Je me réveillais avant le lever du jour, la vessie en proie à une tension fort peu agréable. Je m'extirpais du sofa où j'avais élu refuge après m'être assommé à l'alcool la soirée précédente. Tout ce qui pouvait me distraire de l'idée que deux bombes étaient en train de se culbuter dans une pièce non loin était à prendre. Je claudiquais, montant les marches vers la salle de bain, me libérant avec un soupir de soulagement.
J'avais vraiment bien mangé avec ces corsaires la veille. Je n'avais pas appris grand-chose sur leurs affaires, mais moins j'en savais, mieux je me portais. Il y avait un cadran horaire devant le lavabo, il était vraiment tôt, c'était mon jour de repos. Je regardais la douche, une vieille machine qui semblait dater de la création de Semerande. Mais elle était encore en parfait état. Les vitres étaient parfaitement entretenues et je fus pris d'une soudaine envie de me rafraichir. Je me déshabillais et glissais l'intégralité de mes armes dans une petite pochette imperméable que je portais toujours sur moi. Alors que je passais sous le jet d'eau, je me souvins de Jack râlant au sujet d'une réparation difficile.
Je me frissonnais en me rendant compte que l'eau était glaciale. Ma peau s'éclaircit sous le jet et je ne ressentis bientôt plus la morsure du froid. J'eus vite terminé, je n'éprouvais aucun plaisir à me laver à l'eau froide.
En me séchant, je constatais la présence d'un immense miroir en pied. J'étais presque trop grand pour me voir en entier et je dus reculer un peu. Ma peau était marbrée, indigo, et quelque chose qui pouvait sans doute se rapprocher du turquoise. Mes cheveux étaient la seule zone unie sur ce corps indéfini. Je les gardais courts, l'escadrille avait des règles strictes en matière de pilosité. Ils tranchaient avec mon visage sombre, leur blancheur m'avait toujours attiré des regards amusés de la part des humains de la cité. Cette couleur leur rappelait l'inexorable effet du temps sur leurs corps. Une fois atteint l'âge adulte, nous autres, Haugs et Hanges, ne vieillissions plus. Nous mourrions en général par choix, lorsque le temps était venu et nous n'attendions rien de plus. Alors notre corps reprenait la forme originelle de notre peuple, un immense oiseau rejoignant son partenaire pour s'unir et produire en son sein la génération suivante avant de s'éteindre définitivement.
Je souriais maintenant face à mon reflet. Cette perspective m'avait toujours plu, mourir pour donner la vie, moi qui étais presque indestructible construit par les années d'entrainement, le corps si solide qu'on aurait pu me tirer dessus avec la meilleure artillerie humaine, cela aurait à peine pu commencer à creuser ma peau.
Alors que je m'apprêtais à enfiler de nouveau mes vêtements, la serviette enroulée autour de ma taille, je perçus un bruit de l'autre côté du mur. Mes sens se mirent immédiatement en éveil alors que je reconnaissais la voix d'Anaclet. La chambre était juste de l'autre côté. J'enfilais ma chemise, attachant ma sacoche à l'intérieur et laissant le reste de mes vêtements dans la salle de bain pour sortir de la pièce et me glisser près de la porte pour écouter un peu si mon hôte était aussi bien intentionné qu'il essayait de me faire croire.
Les sons que j'entendis ne m'informèrent absolument pas de la bonne disposition du Nettoyeur, mais réchauffèrent mon corps de plusieurs degrés sans que la température extérieure n'ait aucune influence. Ces deux-là étaient très clairement en train de pratiquer un sport d'intérieur matinal. La porte était légèrement entrouverte. La tentation était trop grande.
Je finis par y glisser un œil, bien trop excité par les sons que j'entendais. Ma respiration se bloqua à la vision qui s'imposa à moi. Je dus faire preuve de toute ma volonté pour ne pas faire le moindre bruit qui aurait trahi ma présence.
Anaclet était étendu, la tête en arrière sur le bord du lit, les bras étirés de part et d'autre, s'agrippant solidement à la barre de cuivre qui décorait le meuble. Le borgne, qui visiblement n'était pas si borgne que ça, tenait ses hanches à deux mains pour les maintenir à la hauteur des siennes. Il était à genoux entre les cuisses grandes ouvertes du jeune homme, son corps entier semblant vouloir fusionner avec celui entre ses bras.
La vision fit monter en moi une telle envie que je m'en sentis oppressé. Je n'avais jamais eu envie comme ça d'un humain. Je n'avais jamais eu envie comme ça tout court. Il était commun à la caserne de s'adonner à des activités incluant l'utilisation des organes génitaux, mais je n'avais jamais été très porté sur ces jeux. Je regardais pourtant les deux humains se faire l'amour avec un plaisir que je n'aurais pas pu cacher. Je n'avais fait aucun bruit, j'aurais pu le jurer, et la pénombre jouait en ma faveur.
