13 : Melena.

26 7 6
                                    

Durant les jours qui suivirent, les deux amies ne quittèrent plus la forêt. Melena avait tenté d'apprendre la magie à Elleana, mais cette dernière n'avait pas assez de concentration en elle. La jeune fille avait parlé à son amie de ses rêves, et la sorcière en avait déduit qu'elle était capable de bien plus, avec un peu d'entraînement. Mais Ana ne parvenait pas à accepter l'idée qu'elle était plus qu'une humaine, et ne parvenait donc pas à progresser, malgré les encouragements constants de Melena. Pour se racheter, Elleana avait accepté de servir de cible à la sorcière pour ses sorts, mais Melena n'avait aucune aversion contre elle, elle ne pouvait donc pas la blesser, même légèrement. Elles en étaient donc réduites, Elleana et elle, à s'entrainer tous les soirs au maniement des armes. Elleana apprenait à se battre contre une arme puissante et encombrante, et gagner de plus en plus de souplesse et de stratégie. En revanche, Melena apprenait à ne pas réfléchir, à suivre son instinct. Les deux amies étaient devenues de vraies professionnelles, extrêmement difficile à battre. Il leur arrivait souvent de faire match nul, et de s'arrêter au bout de quelques heures d'échanges acharnés et inefficaces, car aucune ne parvenait à prendre le dessus. Un jour, elles furent attaquées par une bande de bandits, entrainés pour le combat. Bien qu'ils fussent une bonne vingtaine, les deux adolescentes avaient allié leurs forces, et les bandits avaient dû prendre la fuite pour éviter d'être massacrés. Les deux amies l'avait senti passer : c'était la première fois qu'elles tuaient des êtres humains... Mais le plus important, c'est que la leçon avait servi aux deux jeunes filles. Elles s'étaient découvertes excellentes partenaires, et elles avaient désormais compris que leurs duels ne servaient à rien, sinon à les épuiser inutilement. Elles ne pratiquaient donc plus que des échauffements.

Deux semaines s'écoulèrent ainsi, durant lesquelles elles suivirent la rivière Derildar, jusqu'à la ville de Fasquor. Ville portuaire, cette dernière se situait sur le bord du continent connu, près de l'océan Quaritilar. La ville était réputée pour regorger de commerces en tous genres, et les nains étaient d'excellents commerçants. Plus d'un voyageait en permanence, visitant les Hommes afin de négocier tel ou tel produit. Melena se demandait ce que leur couterait un voyage jusqu'au royaume des elfes, mais la jeune fille n'avait pas de réponse. Elles n'avaient rien.

- Tu es prête ? demanda Elleana à son amie, perdue dans ses pensées.

Melena hocha la tête, et les deux amies se dirigèrent vers Fasquor.


Lorsqu'elles furent arrivées en ville, les deux adolescentes n'en crurent pas leurs yeux. Elle était magnifique. Melena n'avait jamais vu autant de gens, de maisons et de boutiques. Bien que ce soit encore l'hiver, la ville semblait luire d'un doux éclat doré. Partout, on voyait des visages heureux, des murs beiges, des façades collées ensemble, des enseignes d'or et de mille métaux qui se balançaient doucement dans la douce brise qui pénétrait dans la ville. Les toits rouges étaient vierges de neige. Les grandes murailles qui entouraient la ville étaient garnies de l'emblème des hommes, un drapeau à fond vert, orné d'un loup argenté, qui hurlait à la Lune.

- Fasquor... murmura Melena.

Elle regarda Elleana, qui semblait aussi fascinée qu'elle. Ses yeux brillaient, et elle regardait autour d'elle avec adoration. Elle se tourna vers Melena :

- C'est magnifique !!! Mon village pourrait tenir dans une seule rue ! C'est immense, et si coloré, et si animé, et si... et si... Oh, je ne saurais même pas dire tout ce que c'est !

Melena hocha la tête, partageant l'enthousiasme de sa compagne de route. La jeune sorcière scruta la foule des commerçants qui tentaient de séduire leurs clients. Toutes ces richesses et cette concentration de population l'intimidaient. Elle n'avait jamais été dans un lieu aussi étrange et fascinant à la fois. La plus grande réunion de personnes à laquelle elle avait assisté jusque-là était le grand conseil des sorcières, qui avait réuni une cinquantaine de sorcière toutes plus sages les unes que les autres. C'était là qu'elle avait rencontré la reine, une femme d'une grande beauté malgré son âge avancé, et qui l'avait traitée avec un respect et une considération qui avait surpris l'enfant. S'arrachant à ses souvenirs, elle s'avança vers une femme qui passait à côté d'elle, et l'interrogea :

- Excusez-moi, madame, dit-elle d'une voie légèrement intimidée, je cherche un commerçant nain. Pourriez-vous nous indiquer où l'on peut en trouver un ?

La femme, manifestement une paysanne, leur dit d'une voix douce :

-Allez donc voir Connor, je pense qu'il pourra vous aider. Allez à sa boutique, La caverne du dragon, il y sera sûrement.

- Merci, dit Elleana, avant de suivre Melena dans le flot de personnes.

Elles n'étaient pas reparties depuis une minute quand elles se rendirent compte qu'elles n'avaient aucune idée d'où était cette fameuse boutique.

- Zut ! s'écria Melena en se retournant vivement.

Elles eurent beau scruter la foule, elles ne virent aucune trace des cheveux étonnamment noirs de la paysanne.

- Zut ! répéta Melena. On fait quoi, maintenant ?

Elleana hausa les épaules.

- On demande. On cherche.

La jeune fille pris un air taquin, et ajouta :

- On joue aux touristes et on visite la ville !

Melena sourit, amusée des enfantillages de son amie. La jeune fille lui pressa l'épaule, avant de marcher résolument en direction d'une forge dont l'enseigne indiquait La tranchante. Un homme, grand, à la musculature étonnamment développée, était occupé à abattre un énorme marteau sur un bout de métal, qui évoquait vaguement la lame d'une épée. Elleana s'arrêta devant lui, et attendit patiemment qu'il achève son travail. L'homme ne lui prêta aucune attention, jusqu'au moment où il plongea la lame incandescente dans un grand seau d'eau, duquel s'éleva aussitôt une vapeur épaisse et sifflante. Alors seulement il regarda Elleana et Melena, qui l'avait rejointe.

- Que puis-je faire pour vous, m'zelles ? demanda-t-il d'une voix bourrue, mais sans animosité. Voulez-vous une hache, une épée, un arc, peut-être ? Mumm, non, pas assez solide pour une bonne hache, marmonna-t-il pour lui-même. Un poignard, peut-être ?

- Euh..., marmonna Elleana, surprise par cet accueil.

- Nous cherchons La caverne du dragon, intervint Melena.

Le regard du forgeron passa d'Elleana à Melena, puis à leurs cheveux, toujours cachés. Son haussement de sourcils fit comprendre aux deux filles qu'il était surpris de leur requête, mais il ne dit rien d'autre que ;

- A trois rues d'ici, boutique blanche.

- Merci beaucoup, dit Melena en commencent à s'éloigné, mais le forgeron les arrêta.

- J'ignore ce que vous voulez à Connor, mesdames, mais méfiez-vous. C'est un commerçant nain. On peut difficilement faire pire.

Les deux amies se regardèrent avec inquiétude, et Elleana demanda :

- J'avoue ne pas vous suivre.

- C'est un menteur, et un escroc. Ne lui faites pas confiance.

Sur ce, le forgeron retourna à sa forge, signe évident que la conversation était finie.

- Je ne suis pas sûre d'avoir envie d'aller le voir, murmura Elleana en se dirigeant vers la boutique.

Melena acquiesça, inquiète, mais ajouta néanmoins :

- Nous n'avons pas vraiment le choix.

Ainsi, elles se retrouvèrent devant La caverne du dragon. Le bâtiment (mot qui convenait mieux que boutique, car il n'y avait aucune vitrine, et rien, mis à part l'enseigne qui se balançait doucement, n'indiquait qu'il y avait des choses à vendre) amplifia aussitôt leur inquiétude. Il était grand, vieux, et sa blancheur contrastait étonnamment avec le beige des maisons environnantes. La façade était zébrée de fissures et semblait prête à s'écrouler. La porte marron, vieille et décolorée, ne donnait absolument pas envie d'entrer. Melena déglutit en fixant le vieux bâtiment.

- Prête ? demanda Elleana, non moins nerveuse.

Non, pensa Melena.

- Oui, dit-elle. Entrons.

Elle avança résolument vers la porte et poussa le battant.



Ellendar tome 1 :  Le temps d'un secretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant