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Lorsque Félix ouvrit les yeux, Ryan était assis sur une chaise à côté de lui, appuyé sur le lit, jouant sur son téléphone. Il leva les yeux, et le garçon brun oublia momentanément de respirer. Il avait rarement eu l'occasion de l'observer, et se demanda bêtement pourquoi sa sœur n'avait pas la même nuance de vert lumineux dans ses yeux, quand Ryan se racla la gorge, le faisant sursauter. Il secoua la tête d'un mouvement vif, faisant retomber ses mèches brunes sur son visage et remit ses lunettes qui étaient posées sur une petite tablette à côté du lit.

- Les cours sont finis depuis vingt bonnes minutes, je vais t'appeler Aurore, ricana Ryan en verrouillant son téléphone pour le glisser dans sa poche.

- Hein ?

- La Belle au Bois Dormant. C'est le nom de la princesse, elle dort pendant quasiment 75% de son film et a presque autant de répliques que les monstres débiles de la méchante la plus charismatique de l'époque.

- Wow. T'es une encyclopédie à Disney ? Marmonna Félix en se redressant doucement.

- Grâce à ma sœur. Ou à cause d'elle, je saurais pas trop comment le dire. Ça va mieux ?

- J'ai plus mal au ventre. T'aurais dû rentrer, tu vas te faire trucider par tes parents.

- L'école les a prévenus, ils ont dit que c'était... Très honorable de ma part, grimaça le garçon. Et j'ai eu l'impression que tu voulais me parler. Alors voilà.

- Ici ? Maintenant ? Couina Félix en remontant ses genoux contre sa poitrine.

- C'est à toi de voir. On a le temps, le lycée ferme à six heures et il est à peine cinq et demie. Si t'as un truc à dire, tu peux le faire ici. Le médecin est parti, il a fermé à clé les armoires avec le matos et les médocs pour pas qu'on se drogue, et la caméra de surveillance est allumée au cas où j'aurais l'idée de te maltraiter.

- C'est... Difficile. Ça fait un moment que j'essaie, mais c'est plus compliqué que ce que je croyais.

- Encore cette histoire de mensonges ? T'as le droit de me cacher des trucs hein, je suis pas un exemple de confiance. Quand j'ai dit l'autre jour que les menteurs étaient des connards, je parlais de ceux qui mentaient à leurs amis. Je crois pas pouvoir prétendre au titre, du coup, c'est moins grave que ce que tu penses.

- Tu m'aides pas. Tu m'aides jamais, pour ça, c'est beaucoup trop difficile...

- C'est important ?

- Ça l'était pas au début, parce que ça devait pas durer. Mais ça a continué, et c'est devenu très important.

- J'arrive à vivre sans savoir, c'est important pour toi ou pour moi?

- Les deux. Mais si j'y arrive pas... Ça va m'empoisonner la vie, et ça empoisonnera la tienne si tu le découvres, encore pire que si c'est moi qui le dis.

- Décide-toi Calvez, pour l'instant ma vie est loin d'être empoisonnée, et je vois mal ce qui pourrait la perturber à ce point.

Une sonnerie retentit dans les couloirs, et Félix regarda l'heure sur l'horloge murale. Dix-huit heures.

- Bon, si t'as pas besoin de moi, je vais rentrer... Si c'est plus facile, envoie moi un texto hein, c'est pas grave si tu le dis pas en face, c'est pas comme si je méritais que tu sois franc avec moi ou quoi que ce soit d'autre. Lève-toi, faut qu'on s'en aille.

Félix le regarda, désespéré. Il lança ses jambes sur le côté du lit et se mit debout, sans aucune douleur résiduelle. Ryan l'observa des pieds à la tête, avança la main, puis secoua la tête et la glissa dans la poche de son short, l'autre récupérant son sac au sol. Le garçon brun paniquait, il était en train de laisser passer une occasion en or, et était incapable d'ouvrir la bouche. Ryan haussa les épaules, puis sortit de l'infirmerie sans un mot, ses yeux tentant de percer le rideau de cheveux et les lunettes de son camarade, en vain. Félix sursauta, remonta directement ses lunettes dans se cheveux et enfila son sac à dos pour le suivre, se redressant pour se tenir droit, le menton légèrement levé, comme lorsqu'il était Moustique. Ryan ne lui jeta pas même un regard, et s'éloigna en direction de son bus avec un vague signe de la main.
Dépité, Félix retira les nœuds que ses cheveux avaient fait dans ses lunettes, puis les remit sur son nez avant de se mettre en route, préférant rentrer à pied, pour une fois. Une fois à la maison, il dut répondre aux questions de ses parents, pourquoi il était en retard, pourquoi il avait l'air aussi déprimé, et sa mère tenta même de lui proposer une consultation qu'il refusa en secouant la tête. Il envoya un message à Carla pour lui dire qu'il était un gros boulet, et se coucha sans manger, se contentant de retirer ses lunettes.
Il passa le reste de la semaine dans un épais brouillard, incapable d'ouvrir la bouche pour parler à qui que ce soit. Ryan n'essayait pas de communiquer avec lui, attendant visiblement qu'il se décide sans lui forcer la main, et les professeurs ne faisaient pas attention à son mutisme. Il décida finalement de parler à Ryan au skatepark, en désespoir de cause, et lui envoya un texto pour lui dire qu'il lui raconterait tout samedi. Le blond se contenta d'un "ok", et Félix commença à attendre que le vendredi se termine. Il se leva assez tôt le samedi matin, prit son petit déjeuner dans un état de concentration qui surprit ses parents, puis se fit un sandwich, attrapa une bouteille d'eau, et les glissa dans son sac de cours qu'il avait vidé, avant d'aller s'habiller. Il se contenta d'un t-shirt et d'un short, enfila ses converses, ses protège-poignets et mit sa casquette sans prendre d'élastiques pour attacher ses cheveux. Il laissa ses lunettes sur son bureau, récupéra son portable, et sortit de la maison après avoir envoyé un message à sa sœur. Elle devait venir passer le weekend, et il savait qu'elle ramasserait les morceaux s'il se passait quelque chose. En une dizaine de minutes, il arriva au skatepark, pas encore très fréquenté puisqu'il n'était que dix heures du matin. Il ne savait pas quand Ryan avait prévu d'arriver avec Kelly, et commença à enfiler ses rollers quand il entendit une voix de fille l'appeler par son surnom. Sans l'intonation moqueuse de sa sœur. Il releva la tête, et croisa le regard de l'étudiante qu'il avait tenté de repousser dans le bus. Il ne se rappelait même pas son nom.

Mensonge [Hikari]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant