La Servante du Roi

Chapitre 16 : Fiancée

La princesse Odile n'était particulièrement détestable, mais pas non plus agréable. En fait, elle se comportait juste comme une noble s'adressant à une servante, ce qui était en soi la normalité. Six semaines étaient passé depuis qu'Airy avait envoyé son courrier à Satbourg, et le roi du royaume n'avait pas hésité longtemps avant d'accepter sa requête.

Gabriella était en train de lui présenter la bibliothèque royale. La première fois qu'elle avait pu y mettre les pieds, elle en avait été époustouflée. Tant de livres, tant de richesses, tant de tout. Mais apparemment, la jeune Altesse ne semblait pas du même avis. En fait, elle avait même l'air de trouver le lieu ennuyant. Sentant cette opinion désobligeante qu'elle ne comprenait pas, la femme aux cheveux roux décida de rapidement changer de pièce et les dirigea vers la salle du trône où attendait Airy.

Les couloirs étaient longs entre la bibliothèque et le bureau public du roi, et Gabriella se sentait mal à l'aise face au silence. Mais la plupart des nobles avaient horreur que les personnes de plus basses classes sociales leur parlassent, et Odile semblait en faire partie. Une fois arrivé devant la porte voulue, la servante toqua. Elle entendit l'autorisation de pénétrer la pièce par le secrétaire quelques secondes plus tard et entra.

- Son Altesse Odile de Satbourg est arrivée, dit-elle en s'inclinant.

Cela faisait bien longtemps que Gabriella ne s'était pas adressée ainsi à son roi.

- Merci, vous pouvez disposer, lui-répondit-il.

Et lui aussi ne devait plus être habitué à tant de pincettes. Il se leva, s'approcha de la princesse et lui baisa la main.

- Madame, je vous souhaite la bienvenue à Nekavland.

- Tout le plaisir est pour moi, Sire.

La princesse fit une courte révérence et se laissa guider jusqu'aux deux trônes.

Gabriella n'attendit pas plus longtemps avant de quitter les lieux. Chez elle, les membres royaux ne se parlaient pas aussi présomptueusement. Elle avouait trouver cela assez étrange, d'ailleurs, et particulièrement pour de futurs époux. Après tout, comment peut-on vouloir passer le reste de sa vie avec une personne à qui on ne peut parler franchement ? Elle haussa les épaules. Peut-être avaient-ils l'habitude, après tout, à Nekavland.

Ce soir-là, un festin était organisé par le château pour accueillir convenablement la princesse Odile. Le grand repas serait encore plus luxueux qu'à l'accoutumée, animé par des musiciens, des fous et des danseurs. Gabriella n'y servirait pas, et honnêtement elle était plutôt heureuse de pouvoir éviter la princesse Odile un peu plus longtemps. En revanche, elle devait s'assurer que tout se passerait bien en cuisine.

Elle n'était pas inquiète à l'idée de devoir accomplir cette tâche, le personnel du château n'en était pas à son coup d'essai. Ce n'était pas pour autant pour cela qu'elle ne le ferait pas sérieusement, être la cause d'une rupture d'alliance entre Satbourg et Nekavland était bien son dernier souhait, mais elle ne se mettrait sûrement pas dans le même état que la dernière fois, à savoir fiévreuse et épuisée.

Quand elle arriva aux cuisines après plusieurs longs couloirs qu'elle connaissait désormais par cœur, elle constata que les cuisiniers étaient largement avancés dans la confection des mets. La salle à manger avait déjà été entièrement décorée la veille, ornée de plusieurs plantes et sculptures rares pour toujours véhiculer une image plus grandiose du royaume. Les animations du repas répétaient encore, et Gabriella décida de se dépêcher de nettoyer les appartements d'Airy pour aller voir leur travail.

Elle nettoya, comme à son habitude, toute la suite, n'oubliant bien sûr pas la salle de bain. Elle devait particulièrement faire attention, ce jour-là, pour ne rien laisser de désobligeants dans la chambre, parce que selon l'avancée de la réception ce soir-là, il était envisageable que la princesse Odile se retrouvât dans les appartements du roi. Chaque endroit devait être propre, bien odorant et agréable. Elle en profita d'ailleurs même pour ranger le bureau du dirigeant même s'il ne le lui avait pas demandé, puisque certains papiers étaient confidentiels et devaient le rester.

Le bureau avait pour cet effet des tiroirs ornée de serrure, et Gabriella en possédait les clefs. Même si elle était parfaitement en capacité de comprendre les documents présents ici, elle savait qu'Airy lui faisait confiance, et à juste titre, pour ne pas être plus curieuse que nécessaire. Après toutes ces tâches, la jeune servante se décida à changer les draps. Habituellement, elle ne le faisait que tous les trois jours, mais elle préféra pour cette fois prendre également la liberté de les changer un peu plus tôt, toujours dans la prévision de la venue de la princesse Odile le soir-même.