Anomalies

Chapitre 25

Cette journée ne finirait-elle donc jamais ?

Avec un soupir exaspéré, je tirai l'adolescent par le bras pour l'aider à se relever. Sa lèvre inférieure commençait déjà à enfler.

- Ça suffit, tous les deux, arrêtez ! Vous battre ne résoudra rien ! Je reste avec vous, je n'ai pas l'intention de m'enfuir. Rien ne sert de se précipiter. Entraine-toi Benjamin et quand tu seras prêt, tout rentrera dans l'ordre. La Léona que vous connaissez ressuscitera et tu me ramèneras à mon époque. C'est compris ?

Mon soudain élan d'autorité me surprit moi-même.

Benjamin haussa les épaules et sortit de la chambre sans un mot.

Perchée à l'extrémité du lit, il m'était impossible de fermer l'œil. Près de moi, beaucoup trop près, Léo dormait paisiblement, la respiration régulière et son nez chatouillant ma nuque. Alex n'apprécierait pas du tout cette situation. D'ailleurs, qu'était-il devenu en 2030 ? Quand allions-nous nous séparer ? Pourquoi avait-il effacé ma mémoire ? Beaucoup de questions restaient sans réponses mais j'étais certaine d'une chose : je l'aimais sincèrement et il était le père idéal pour mon fils, jamais je n'aurais souhaité qu'il disparaisse de nos vies.

Léo remua dans son sommeil et sa main glissa sur mon bras provoquant des frissons de plaisir qui me firent perdre le fil de mes pensées. Comment arrivait-il à produire cet effet sur moi d'un seul toucher ? Pourquoi n'éprouvais-je rien d'aussi intense lorsqu'Alex me touchait ?

Contrariée, je serrai les dents.

- À quoi tu penses, Léo ?

Mon cœur bondit dans ma poitrine.

Trop tard pour essayer de me détendre et faire semblant de dormir. Avais-je pour autant envie de lui répondre ?

Il fit glisser son index sur ma nuque et je me raidis, lèvres pincées.

- Léo, s'il te plaît. J'ai déjà du mal à faire le point sur ce que je ressens...

Il se releva sur un coude.

- Embrasse-moi et je ferai disparaître tes doutes.

Je tournai la tête pour voir son expression mais ne distinguai que sa silhouette dans le noir. Le ton de sa voix paraissait très sérieux. Quand bien même...

- Je ne peux pas, je suis désolée. Il faut vraiment que je remette de l'ordre dans ma vie.

- Octave et Alex m'ont privé de ma femme et de mon fils pendant huit ans.

Je secouai la tête.

- Ce qui t'a privé de Will et de moi, ce sont les meurtres que tu as commis.

- À cause d'un pouvoir sur lequel je n'avais aucun contrôle. Un pouvoir qui aurait ruiné ma vie si nos destins ne s'étaient jamais croisés.

Il s'allongea sur le dos et leva la main devant lui pour observer l'alliance à son doigt.

- Tout ce que nous avons traversé n'a pas été en vain, Léona. Tu n'as pas idée de l'étendue de ce que nous avons construit. Pendant un temps, j'ai même cru qu'une fin heureuse était possible pour les No.

J'acquiesçai, attendant un « mais » qui n'arriva jamais.

- J'aiderai Benjamin à retrouver son don. Je sais ce que c'est de ne pas savoir se maîtriser.

- Je suis heureuse de te l'entendre dire. Ne sois pas trop dur avec lui.

Je le sentis se crisper près de moi.

- Ce gosse a quand même eu l'intention de remonter le temps pour tuer notre Will, son futur meilleur ami...

- Parce qu'il ne voyait pas d'autres solutions, Léo. Il n'a que quinze ans et il nous a tous vus mourir sous ses yeux. Si tu avais possédé un tel pouvoir, qu'aurais-tu fait à sa place ?