Chapitre 1 : Roi

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Airy sentit un rayon chaleureux du soleil matinal éclairer sa joue. Il fronça des paupières et ouvrit un œil, puis le second. Il regarda son immense chambre à coucher, éclairée vaguement par la lumière matinale. D'après lui, il était environ neuf heure trente. Il toucha de la main son léger drap en satin pour le retirer de son corps, jusqu'à se rappeler qu'à l'accoutumée, il avait froid à cette heure. Il regarda alors sa cheminée personnelle et la découvrit flambant avec puissance.

Cela faisait plusieurs jours que le roi n'avait plus de servante attitrée pour la lui allumer, c'était pourquoi la voir si luisante était quelque chose de notable. Il en déduisait donc que premièrement, il avait enfin une nouvelle domestique ; et que deuxièmement, à la différence de la dernière, celle-ci savait être discrète à tel point qu'elle ne l'avait pas réveillé, lui au sommeil si léger.

Airy se redressa sur son lit et s'étira lentement les muscles. Il avait encore du mal à émerger mais il devait bien admettre qu'être réveillé par les rayons du soleil était bien plus agréable que des bûches tombant au sol ou un froid revigorant.

Après quelques secondes, sa Majesté se décida enfin à se lever et se demanda si sa servante comptait venir l'habiller, comme le faisait la précédente. Mais étant donné qu'il n'avait de toute façon ni l'envie de demander ce service, ni l'envie d'attendre plus longtemps avant de commencer sa journée, il se chargea lui-même de trouver une tenue convenable dans sa garde-robe.

Être roi était bien plus épuisant qu'il ne le pensait petit, lorsqu'il voyait son père remplir ce rôle. Répondre à toutes les lettres, gérer le budget des armées, régler les conflits avec l'Église ou les royaumes voisins, remplir moult documents de paperasse inutile... Désormais, il comprenait pourquoi beaucoup de dirigeants de royaume prenait le parti-pris d'être des rois odieux et égoïstes : tout faire pour que le peuple restât en bon santé était sûrement le plus long et le plus fastidieux ! Rien que trouver le montant parfait des impôts entre les besoins du royaume et les revenus des sujets était un défi quotidien ! Mais c'était malgré tous les valeurs que sa mère lui avait inculquées avant de mourir. « Tu as la chance d'être née dans la bonne famille, remercie l'univers et donne de ton privilège aux plus défavorisés ». C'était ce qu'elle disait toujours.

Une fois préparé et vêtu d'un ensemble en velours brun sur lequel il avait toujours beaucoup de compliments et qu'il détestait pourtant, il sortit de ses appartements et se dirigea directement vers la salle du trône. Airy n'avait jamais aimé être dérangé dans son espace personnelle. A moins que la situation fût plus qu'urgente, personne à part son unique servante personnelle n'avait le droit de rentrer, sans toquer, dans ses appartements. Ainsi, la salle du trône que la plupart des rois n'occupaient qu'en cas de visites ou de réceptions, était devenu pour lui bureau public où tout le personnel du château quel qu'il fût pouvait le contacter, sur rendez-vous ou non.

Alors qu'il marchait, le noble pensa à sa cheminée allumée de ce matin. Il n'était pas particulièrement déçu du départ de son ancienne servante. Elle n'était à vrai dire pas des plus intéressantes et des plus talentueuses. Mais il devait bien admettre que lui qui avait toujours été tiré à quatre épingles par les autres avaient bien du mal à n'avoir plus personne d'officiellement à son service.

Dans les couloirs du château, tout le monde s'inclinait à son passage. Il les saluait parfois en retour quand le cœur lui en disait, mais ce n'était pas toujours le cas. A vrai dire, pour lui c'était bien habituel ce genre de comportement, mais parfois il en venait à apprécier un peu moins de distance. A part Milon, chef de la garde royale et fidèle bras droit d'Airy, le dirigeant n'avait pas réellement de personnes proches de lui. Sa gouvernante et ses parents étaient morts, et toutes les personnes qu'il rencontrait étaient soit de rang bien inférieur au sien et donc s'écrasaient à ses pieds, soit aussi nobles que lui et donc tout aussi distants. Cela en était fatiguant.

En arrivant enfin dans la salle du trône après avoir traversé des milliers de couloirs tous plus luxueux les uns que les autres, il aperçut avec désespoir une nouvelle pile de courriers sur son bureau. Les heures passées la veille à répondre à chacune de ces lettres, ou du moins à dicter une réponse à ses secrétaires, semblaient s'être envolées subitement.

- Quelles sont les nouvelles aujourd'hui ? demanda le roi sans réellement d'entrain à son secrétaire principal.

- Sa Majesté a reçu beaucoup de propositions de fiançailles. Aussi, plusieurs comtes de vallées lointaines du royaume ont comme chaque jour énoncé à sa Majesté des demandes concernant leurs terres. Enfin, quelques lettres amicales d'autres seigneurs pour tenir sa Majesté au courant de toutes les nouveautés sont aussi arrivées.

« Sa Majesté ». C'était aussi quelque chose qu'il détestait. Il avait la constante impression qu'on ne s'adressait pas à lui. Pourtant il connaissait cela depuis longtemps. Mais il ne pouvait s'empêcher de trouver cette appellation distante et indirecte bien désagréable.

- Bien, reprit le blond. Faites lire les propositions de fiançailles et les nouvelles des royaumes voisins par les secrétaires, je veux un rapport avant le déjeuner. Pour les lettres des comtes, je vais les traiter moi-même.

- Si sa Majesté le désire, s'inclina le rédacteur.

Ce dernier partit ensuite précipitamment de la pièce pour mettre à exécution les demandes de son roi. Airy, de son côté, souffla et s'assit à son bureau, prenant la pile des courriers dans ses belles mains préservées par la richesse. Il devait bien admettre que même si toute cette paperasse l'ennuyait grandement, il avait la chance d'avoir un personnel très efficace au royaume qui lui facilitait grandement la tâche : ses secrétaires compétents lui triaient le courrier avant qu'il ne se levât, les serviteurs faisaient un travail irréprochable, et apparemment il avait désormais une servante discrète. Sans compter qu'il savait d'avance que ce qu'il allait manger au déjeuner allait encore être un repas délicieux de son cuisiner personnel.

Mais avant ce petit plaisir quotidien, il devait se mettre au travail.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant