées sur un terrain à découvert, avec au nord la forêt d'Arisel, au sud la forêt Fajhyceri, à l'ouest la Baie du croissant de lune, et à l'est le lac Feeasuz. Le vent marin leur fouettait le visage, faisant voler leurs cheveux, s'amusait avec leurs mèches, qu'elles avaient décidé de ne plus cacher (Levana avait beaucoup insisté sur leur fierté à préserver). La mer, étincelante, faisait mal aux yeux, après les semaines passées à l'ombre de la forêt. En face d'elles, les arbres de la forêt Fajhyceri semblaient luire dans la lumière déclinante de la fin du jour. Les fleurs et les feuilles étaient entièrement faites de diamants aux teintes rosées et bleutées, parfois violacées.

- Ah oui, murmura Melena.

Elleana était tout aussi impressionnée qu'elle. Levana, pour sa part, haussa les épaules :

- Ce n'est rien. On s'y habitue, à force. Venez, ajouta-t-elle tandis que les deux autres la regardaient comme si elle avait perdu la tête. Il nous faut trouver la reine Mary avant la tombée de la nuit.

Suivant sa sœur, Elleana s'élança dans la forêt.

Marcher dans la forêt des fées était encore plus impressionnant que la regarder. Alors qu'elles étaient en hiver quelques minutes plus tôt, la forêt dégageait une douce chaleur. Le soleil traversait les feuilles transparentes. Elles n'étaient pas vraiment en diamant, mais plutôt en papier de verre. L'herbe était si douce sous leurs pieds qu'elles enlevèrent leurs chaussures pour pouvoir en profiter un maximum. Elles croisèrent foule de petits animaux inhabituels : des moineaux aux plumes arc-en-ciel et à la queue si grande qu'elle semblait appartenir à un paon, des écureuils blancs qui tressaient des fleurs, et même un cerf entièrement doré. Lorsque ce dernier avait surgi, si grand parmi les arbres, à peine à un mètre, Elleana avait d'abord pris peur. Mais la magnifique créature, au lieu de charger, avait replié ses longues pattes avant, et s'était incliné devant elles. Levana s'était montrée enchantée par ce geste :

- J'ai lu dans un livre que les cerfs dorés étaient extrêmement rares ! Et lorsque l'un d'eux s'incline devant nous (ce qui, dit en passant n'est arrivé que trois fois dans toute l'histoire), la personne connait un destin exceptionnel et son nom entre dans l'histoire !

- Oui, eh bien, ajouta Melena. Avec la chance que l'on a, notre nom ne servira qu'à dire : « Ne fais pas de bêtises, tu risques d'exploser, comme les filles de la Lune ! »

Sans savoir pourquoi (peut-être à cause de l'extrême sérénité des lieux), parler ainsi fit peur à Elleana :

- Exploser ? répéta-t-elle d'une petite voix en se sentant pâlir.

Levana éclata de rire :

- Mais non, béta ! Melena rigolait !

Mais, à voir le regard de Melena, celle-ci ne rigolait pas du tout. Elle regarda Elleana d'un air sombre, comme pour dire : Ecoute-la, et tu le regretteras, mais ne contesta pas les paroles de sa sœur elfe. Au contraire, elle sembla enchantée que cette dernière le prît avec autant de légèreté. Elleana décida de ne pas lui demander d'où lui venaient ses sombres pensées et suivit ses sœurs encore plus profondément dans la forêt.

Elles n'avaient pas marché pendant vingt minutes qu'une fée surgit devant elles. Une femme, au visage sans âge. Ses long cheveux châtain encadré son visage pâle, et ses yeux marron exprimé à la fois le respect et l'émerveillement. Deux ailes translucides aux magnifiques reflets de mille couleurs et de mille formes se déployaient lentement dans le dos de la fée, qui s'inclina, et murmura doucement :

- Filles de nuit. Je vous souhaite la bienvenue dans la forêt des fées, royaume de sa majesté la reine Mary. En son nom, je vous demande de m'accompagner au palais, ou vous pourrez vous reposez et vous entretenir avec sa majesté.

- Ce sera avec plaisir, répondit Levana en inclinant la tête, que nous vous suivrons jusqu'au palais de sa majesté la reine.

- Bien, murmura la messagère. Si vous vouliez bien me suivre, filles de nuit. Sa majesté vous attend.

Bien que pas totalement rassurée, Elleana emboita le pas à ses sœurs en direction de la dernière fille de nuit.


Ellendar tome 1 :  Le temps d'un secretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant