Embrase-moi - Tome 1

Chapitre 4 - Elle

Assise sur le matelas, le dos contre la tête de lit, le corps enroulé dans un peignoir moelleux, j'observe Henry faire des allers-retours entre la salle de bains et la chambre. Il ferme les boutons de sa chemise avant de grogner après sa cravate qui refuse de se mettre comme il le souhaite. Amusée, je me lève puis me place devant lui. Je la positionne correctement sur son col avant de commencer à faire le nœud. Pendant que je m'applique, Henry promène ses doigts le long de mon cou.

— J'aimerai rester plus longtemps avec toi, Scarlett.

Je lui adresse un sourire quand il me remercie. Je me dresse sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur ses lèvres. Le quadragénaire termine de se préparer alors que je retourne m'assoir sur les draps froissés. Il enfile sa veste de costume ainsi que son manteau, et attrape son sac. Il jette un regard à la pièce, vérifiant qu'il n'a rien oublié avant de plonger ses yeux dans les miens.

— J'ai laissé ton enveloppe sur la table. Profite de la chambre avant de partir.

J'acquiesce en lui adressant un dernier sourire. Quand la porte claque derrière lui, je me laisse tomber sur le dos. Généralement, c'est avec Henry que je passe mes rendez-vous les plus agréables. Mais malgré sa gentillesse, je ne prends aucun plaisir entre ses bras. En y réfléchissant bien, cela fait des mois que je ne ressens rien quand je suis avec un homme. Depuis que je ne couche plus avec des amants, mais des clients. Cette appellation fait une énorme différence. Le sexe est devenu automatique. Mes gémissements forcés. Mon désir simulé.

Ce n'est plus un plaisir mais un devoir, une obligation. Beaucoup me diront que je n'ai pas à m'imposer ça, qu'il y a d'autres solutions. Malheureusement, dans ma situation, je n'en vois pas d'autre. Alors, je laisse ma dignité chez moi et je fais ce qui doit être fait. Pour eux, pour ma famille.

Je frotte mes joues en me redressant. Je n'ai pas à me plaindre. Ce gagne-pain n'est pas enviable, mais au moins je le fais en toute sécurité. Surtout, je suis extrêmement bien payé. D'ici quelques mois, ce ne sera qu'un mauvais souvenir. À ce moment-là, je pourrais me contenter de mon travail au bar. Line a déjà prévu de m'attribuer de nombreuses soirées.

Je laisse tomber mon peignoir en entrant dans la salle de bains. Dans les grands miroirs, mon reflet m'accueille. Les mains sur le rebord du lavabo, je prends quelques secondes pour l'observer. Ma peau pâle est ornée de quelques taches de rousseur, dispersées entre mon nez et mes pommettes. Avec la puissante lumière, mes iris clairs habituellement, semblent presque transparents. Mon regard passe ensuite sur ma chevelure, ma plus grande fierté. Sa couleur flamboyante est l'héritage de ma grand-mère, une des seules personnes qui m'ait réellement aimée. Coupé dans un carré qui m'arrive aux épaules, les pointes forment des ondulations qui me donnent naturellement un effet coiffé/décoiffé. Je délaisse mon image en soupirant, puis me glisse dans l'immense cabine de douche.

J'ouvre les robinets et laisse l'eau chaude couler sur ma peau. Mes muscles se détendent au contact de cette chaleur apaisante. Je ferme les yeux en m'adossant contre le carrelage froid. La différence de température me fait frissonner. Je tourne le pommeau vers moi, ramenant les jets sur mon corps. Sans que je ne le veuille réellement, mon regard tombe sur les cicatrices qui barrent mon poignet. Une boule douloureuse vient se loger dans ma gorge et instinctivement, je frotte ma peau.

Ne pas se plaindre, ne pas penser au passé ou au futur. Je fais ce qui doit être fait.

Je me répète de nombreuses fois ces deux phrases. Je les répète jusqu'à ce que ma trachée soit libérée de cette souffrance parasite. Je sais très bien que repousser mes émotions et sentiments au plus profond de mon cœur n'est pas la solution, mais je ne peux pas me laisser aller. Des personnes comptent sur moi. Il compte sur moi. Pour lui, pour son avenir, je ne craquerai pas. J'assumerai tout, même si pour cela je dois m'oublier.