Le 22 mars 2014
Ma très chère MJ,
J'espère que tu me pardonneras pour ces longs mois de silence et ... pour tout le reste aussi. Je ne sais pas par où commencer. Le mieux est donc de te souhaiter un bon anniversaire ! (Sommes-nous bien le 1er avril au moment où tu lis cette lettre ?)
J'ai tant de souvenirs fantastiques à te raconter ! Tu le devineras par rapport au timbre, cette lettre vient du Caire. De chez moi. Cette ville est à la fois merveilleuse et... terrifiante. Toute en contraste. Je mentirais en prétendant m'être adaptée en clin d'œil. Tout est si différent de la France, de Corm ! Déjà, la foule bruyante et oppressante du centre-ville. Impossible de faire un seul pas sans bousculer quelqu'un. J'ai également pu constater que le code de la route était inexistant au Caire et que les automobilistes klaxonnaient sans arrêt, pour un oui ou pour un non. Il faut impérativement faire preuve de prudence pour ne pas finir sous les roues d'une voiture ! De plus, il n'est pas rare de voir des dromadaires, des ânes ou encore des moutons sur les routes. Des vendeurs ambulants aussi. Pour le travail qu'ils font, je les trouve vraiment efficaces et surtout très courageux. À vélo, la plupart du temps, ils transportent un plateau de pains immense sur leur tête. Du pain ou autre chose. Des pastèques, par exemple.
Dans les rues, d'une échoppe à l'autre, différentes odeurs qui me font toujours tourner la tête. Fruits, épices, herbes, encens... Tout se mélange. Je ne parle même pas de certains vendeurs qui se sont presque jetés sur moi pour me persuader d'acheter tel ou tel article. Inutile de te dire que quand je rentre à la maison, j'ai un mal de crâne mémorable. Heureusement, je m'y habitue petit à petit.
Au Caire, pas au mal de crâne.
La qualité de l'air a aussi été une grosse surprise pour la petite française que je suis. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi pollué ! Un vrai calvaire pour les asthmatiques. Par chance, ce n'est pas mon cas. De la même façon, je ne suis pas sensible à la poussière qui recouvre le moindre immeuble, le moindre palmier, le moindre fruit posé sur un étal. Comme tu dois t'en douter, l'hygiène n'est pas des plus correctes.
Et le temps, comment est-il ? dois-tu te demander. Pour la journée, le seul mot convenable est : caniculaire. D'autant que les femmes ne peuvent pas sortir en short et débardeur dans la rue alors je suis condamnée à suer à grosses gouttes dans des jeans et des sweats pour aller faire mes courses ! À contrario, les nuits sont glaciales. A tel point qu'il ne me faut pas moins de trois couvertures pour bien dormir.
Autre anecdote qui te fera sûrement sourire, dans les lieux publics, les hommes et les femmes doivent se tenir à bonne distance les uns des autres. Tu peux donc imaginer tous les regards noirs auxquels la petite Occidentale que je suis a eu droit pour avoir tenu la main de Léo !
Mon tendre et séduisant Léo.
Je ne t'ai jamais parlé de lui avant cette lettre mais nous nous sommes connus à Corm. C'est lui qui a motivé mon départ. Oh, ne lui en veut pas, surtout. Depuis quelque temps, je me sentais à l'étroit dans notre petite ville. Je n'avais encore jamais voyagé et voir le monde me paraissait un besoin de plus en plus pressant. Léo m'a offert cette opportunité. Il est l'homme le plus merveilleux qui soit. Je suis sûre qu'il te plairait. Je dis cela tout à fait objectivement !
C'est lui qui a choisi l' Égypte comme première destination. Il est si passionné par ce pays ! Je suis toujours impressionnée quand je l'entends parler en arabe. Il y a un mot en particulier qu'il m'a appris et qui m'est bien utile encore aujourd'hui : Sibni, pour éloigner les messieurs égyptiens un peu trop entreprenants. Cela veut dire « laisse-moi ».
Je me rends compte que je te dresse un portrait plutôt pessimiste de l'Égypte mais ne t'en fais pas, cela va s'améliorer dans les lignes qui vont suivre. Je peux, en effet, t'affirmer que je suis très heureuse dans ma petite maison à deux pas du Nil avec mon... fiancé. Oui, Léo m'a fait sa déclaration le 14 février !
Après une triste et harassante journée de travail (je fais le ménage) au musée du Caire, je suis rentrée à la maison, épuisée. Je ne m'attendais pas à trouver Léo sur son trente-et-un, prêt à sortir.
- Où vas-tu ? lui ai-je alors demandé en m'étalant de tout mon long sur le clic-clac.
- Nous allons au restaurant, Nava.
« Belle ».
Lorsqu'il m'appelait ainsi, je ne pouvais rien lui refuser.
Enfilant un vêtement un peu plus élégant en toute hâte, nous avons pris un taxi. Te souviens-tu de cette fameuse robe en satin noir avec des fleurs de lotus dessinées sur les flancs ? J'ai porté celle-ci pour cette occasion exceptionnelle.
Léo m'a donc emmené dans un quartier huppé du Caire et nous avons dîné comme des rois dans un restaurant de luxe. Le kochari est un vrai régal. J'ai écrit la recette au dos de cette page. Il y a aussi ce gâteau dont le nom m'échappe, arrosé de miel et fourré aux amandes. Une tuerie ! Pas très équilibré, certes...
Quoi qu'il en soit, je ne pouvais m'empêcher de m'interroger. Pourquoi m'avait-il invité dans ce restaurant si peu dans nos moyens ? Nous aurions très bien pu fêter la Saint-Valentin à la maison ! Pourquoi ce sourire si énigmatique... ? Il avait une idée dernière la tête, à n'en pas douter !
La surprise a été de taille.
Alors que je léchais le miel sur mes doigts, il a sorti un écrin en velours noir de sa veste. Les yeux ronds, je le regardais le glisser jusqu'à moi sans dire un mot. Oui, MJ, Léo a fait une telle folie. Il m'a offert une bague de fiançailles ! Un fil d'or si mince qu'il en était presque invisible sur ma peau caramel. Un cadeau hors de prix mais qui me rendait tellement heureuse ! Plus encore, les mots qu'il a prononcés ensuite et qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire : « Dès l'instant où ton regard a croisé le mien, ta bonté, ta chaleur, ta détermination ont capturé mon cœur. Tu as changé ma vie, Léona. Bahibik ».
Il m'aime, MJ, tout autant que je l'aime ! Nous sommes chanceux, riches de cœur et par-dessus tout, libres. C'est la vie que je souhaitais. Mon seul regret est que tu ne sois pas plus près de moi. Ton humour, ta bonne humeur me manquent. J'aurais tant aimé partager avec toi ces moments magiques. Le Musée du Caire, les Pyramides de Gizeh, le Sphinx, la Citadelle de Saladin... Une vie entière ne suffirait pas à te décrire ces merveilles.
Sinon, comment ça se passe au cabaret ? Comment vont Remy et mes autres collègues ? Comment mes parents ont-ils réagi les jours suivant mon départ ? (Cette dernière question, je te la pose du bout des lèvres).
Je vais devoir te laisser, mon fiancé rentre tout juste du travail (il est sculpteur) et j'ai quelque chose d'important à lui annoncer. Je ne peux rien te dire pour l'instant, je t'en parlerais dans ma prochaine lettre.
Je t'embrasse très fort.
Léona.
P.S. : Pour notre sécurité, je te demanderais de ne parler de cette lettre à personne. Je sais que je peux te faire confiance.
P.P.S : Léo te passe le bonjour. Et, il se demande aussi si MJ sont les initiales de Mary-Jane (rires).
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Anomalies
ParanormalCroyez-vous à l'impossible ? Notre héroïne y croit et pour cause : c'est une Anomalie. Après avoir survécu à un coup de feu tiré à bout portant, Léona se découvre un don exceptionnel qui fait d'elle la cible potentielle d'un tueur en série. Elle d...