Chapitre 29 : Milon

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- Sire, désirez-vous arrêter notre balade dans la cour pour visiter l'intérieur du château ? proposa Airy.

- Ce serait avec grande joie.

Les deux Majestés se dirigèrent vers les murs de pierre de l'édifice.

- Nous ne nous ferons pas long ici, nous ne voudrions pas abuser de votre hospitalité, indiqua le roi de Satbourg.

- Vous êtes les bienvenues aussi longtemps que vous le désirez bien sûr.

- Vous êtes bien bon.

Le roi Airy affectionnait réellement le roi de Satbourg. Même s'ils ne partageaient pas du tout la même vision des choses en manière de gouvernance, tous deux savaient faire preuve de principes quand il le fallait. Cependant, il avouait se sentir de plus en plus épuisé de toutes ces commodités, et il n'était pas près d'en finir.

- Vous savez, je ne pense pas que...

Soudain, la tête du souverain de Nekavland heurta le sol, coupant son souffle et sa phrase d'un même bond.

Ses oreilles bourdonnantes semblèrent entendre des milliers de cris. Un garde tira le dirigeant de Satbourg loin de l'animation, tandis que deux écuyers accouraient vers leur roi. Airy était perdu.

Il porta sa main à son crâne et y découvrit une légère égratignure. Que venait-il de se passer ? Pourquoi l'avait-on poussé ? Mais en regardant le poids régnant toujours sur son corps, il comprit avec horreur qu'au contraire, on venait de le sauver.

Milon était presque inconscient, une flèche plantée dans son flanc gauche, source d'une flaque de sang à ses côtés. Le médecin royal arriva sur les lieux et poussa le corps du garde sur le dos avant de se pencher vers la tête du roi. Ce dernier s'entendit lui hurler de s'occuper de son fidèle ami.

Il avait à peine conscience de ses membres et de sa présence, tout ce qu'il savait était qu'il vivait un chaos. Sa tête s'embrumait, il voyait flou et surtout, il voyait rouge. Le corps de son ami était étalé sur le sol désormais entouré du docteur et l'un de ses disciples. Il suffoquait presque.

Le roi entendait les hurlements lointains, mais n'y réagissait pas. Il semblait stupéfait, paralysé. Était-ce le coup à la tête qui lui faisait cela ? Était-il gravement blessé ? Ou était-il désemparé de voir l'une des personnes qu'il aimait le plus être peu à peu happé par la mort devant lui.

Milon venait de donner sa vie pour lui.

Airy ne se préoccupait pas de savoir si le meurtrier était toujours dans les parages. De toute façon, vu la foule autour de lui, il ne pourrait pas l'atteindre. La seule chose qu'il voulait était que son plus fidèle compagnon s'en sortît.

Des cris plus proches se firent entendre dans les tympans du roi, des cris qui se différenciaient des autres. Il connaissait cette voix, cette voix féminine.

- ARRÊTEZ !

Il reprit ses esprits et observa les alentours. Il eut à peine le temps de voir Gabriella traverser la foule et se jeter sur le médecin avant que les gardes ne l'arrêtassent elle-même.

- Vous ne devez pas faire ça ! Vous allez le tuer !

- Je vous prie de me laisser faire mon travail.

Le docteur attrapa à nouveau sa lame chirurgicale mais la servante se débattit et se libéra à temps des gardes pour l'en empêcher.

- NON ! ARRÊTEZ !

Elle attrapa la lame du médecin fermement dans sa main, coupant sa propre paume au prix de ses convictions.

- Vous allez le tuer ! Une giclée de sang lui retirera le peu d'énergie qu'il lui reste !

- Il faut le vider de ses impuretés, nous devons l'ouvrir pour faire sortir le sang !

- Non ! Non vous ne devez pas ! Vous avez enlevé la flèche en la brisant, vous allez le tuer si vous continuez ! Vous ne devez pas faire cela !

Les gardes, la voyant avec une arme dans la main, voulurent se jeter sur elle pour l'arrêter, mais Airy les arrêta d'une main.

- Gabriella ? demanda-t-il.

Il semblait avoir repris le contrôle de son corps. La servante tourna le visage vers lui et la sincérité qu'il vit dans ses yeux le paralysa.

- Airy, ils ne doivent pas faire ça, ils vont le tuer... murmura-t-elle désespérée.

Elle tenait toujours fermement le couteau entre ses doux doigts. Ses doux doigts qui l'avait touché avec douceur tant de fois.

- Sa Majesté ne doit pas l'écouter, ce n'est qu'une sorcière !

- Je sais comment le soigner, vous devez me laissez faire ! hurla-t-elle au médecin.

Elle hurlait désespérément. Son regard se replongea dans celui du roi : elle l'implorait de la laisser faire.

- Que conseilles-tu ?

- Sa Majesté !

- Taisez-vous ! Je m'adresse à elle. Dis-moi Gabriella.

- Il a déjà perdu beaucoup trop de sang, il faut le contenir dans son corps.

- N'importe quoi ! Les giclées de sang sont une méthode de guérison qui a déjà largement fait ses preuves !

- Docteur, je vous ai dit de vous taire ! clama le souverain.

Le savant n'eut d'autre choix que d'obtempérer.

- Écoute Airy, reprit Gabriella essoufflée. Je sais que je ne t'en ai jamais parlé mais je ne viens pas de Nekavland et là-bas, on est autorisé à disséquer les corps. Je sais comment c'est à l'intérieur, j'ai déjà lu des milliers de livres là-dessus et même vu de mes yeux. Je sais qu'ici vous ne pouvez pas mais je t'en prie, crois-moi quand je te dis que je peux sauver Milon.

Le roi baissa le regard sur le corps de son ami. Il respirait encore. Au niveau de sa plaie, il découvrit avec surprise les mains blanches de Gabriella appuyer de toute leur force. Quand avait-elle lâcher la lame exactement ? Était-ce grâce à son geste que Milon n'était pas encore mort ?

Airy le savait, il s'apprêtait à prononcer les mots qui allaient déterminer si son meilleur ami allait vivre, ou mourir. Mais il n'avait pas d'autres choix :

- Vas-y.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant