Chapitre 23 : Mensonge

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Gabriella ouvrit lentement les yeux. Elle sentit sous elle un drap mal disposé pourtant bien plus confortable que celui dans sa chambre de bonne. La lumière qui passa à travers ses paupières lui fit d'abord mal, puis elle s'y accommoda et retrouva peu à peu la vue.

A côté d'elle, elle entendit un homme murmurer. Elle ne comprenait pas le sens de ses paroles. Puis, après plusieurs secondes, elle l'entendit répéter les mêmes mots, plus distinctement :

- Gabriella, tu vas bien ?

Elle tourna son visage vers son interlocuteur et découvrit le visage inquiet d'Airy. Elle tenta de se redresser mais avait encore un peu mal à la tête. Ses souvenirs étaient embrouillés, pourquoi était-elle ici ?

Le souverain l'aida à surélever son corps pour qu'elle s'asseye en face de lui, puis la laissa reprendre ses esprits. Peu à peu, l'ordre des évènements revint à l'esprit de la servante. Le linge, sa confrontation avec la princesse, sa chute. Comment avait-elle survécu ? L'avait-on sauvé ? Elle se rappelait à peine avoir agrippé le rebord de la meurtrière en tombant.

- Comment tu te sens ? demanda de nouveau le roi.

Elle hocha la tête un peu trop vivement pour que ce fût indolore. Pourtant elle ne se rappelait pas avoir tapé la tête contre quoique ce fût. Sans le savoir, Airy stoppa ses interrogations intérieures :

- Le médecin a dit que tu as été choquée par ta chute. Tu vas bien mais tu ne devrais pas trop forcer aujourd'hui, ni même demain.

- D'accord, murmura-t-elle dans sa bouche pâteuse.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda le souverain après quelques temps.

La rousse pouvait très distinctement entendre l'inquiétude dans sa voix. L'avait-il vu pendre au-dessus du vide ? Ou l'avait-on prévenu après ?

- Je pourrais avoir de l'eau ?

Le dirigeant se redressa vivement et lui apporta un verre. Il l'aida à le boire puis le reposa sur la table de chevet.

- J'allais chercher ton linge pour...

Ses sourcils se froncèrent. Elle savait très bien qu'elle était dans les appartements royaux, mais elle ne se rappelait pas du tout avoir fait le lit. Elle regarda sous ses jambes et remarqua qu'il y avait un drap très vaguement disposé pour recouvrir le bois du lit.

- Je me suis dit que même si le lit n'était pas fait, ça serait plus confortable pour toi d'être ici.

Gabriella ne put retenir un sourire discret devant cette tendre attention et le remercia. Elle oublia qu'elle devait répondre au roi mais son regard pesant la ramena à la réalité.

- Je cherchais ton linge et après avoir récupéré le panier j'ai...

Elle marqua un second temps de silence dans son discours. Elle ne pouvait décemment pas dire ce qu'il s'était passé. La princesse allait épouser le souverain, si elle avouait qu'elle avait été poussée, l'union politique s'effondrait et elle pouvait déclencher une guerre.

- Je crois que j'ai trébuché. J'ai posé le panier et un drap dépassait : j'ai glissé dessus et je suis tombée.

Airy entoura ses mains des siennes et lui embrassa les doigts.

- Gabriella, tu n'as besoin de protéger personne.

La servante le regarda, surprise.

- Je sais que tu ranges parfaitement le linge dans le panier pour ne pas le froisser, et tu es loin d'être maladroite. Au contraire, je n'ai jamais vu des mains aussi habiles que les tiennes.

- J'ai juste oublié cette fois, et je...

- Et quand Milon est venu te remonter, tout le linge était encore dans le panier, mentit-il en espérant lui arracher la vérité.

Alors c'était le garde royal qui l'avait sauvé ? Elle ne s'en souvenait pas.

- Je... C'est que...

- S'il te plaît, Gabriella, je dois savoir.

Elle baissa le visage, avouant son mensonge. Un silence les entoura tandis que le souverain tenait toujours les mains de sa servante au creux des siennes.

- Bien, je vais reformuler autrement alors, finit-il par dire de sa voix douce et bienveillante. Qui t'as poussée de cette tour Gabriella ?

Il avait cette manière attendrissante et à la fois intimidante de prononcer très distinctement son prénom à chaque fois qu'il s'adressait sérieusement à elle. Des rougeurs apparurent sur les jours de la jeune femme.

- J'ai déjà des doutes, j'ai simplement besoin que tu me les confirmes. Pour adresser la bonne sanction, tu comprends ?

- Mais c'est ce que je ne veux pas ! le coupa-t-elle. Je ne veux pas de sanction pour qui que ce soit !

- Gabriella, on t'a poussée à travers une meurtrière, bien sûr qu'il doit y avoir une sanction.

La domestique secoua négativement la tête. Elle sentit la migraine refaire surface. Non, elle ne voulait pas. Elle n'était qu'une servante et accuser son Altesse Odile d'une telle chose était grave. Que ferait-il si elle avouait ? Le reprocherait-il au royaume de Satbourg ? La paix qui régnait entre les deux royaumes devait perdurer !

Le dirigeant à la chevelure d'or souffla.

- Gabriella, j'ai besoin de savoir.

- Je ne veux pas te le dire, lui dit-elle.

- Alors quoi ? Je devrais juste fermer les yeux ?

La sujette osa hocher la tête ce qui ne fit qu'irriter davantage le roi.

- Je ne veux pas créer des tensions... murmura-t-elle finalement.

Se calmant face à l'air désemparé de sa sujette, Airy se pencha plus tendrement vers la jeune femme.

- Gabriella, je ne vais pas créer des tensions d'accord ? Je pense au royaume avant tout donc je ne ferais rien qui pourrait porter préjudice au peuple sans réfléchir. Je te le promets.

Gabriella ne répondit rien.

- S'il te plaît, dis-le-moi.

Et finalement, elle céda.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant