Chapitre 8 : Ce lieu très secret

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Anaclet trottina jusqu'à la porte d'entrée lorsque la clochette retentit. Il tira Ray à l'intérieur et le serra dans ses bras, étroitement. Les muscles charpentés du soldat ne tardèrent pas à l'entourer et il savoura pleinement l'étreinte qu'il avait entreprise.

Puis, ce détachant du grand démon, il l'admira des pieds à la tête, appréciant de son regard la tenue plus qu'habillée de son invité. Ray portait un pantalon noir élégant accompagné d'une veste de la même teinte, taillée au millimètre près. Ce devait-être la tenue formelle des officiers supérieurs de la Garde de Semerande, car les soldats n'étaient pas particulièrement réputés pour s'intéresser aux vêtements de luxe.

Cette tenue lui donnait des envies improbables et il se reprit au plus vite pour guider son invité jusqu'à la cuisine où il avait dressé la table pour deux.

« — Il n'y a que nous ce soir... Je lui ai dit que ça m'attristait beaucoup, mais Dalmas a déclaré tout à l'heure qu'il ne fallait pas le déranger, qu'il serait dans la verrière, blablabla... On ira le déranger après manger. »

Anaclet papotait tout en servant le repas, il était complètement dans son élément et Ray hocha la tête alors qu'il lui proposait un verre d'alcool.

« — Les amis de Dalmas sont sortis ce soir apparemment, mais je sens encore la présence du Daï et du... d'un autre dans la cave, sans doute que ces deux-là avaient des trucs à régler entre eux et que tout le monde a été gentiment envoyé à l'autre bout de la ville pour que tout cela reste discret. Quoi qu'il en soit, je vois que tu as meilleure mine qu'hier, on te nourrit correctement à la caserne ? »

Ray hocha la tête, ayant quelques difficultés à cacher son sourire. Le Nettoyeur avait été si discret la première fois qu'il l'avait vu qu'il ne s'était pas un instant imaginé qu'il ait ce genre de caractère et qu'il soit aussi bavard.

« — Je mange à ma faim. Je... Vous m'avez manqué. »

Anaclet, qui venait de lui servir un verre, resta un instant interdit, la bouteille en lévitation à mi-chemin entre son verre et le sien. Leurs yeux se rencontrèrent et il reposa la bouteille en prenant une grande inspiration.

« — À moi aussi, tu m'as manqué. »

Alors le repas reprit et le temps s'écoula, au rythme des paroles franches de Ray et aux réponses délicates d'Anaclet. Il lui racontait ses journées, la caserne, les nuits interminables, l'omniprésence qu'ils avaient dans ses pensées. Il lui parlait de ce que leur nuit ensemble avait changé dans son corps, à quel point il ne se sentait plus le même et combien c'était nouveau pour lui. Il lui dit qu'il ressentait quelque chose, un lien fort pour eux, une réelle inquiétude de ne pas savoir tout, tout le temps.

Anaclet hochait la tête, ils avaient fini de manger depuis longtemps lorsque Ray sentit qu'il avait vidé les choses qu'il avait à dire. Il avait exposé son cœur comme il aurait fait un rapport à ses supérieurs. Il ne connaissait que ce mode de communication, cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu d'état d'âme. Le Nettoyeur ne s'était pas attendu à cela, c'était le moins qu'on puisse dire. Il avait écouté religieusement. Dalmas était passé derrière le mur, il n'était pas entré dans la cuisine, il l'avait senti, mais n'avait pas révélé sa présence à leur invité. S'il ne voulait pas entrer, c'était son choix.

Dalmas était descendu après une heure, un besoin urgent le faisant sortir de son espace de travail au petit trot. Après son passage éclair au petit coin, il avait entendu des voix dans la cuisine et s'était approché, intrigué, car il pensait Anaclet seul. Il ne l'avait pas laissé finir son explication plus tôt, qui était donc l'invité auquel il faisait référence ? En entendant la tonalité si basse de Ray, son premier réflexe fut de vouloir entrer, mais cette même voix prononça alors une phrase qui le stoppa dans son élan.

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