Cinq semaines s'écoulèrent après l'épisode fiévreux de Gabriella. La jeune femme avait totalement recouvré la santé, et avait même pu rattraper son retard sur l'organisation de la réception de la semaine passée.
Au château de Nekavland, les réceptions se faisaient assez rares, notamment car le roi Airy n'y vouait pas une grande passion. Ailleurs, dans les autres royaumes ou même dans le château des comtes du royaume, recevoir chez soi était presque indispensable : plus on recevait, plus on faisait connaître notre cercle social et plus on était reconnu. Mais le royaume de Nekavland n'avait plus besoin de se faire connaître, il était l'un des plus grands du monde actuel. D'autant plus que finalement, la rareté des célébrations au château avait un caractère très rare à ces dernières, et elles étaient devenues comme l'évènement à ne jamais rater pour les ducs, duchesses, comtes et comtesses alentours.
Gabriella avait eu le privilège d'être servante au buffet et avait pu voir de ses propres yeux son travail. Tous ses choix avaient ravi les convives : le menu, la décoration, la musique, les danses... Elle était fière d'elle, et Airy l'était aussi. C'était la première fois qu'elle voyait de ses propres yeux une réception à Nekavland, ou même dans un autre royaume que celui où elle était née. Elle avait été étonnée de toute l'hypocrisie qui baignait autour du roi, comme si chaque contrée cherchait à se faire bien voir de leur souverain. D'ailleurs, les demandes de fiançailles étaient tombées par centaines : toutes les jeunes femmes en âge de se marier avait été présenté au dirigeant par leur père.
A cette constatation, une question était venue à l'esprit de la jeune femme : comment cela se faisait-il que le roi Airy fût toujours célibataire ? Il était au moins de quatre ans son aîné, largement en âge d'épouser une princesse. Et s'il voulait des héritiers – ce qui ne faisait nul doute – il ne fallait plus tarder. La mortalité infantile était encore très présente dans le monde actuel, sans compter les problèmes de fertilités ou même le fait qu'il eût besoin d'un fils et non d'une fille.
La domestique n'était en réalité pas la seule à s'inquiéter pour l'avenir du pays. Cela faisait plusieurs mois déjà que les conseillers du roi lui préconisaient d'étudier un peu plus sérieusement les demandes de fiançailles. Jusque-là, il avait pris à la légère cette responsabilité, mais la fièvre de Gabriella l'avait effrayé : et s'il lui arrivait quelque chose ? Après tout, il n'avait plus de famille, pas même un cousin éloigné. Tomber malade, être empoisonné, tout ceci était possible et il devait penser à son royaume. Il avait donc pris la décision de se pencher sur le sujet.
Ses parents se détestaient. Airy se rappelait les avoirs vu s'arracher le pouvoir avec violence toute son enfance. Finalement, son père avait gagné et avait retiré à la reine tous ses droits de dirigeantes. Comme il n'était réellement proche d'aucun des deux, il n'en avait pas vraiment souffert. Mais il avouait sans honte qu'il ne voyait pas le mariage d'un très bon œil. Malgré tout, c'était son devoir : il devait épouser une femme, une future mère, et qui plus est une princesse étrangère pour créer une alliance.
Après quelques semaines de mures réflexions, dix exactement, son dévolu fut relâché sur Odile de Satbourg, la fille de l'un des royaumes voisins à Nekavland. Il y avait déjà eu des conflits entre les deux pays, et même si la paix semblait être revenue, leur puissance militaire avait fini de décider Airy. Quelques années auparavant, quand l'idée d'une union commençait déjà à germer dans l'esprit du roi, ce dernier avait pensé au royaume de Battupia. C'était un état bien plus éloigné que Satbourg, il fallait traverser la mer pour l'atteindre. Mais il était puissant, peut-être même plus que Nekavland et sans aucun doute plus que le pays d'Odile. Une alliance avec eux aurait été une mine d'or pour Airy, mais les choses n'avaient pas tourné en sa faveur. En effet, une demie-décennie plus tôt, un coup d'état avait renversé le pouvoir de Battupia. Pour l'heure, la situation semblait toujours instable. Des rumeurs disaient que l'ancien héritier tentait encore de reprendre le pouvoir, d'autres qu'il était mort. Dans tous les cas, des fiançailles avec la princesse n'était plus envisageable.
Gabriella appris plus ou moins par hasard que le roi avait envoyé un courrier pour rencontrer la princesse Odile et convenir d'un mariage. Elle avait pourtant l'habitude, depuis plusieurs mois, que le roi lui confiât les informations avant de les annoncer officiellement. Mais quand elle avait elle-même avancé le sujet avec le souverain, ce dernier lui avait demandé d'accueillir la noble quand elle arriverait. Elle devait la conduire aux appartements luxueux du château qu'on lui attribuait, ranger ses affaires et former la servante qui s'occuperait d'elle, lui faire visiter le château et enfin la conduire auprès du roi dans la salle du trône.
C'était une lourde tâche que lui avait donné Airy, et elle en était heureuse. Malgré tout, même si elle était habituée à fréquenter et accueillir des personnes nobles, mais elle ne pouvait s'empêcher d'être anxieuse. Et peut-être bien qu'un autre désagréable sentiment frémissait aussi dans son cœur, mais elle n'arrivait toujours pas à mettre un mot dessus.
Évidemment, Airy et elle allaient s'abstenir de toute union le temps du séjour de son Altesse. Et même de se tutoyer ! Nul n'avait besoin d'un scandale inutile. D'autant plus que Gabriella savait que cette union était une très bonne nouvelle : le royaume de Nekavland qu'elle appréciait de plus en plus profiterait largement de l'alliance qui en naîtrait, et le peuple ne pourrait que mieux en vivre.
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La Servante du Roi
Historical FictionL'ancienne servante du roi de Nekavland est partie, et Gabriella doit dorénavant la remplacer. Mais il se pourrait bien que le roi Airy ait besoin de plus qu'une cheminée allumée à son réveil, comme par exemple d'une présence féminine dans son lit. ...