Anomalies

Chapitre 27

Un hurlement déchira la foule et j'ouvris les yeux. C'était ma petite Lili qui avait crié. Pourquoi pleurait-elle ? Je tentai de sourire à mon public mais un filet de sang s'écoula de ma bouche sur mon menton. Perplexe, je baissai les yeux sur mon chemisier blanc. Une auréole ensanglantée recouvrait ma poitrine. Prise de nausée, mes jambes cédèrent sous mon poids.

- Léona !

Léo me rattrapa in extremis avant que ma tête ne vienne heurter le plancher de la scène. Mes paupières s'alourdirent seconde après seconde et mon esprit ralenti peinait à se concentrer avec l'agitation alentour. Il me semblait distinguer deux voix en plus de celle de mon « mari ». Mon fils et Benjamin. Ce qui était pour le moins étrange puisque j'entendis Will crier :

- Ben, éloigne Lili !

Puis, il ajouta :

- Papa, pourquoi maman ne guérit-elle pas ? Pourquoi il y a deux Ben ? Qu'est-ce qui se passe ?

- Plus tard les questions, Will. Ben, pourquoi n'as-tu pas suivi le plan ? Elle n'aurait jamais dû se prendre une balle. Qu'est-ce que tu faisais ? Tu as retrouvé ton pouvoir oui ou non ?

Léo dissimulait mal sa fureur et Ben ne répondit rien pendant quelques instants.

Will reprit :

- Pourquoi ne pas appeler une ambulance ?

- Elle sera morte avant d'être arrivée à l'hôpital, rétorqua Ben, pensif. Léo..., tu sais prendre le pouvoir des No, n'est-ce pas ? N'as-tu jamais essayé de rendre son pouvoir à qui que ce soit ?

Léo se pencha au-dessus de moi, je le vis à travers mes paupières semi-clauses. Il secoua la tête de gauche à droite.

- Il faut pourtant que tu essaies, c'est le seul moyen de la sauver. Embrasse-la !

- On n'est pas dans Blanche-Neige ! Je ne prendrai pas le risque de l'achever !

- Léo, elle est mourante, de toute façon.

Un frisson glacé courut le long de mon dos. J'étais sur le point de disparaître à jamais.

Will s'approcha pour prendre ma main.

- S'il te plaît, Papa, fais ce que Ben te demande. Essaye.

Surélevant ma tête de quelques centimètres avec sa main droite, il me caressa la joue de l'autre.

- Pardonne-moi, Léona.

Puis, il posa ses lèvres sur les miennes.

La douleur fulgurante qui s'ensuivit fut si intense que tout mon corps se tordit, pris de convulsions. J'avais l'impression d'être étendue sur des braises. Fort heureusement, cet effet s'estompa en moins d'une minute pour laisser place à une sensation bien plus agréable. Une chaleur douce et protectrice m'enveloppait. Comme lorsque Léo me prenait dans ses bras.

Léo ?

Je ne l'entendais plus.

Et Will ? Et Benjamin ?

Un poids sur le ventre m'empêcha de bouger et je forçai mes paupières lourdes comme du plomb à se soulever.

Ma petite Lili dormait sur moi, roulée en boule. Nous étions à la maison, dans la chambre parentale.

- Elle ne t'a pas quitté une seule seconde, chuchota Léo assit au bord de mon lit.

- J'ai dormi longtemps ?

- Deux jours. J'ai vraiment cru te perdre, tu sais.

- Je suis plus coriace que j'en ai l'air, souris-je. Comment vont Will et Ben ?