Cependant, alors que je levais de nouveau les yeux vers le visage de Dalmas qui s'activait entre les cuisses du plus jeune, je croisais son regard. Il souriait et continuait ses mouvements de bassin comme pour me narguer. Je restais figé et malgré ma grande confiance dans ma capacité à sortir de cette situation sans la moindre égratignure, je ressentis un profond sentiment de faiblesse face à ces yeux brillants de luxure.
Soudain, la voix légèrement gémissante, et pourtant calme, d'Anaclet s'éleva dans l'air ouaté de la pièce.
« — Dis-lui d'entrer, Dalmas, ses phéromones me suffoquent. »
Ledit Dalmas me fit un clin d'œil avant de m'indiquer de venir par un rapide mouvement de tête. Je pénétrais alors dans ce qui me semblait être l'antre d'un démon bien plus ténébreux que moi. La fenêtre n'avait pas de volet ni de rideau pourtant. Elle donnait sur le lac au bout duquel le soleil n'allait certainement pas tarder à pointer. Je fermais cette fois-ci la porte derrière moi, déposant les affaires que j'avais encore à la main sur la chaise à ma droite.
Anaclet, toujours les yeux fermés, tendit une main vers moi et je m'approchais alors qu'il se mettait à quatre pattes sur le lit, Dalmas continuant à s'emboiter en lui régulièrement. Les mains douces soulevèrent ma chemise, dévoilant mon sexe tendu comme il ne l'avait jamais été. La langue du jeune homme m'apparut comme un rêve et je ne pus qu'être spectateur d'un fantasme brulant auquel je n'aurais surement jamais pensé par moi-même.
Mon sexe bleu profond disparaissait dans la bouche d'Anaclet au rythme des coups de reins envoyés par Dalmas. Je ne pouvais détacher mes yeux de la scène, ma main s'enfonçant durement dans la chevelure débraillée de l'humain. Je trouvais la vision de mon membre sombre et tendu disparaissant dans cette bouche rose d'un érotisme rare. Je me demandais quel gout cette bouche avait, si mon invitation à participer me permettait d'en approcher la mienne. Je levais les yeux vers Dalmas qui lui avait les yeux rivés sur la nuque de son amant. Je devinais qu'il avait envie de voir ce qu'il se passait et je ne vis aucune raison de l'en priver.
J'attrapais délicatement la nuque d'Anaclet pour le reculer en m'extirpant de sa divine bouche. Il laissa échapper un grognement de frustration qui me retourna. J'avais férocement envie de lui. Je l'incitais à se placer de nouveau sur le dos, ce qu'il fit avec un abandon qui me laissa pantois. Je retirais complètement ma chemise qui n'avait maintenant plus grand intérêt, délaissant mes armes par la même occasion. Enfin, tandis qu'il se retrouvait de nouveau la tête en arrière, je plaçais mon sexe dans sa bouche, m'enfonçant sur toute ma longueur, trouvant l'angle de pénétration idéale pour accéder à sa gorge.
Dalmas avait cessé son activité et regardait, comme hypnotisé. Il était profondément installé entre les fesses de notre amant, mais ne bougeait plus, attentif. Je commençais alors de doux mouvements de hanche, me servant de cette bouche ouverte comme je me serais servi de son anus s'il avait été libre. J'allais en douceur, savourant la vision érotique de mon long sexe devenu indigo disparaissant dans la bouche distendue du jeune humain. Je sentais sa langue bouger lentement pour accompagner mes allées et venues. Je ne regardais plus, trop absorbé par ce que je voyais dans le regard de Dalmas.
Il semblait partagé entre une envie brulante et une satisfaction bienheureuse. Ses yeux m'intriguaient singulièrement. Ils finirent par se lever vers les miens et je ne pus retenir un mouvement de bassin incontrôlé lorsque nos regards se croisèrent, engendrant un râle de plaisir chez Anaclet. La puissance du désir de l'homme face à moi relevait presque du besoin. Mon cœur pourtant rompu par les années d'entrainement physique intense s'emballa dans une mélopée que je n'avais encore jamais ressentie. Ces deux-là me faisaient un effet monstrueux.
Je posais ma main sous la nuque d'Anaclet pour le maintenir dans une position confortable. Il laissa échapper un nouveau son brulant qui remit Dalmas en mouvement. Cette situation était d'un érotisme rare dans ma longue vie presque pieuse de soldat. Les épaules de Dalmas semblaient se contracter de plus en plus, ses deux mains emboitées dans les cuisses de notre amant, il ondulait avec une régularité de métronome. Je remarquais soudain un mouvement étrange des muscles de son épaule gauche et me concentrais sur cette particularité.
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Surplombe
FantasyDans un monde qui se résume à une ville flottant au dessus de flots calmes d'un lac immense, qui est le plus libre ? Ce soldat qui flotte dans les cieux à la lisière du soleil ? Cet être étrange qui nettoie la ville d'on ne sait quoi ? Ce corsaire à...