Anomalies

Chapitre 18

8 ans plus tard

Février 2022

Je me tournai et me retournai dans mon lit, prisonnière d'un cauchemar. Je désirais plus que tout me réveiller mais je n'y parvenais pas.

J'étais allongée par terre dans une des cellules au sous-sol de la clinique. Je déglutissais régulièrement, la gorge sèche. Mon ventre criait famine mais j'entendais à peine ses grondements, le regard fixé sur le plafond de ciment. J'avais un plan. Je savais comment m'échapper de cet endroit.

Tout ce temps passé en cage avait finalement servi à quelque chose. Je m'étais liée d'amitié avec une jeune femme No aussi fraîche et fragile qu'une fleur et qui m'apportait mes repas chaque jour. Contrairement à tous, elle ne me voyait pas comme un monstre et m'avait promis de me délivrer de ces lieux le plus tôt possible.

Un rictus étira mes lèvres. Sa touchante compassion allait lui coûter la vie. Car, aussitôt qu'elle ouvrirait la porte de la cellule, je lui prendrai son don. Je ferai bon usage de son pouvoir de suggestion.

Je me redressai sur mon séant en entendant des bruits de pas. Ma proie se rapprochait. Avec elle, Rod, sous l'emprise de la suggestion regardait dans le vide.

- Bien. Pose ton pouce ici, Rod, dit-elle en désignant l'œil de verre sur la porte blindée.

Il s'exécuta sans broncher et en reconnaissant l'empreinte digitale, la porte se déverrouilla.

- Bravo ! Maintenant, retourne te coucher, Rod. Tout de suite.

Le gorille tourna les talons et s'en alla avec la lenteur d'un mort-vivant. Marguerite le regarda partir en souriant de toutes ses dents.

- Vous voilà libre.

Je me levai avec agilité et la rejoignis dans le couloir gris. Elle bondit dans mes bras.

- J'ignore ce que vous comptez faire mais je vous ai préparé un panier-repas pour la route. Du pain, de l'eau, du fromage et quelques fruits...

- Je ne sais comment vous remercier..., m'entendis-je dire d'une voix suave.

Sa main caressa ma pommette.

- Embrassez-moi, murmura-t-elle en passant ses mains autour de mon cou.

Puisqu'elle le demandait...

Je pressai ses lèvres, avide. Il y avait bien longtemps que je ne m'étais pas nourri de cette manière et un plaisir incommensurable me submergea. J'absorbai jusqu'à la dernière goutte de vie en elle en moins de trente secondes et atteignis l'extase. Marguerite n'eut même pas le temps de se débattre. Elle tomba par terre comme une poupée de chiffon.

Je me mis à hurler avant même que le songe ne s'efface et que j'ouvre les yeux.

- Je suis là, Léona. Je suis là. Tout va bien. Tu m'entends ? Calme-toi.

Mon compagnon alluma la lampe sur la table de chevet et me prit dans ses bras malgré ma chemise de nuit tout empoissée de sueur.

- Alex, je crois que quelque chose d'horrible va se produire.

- Pourquoi ? Raconte-moi.

Au fur et à mesure de mon récit, je vis une ride d'inquiétude se creuser sur son front. À la fin, il s'extirpa du lit.

- Je vais appeler Octave. Par précaution.

Au même moment, quelque chose vibra sous mon oreiller. Mon portable. Je décrochai, les doigts tremblants.

- Allô ?

- Rejoins-moi immédiatement. Ton fils a fait une fugue !

- QUOI ?! m'exclamai-je en sentant mon cœur se serrer. Comment cela a t-il pu se produire ?!