Chapitre 32

32 5 6
                                    

Alex ne m'adressa ni un regard ni même une parole sur le trajet du retour. Il roulait à vingt kilomètre-heure au-dessus de la limite autorisée. Il était furieux.

Devant la clinique, mon compagnon s'arrêta mais ne coupa pas le moteur.

- Tu peux descendre, Léo.

Son ton était glacial et je me mordis les lèvres.

- Tu ne viens pas ?

- J'ai besoin d'être un peu seul, je vais dormir à notre appartement.

Je ne pouvais faire autrement qu'acquiescer. Après la soirée que nous avions passée, qu'il veuille prendre ses distances était une réaction tout à fait normale.

- D'accord. Bonne nuit, Alex. On se voit demain matin pour la réunion des Traqueurs ?

- J'y serai. Bonne nuit, Léona.

Il fit marche arrière et repartit sur les chapeaux de roues.

Il était presque minuit et les couloirs de la clinique étaient déserts. Je grimpai les escaliers quatre à quatre jusqu'au quatrième étage et poussai doucement la porte de la chambre de Will. Comme je m'y attendais, mon fils dormait dans son petit lit et Léo somnolait près de lui dans le fauteuil. Ils avaient tous les deux l'air paisible ce qui me rassura. Leur soirée semblait s'être déroulée bien mieux que la mienne.


- Maman ! Maman, réveille-toi ! Debout !

Je grognai dans mon oreiller.

- J'ai tellement sommeil...

- Maman, il faut que tu te lèves ! Ava est arrivée et Papa est parti ! Lève-toi !

Je poussai un autre grognement tandis que les informations s'entrechoquaient dans ma tête. Une forte odeur de café parvint jusqu'à mes narines et j'ouvris finalement les yeux, vaincue.

- Bonjour, Léona, m'accueillit Léo, une tasse fumante à la main.

Je m'assis dans le lit avec difficulté et acceptai le breuvage. Après deux gorgées, les rouages de mon cerveau se mirent en mouvement. Will, qui détestait l'odeur du café, avait fait trois pas en arrière. Il se força à se rapprocher pour me donner une enveloppe blanche.

- De quoi s'agit-il ?

- Papa est venu me dire au revoir ce matin. Il m'a demandé de te la remettre avant de partir. Il a dit qu'il nous aimait.

J'encaissai la nouvelle, la boule au ventre et les larmes me montèrent aux yeux. Je me retins de sangloter à grand peine. Je ne pouvais pas me permettre de craquer. Pas encore.

- Je dois m'habiller, décidai-je en m'extirpant du lit.

Léo et Will hochèrent la tête de concert et tournèrent les talons.

- Ava nous attend dans le bureau d'Octave dans cinq minutes.

Ma mère était des personnes sur qui le temps n'avait aucune emprise. Pas une ride, pas un cheveu blanc, une silhouette athlétique et élégante dans un tailleur-pantalon noir et blanc et une peau caramel doré et satinée. Elle vivait à Hawaii depuis six ans avec son nouveau conjoint et le soleil lui réussissait définitivement. Elle était d'une beauté rayonnante en dépit de ses sourcils froncés et ses lèvres pincées.

- Jamais je ne m'habituerai à vous voir ensemble, nous accueillit-elle.

Elle était debout près la baie vitrée, comme Octave jadis, et avait les bras croisés sous la poitrine.

Je regardai Léo du coin de l'œil. Will nous avait suppliés de le laisser venir avec nous et il s'était rendu invisible pour assister à notre entretien. Sachant qu'il écoutait avec attention, je choisis mes mots avec soin.

AnomaliesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant