Chapitre 13 : Fièvre

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Airy se réveilla à nouveau, cette fois à cause d'un bruit sourd. Il se redressa vivement sur son lit vide de toute présence et remarqua Gabriella debout devant la cheminée, une bûche au sol. C'était bien la première fois qu'elle le réveillait en allumant le feu, elle d'habitude si discrète. Il s'apprêtait à lui adresser quelques mots de reproches quand il remarqua son visage crispé. Elle avait les yeux fermés et se tenait fermement sur le dessus de la cheminée.

- Gabriella ? demanda-t-il.

Cette dernière se tourna vers lui, surprise.

- Oh, excusez-moi j'ai...

Ses yeux semblèrent se troubler. Elle chercha à reprendre équilibre mais vacilla et s'écroua au sol. Airy sortit précipitamment du lit, toujours nu évidemment, et accouru vers elle. La jeune femme se redressait déjà et lui annonça que tout allait bien, mais il ne fallut au souverain qu'une main sur son front pour constater une chaleur inquiétante.

- Gabriella, tu es fiévreuse. Tu dois te recoucher.

Elle secoua négativement la tête.

- Je peux travailler.

- Non tu ne peux pas.

Il passa ses bras autour de son frêle corps et la souleva. Il l'emmena à son lit où il la coucha.

- Je vais bien...

Il l'ignora et recouvrit son corps du drap de satin.

- Je vais prévenir que tu ne peux pas travailler aujourd'hui. Tu ne tiens même pas debout.

- Je veux travailler...

Elle secoua la tête négativement et chercha à se redresser. La main d'Airy la bloqua. C'était bien la première fois qu'elle s'opposait autant à lui.

- Mais pourquoi tu ne veux pas te reposer enfin ! Tu vois bien que tu es malade !

- Je ne peux pas... J'en ai besoin.

- Tu as besoin de travailler ?

- Le salaire... murmura-t-elle en se recouchant, épuisée.

Le roi comprit alors que si elle ne travaillait pas, le château ne la payerait pas. Lui ne réfléchissait même pas à la question de l'argent, il en avait bien trop à disposition. Mais peut-être Gabriella en avait besoin ? Il ne savait pas réellement quelles dépenses elle avait besoin de faire, puisqu'elle était intégralement prise en charge par le château, mais il n'était pas le moment de demander plus d'indications à la fiévreuse.

- Je vais leur dire de te payer alors.

- Vous ne pouvez pas... je ne suis pas la seule servante... malade.

Elle parlait tout doucement. Si doucement qu'il devait être proche de ses lèvres pour tout comprendre. Il souffla :

- Alors je vais dire que j'ai besoin de toi toute la journée.

- Ce serait mentir.

- Non, j'ai besoin que tu tiennes mon lit au chaud pour ce soir, dit-il ironiquement. De toute façon, vu ton état actuel, il est hors de question que je te laisse travailler. Alors reste couchée ici et je vais prévenir le chef des servants.

Elle n'avait plus la force de résister et ne répondit rien, s'enfonçant un peu plus profondément dans le lit.

Pris dans la rapidité des choses, le roi faillit presque oublier de s'habiller. Il lui fallut une dizaine de minutes pour atteindre les cuisines : pourquoi ce château était-il si grand ? Là-bas, il informa le personnel de l'absence de la domestique et se pressa de revenir dans ses appartements. Il y travaillerait pour la journée pour garder un œil sur elle. Pourquoi était-elle malade ? Était-ce réellement parce qu'elle travaillait trop ? Peut-être n'aurait-il réellement pas dû lui demander d'organiser la réception du mois prochain.

En pénétrant dans la pièce, il regarda son lit et la trouva déjà endormie, les joues rougies par la fièvre. Elle tremblait. Airy n'avait jamais réellement compris comment on pouvait avoir froid en étant si brûlant. Il partit mesurer sa température de ses doigts en se demandant s'il devait faire appel à un médecin. Pour le moment, il décida d'attendre et de réagir si son état s'aggravait.

Toute la matinée se déroula donc ainsi : le souverain blond à son bureau et sa sujette au lit. La jeune femme gémissait ou grelottait bruyamment de temps à autre, et à chaque fois, cela avait pour effet d'inquiéter le roi. Il arrêtait alors sa tâche et venait au pied du lit pour étudier la fièvre de la jeune femme. Depuis le réveil, elle n'avait cependant pas évolué.

Quand enfin l'heure du déjeuner arriva, on servit au roi son repas, et on apporta avec ce dernier un plateau pour la servante comme il l'avait demandé. Il s'approcha une fois ses appartements à nouveau vides de la jeune femme, s'accroupit devant le lit et la réveilla à contre-cœur :

- Gabriella, c'est l'heure du déjeuner.

- Je n'ai pas faim... murmura-t-elle.

- Tu n'as rien mangé ce matin.

Mais la sujette ne répondit rien.

- Je laisse le déjeuner sur la commode de nuit, d'accord ?

Un nouveau silence lui répondit. Il soupira. En touchant son front, il constata que la fièvre n'avait pas bougé. Qu'elle ne montât pas le rassurait, mais il aurait espéré qu'elle diminuât. Cela aurait été bon signe, non ? A vrai dire il n'y connaissait rien et il savait que Gabriella lui en voudrait s'il appelait le médecin, mais si cela continuait ainsi, il n'hésiterait pas.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant