Chapitre 5 : Routine

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Les jours suivants, et durant tout un mois, une certaine routine s'installa entre Airy et Gabriella.

Pour le dirigeant du royaume, il ne traitait évidemment pas des mêmes affaires chaque jour. Cependant, ses journées étaient toujours articulées de la même manière : lever en même temps que le soleil, traitement du courrier, déjeuner, paperasse, prise de décision et parfois réception de visiteurs, souper et coucher. Le tout réglé à la même manière d'une horloge.

Du côté de la servante, les jours se ressemblaient tout autant. Elle se levait tout d'abord aux alentours de cinq heures pour allumer la cheminée du roi. Ensuite elle assurait le service du premier repas de la journée aux autres servants. Elle allait par la suite réveiller le dirigeant du royaume et une fois parti, se chargeait de faire le ménage. Cette étape lui prenait en générale une bonne partie de la journée puisque même après un mois complet, il restait encore des affaires à trier ou ranger, des lieux à nettoyer et désinfecter, en plus du ménage quotidien à effectuer. Par la suite, elle lavait le linge du roi et quand elle se débrouillait bien, elle arrivait à finir quatre heures avant le coucher du soleil.

Les deux ne s'étaient honnêtement pas beaucoup parlés, chacun dans leur rituel. Mais ils s'harmonisaient bien. Airy appréciait le travail bien fait de sa sujette, et Gabriella faisait au mieux pour faciliter la vie de son roi.

Comme on aurait pu s'y attendre, la présence d'une rousse si proche du roi avait beaucoup fait parler dans le pays. Certains disaient qu'elle venait d'ailleurs, d'autres la voyait comme un message de l'univers envoyé au roi pour le féliciter de ses bonnes actions, et encore d'autres avaient été un peu plus désobligeants, comme si ses cheveux déterminaient ses intentions. Cependant, comme il était connu de tous que le dirigeant aimait les chevelures flamboyantes et qu'il était aimé de son peuple, la haine et la méfiance restaient marginales. Gabriella doutait d'ailleurs que d'autres châteaux que celui du roi Airy acceptassent une rousse comme servante, ils auraient bien trop peur qu'elle ne les ensorcelât.

Ce jour-là, la jeune femme remplissait ses tâches de nettoyage comme à l'accoutumée. Elle venait de finir de déjeuner et reprenait d'ores et déjà le nettoyage intensif. La veille, elle avait pris soin de laver et remplacer tous les rideaux et les tapis qui habitaient l'appartement du roi, ce qui représentait une grande masse de tissu, et désormais elle voulait s'attaquer à la bibliothèque. La dernière fois, elle n'avait fait que retirer la poussière, mais un ménage profond n'était pas de refus d'après elle. Bien sûr, elle avait demandé l'autorisation au propriétaire des lieux avant de fouiller, déranger, nettoyer et ranger à nouveau celle-ci, mais pour son plus grand plaisir, le roi n'y avait opposé aucune résistance.

Ce dernier ne dédiait que peu de temps à la lecture, à la différence de Gabriella qui passait le plus clair de son temps libre à trouver de nouveaux mondes à explorer et à les dévorer en un rien de temps. Elle n'était pas bien compliquée : romans, livres historiques, poèmes, légendes urbaines ou même livres médicinaux – ses favoris –, elle lisait de tout. Malheureusement pour elle, ses revenus étaient faibles voire presque inexistants, et les livres coûtaient très chers. Il fallait les écrire, les décorer, les recopier quand on voulait plusieurs exemplaires... Alors devant la somptueuse bibliothèque personnelle du roi, qui était elle-même bien minuscule face à la bibliothèque du château, elle était comme dans un rêve.

Elle sortit un à un tous les livres, en prenant très soins de leurs pages et de leurs couvertures et en les dépoussiérant avec délicatesse. Et puis, ne pouvant s'en empêcher, elle lut chaque quatrième de couverture, voire même chaque première page. Tant pis, elle finirait plus tard ce soir-là. De toute façon, le roi la laissait gérer son temps comme elle le souhaitait et elle avait déjà fait le strict nécessaire du jour.

Quand elle tomba sur un livre très épais sur les plantes médicinales, elle crut voir un mirage. Ce livre, elle en avait déjà entendu parler. C'était une référence de taille pour la médecine actuelle, comme la modernité même du soin. Dedans, des milliers de plantes étaient recensées, avec leurs effets néfastes et leur vertus détaillés. Au moment de sa publication, on pensait que plus une plante était rare, plus elle avait la capacité de soigner les maux. Et ce livre, ou plutôt les médecins qui avaient fait écrire ce livre par leurs secrétaires, révélaient que ce n'était en réalité pas la rareté d'une plante qui faisait son efficacité mais tout d'abord la plante en elle-même, et ensuite la façon dont le remède était préparé. Encore à ce jour, certains médecins négligeaient les apports considérables de ce livre. Mais du peu de fois où Gabriella avait pu voir ses conseils mis à exécution, elle lui vouait une confiance aveugle.

Elle dépoussiéra la première de couverture qui n'avait pas dut être touchée depuis bien longtemps. Comme à chaque fois, elle entreprit de lire le dos du livre, puis continua sa lecture sur la première page, puis la seconde, la troisième et ainsi de suite. Elle voulait s'arrêter mais chaque page étant plus intéressante que la précédente, et elle finit complètement absorbée dans sa lecture. Tellement absorbée qu'elle ne se rendit pas compte qu'elle avait reposé son dos contre la bibliothèque, délaissant totalement sa tâche pour se plonger pleinement dans les enluminures de l'ouvrage.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant