Chapitre 10 : Kacem

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La maison Trois était en branle-bas de combat. Le commandant Eena avait pris en main la situation avec tout le professionnalisme qui la caractérisait. Le colonel Perig était sur l'affaire, elle devait se montrer absolument irréprochable, hors de question d'apparaitre moins que parfaite sur le rapport que le Haug allait très certainement écrire. Elle ne comprenait pas tout ce qu'il se passait, mais si le meilleur élément de la garde de Semerande avait un rôle dans l'affaire, elle avait intérêt à briller.

Elle était inquiète cependant. Les personnes dans cette maison savaient parfaitement se battre, et si elle n'avait aucune inquiétude quant à sa propre capacité à les mettre tous à terre si nécessaire, la présence de combattants d'élites dans une maison de Nettoyeur n'était pas quelque chose d'habituel.

C'est pourquoi lorsque le Daï imposant vint la rejoindre pour finir de ligoter les dernières personnes assommées, elle commença par se présenter en tendant sa main gantée au démon.

« — Commandant Eena, escadrille est de nuit.

— Capitaine Zokari, corsaire. Nous sommes en mission pour le gouverneur, il ne devrait pas tarder. »

Et en effet, il ne tarda pas. La porte de la maison s'ouvrit en grand pour laisser passer le gouverneur Kacem, général de la Garde de Semerande, entouré d'une myriade de militaires de races variées. Le commandant Eena s'inclina platement devant la plus haute figure d'autorité de la ville tandis qu'il se dirigeait à grands pas vers eux. La situation était définitivement déroutante.

Elle entendit un choc sourd et se redressa pour constater que le gigantesque général Kacem, Metian de son état, ne semblait plus si immense, comparé au démon du foyer qui lui rendait son étreinte virile. Elle grimaça intérieurement, peu portée sur ce genre de démonstration publique qui puait trop la testostérone à son goût. Elle entreprit de finir d'entasser la petite trentaine de personnes ligotées près de la porte tandis que ses collègues prenaient en charge les dépositions.

Le capitaine corsaire mena Kacem au deuxième étage, rejoignant Ray et Lola. Le Haug s'était assis au chevet d'Anaclet qui reprenait peu à peu ses esprits. Le gouverneur discutait avec Ari du prix qu'il allait le payer lorsqu'il repéra la grande forme bleue sur le lit et s'arrêta un instant à cette vue.

« — Bulle ? Je ne pensais pas vous voir sortir de votre cockpit avant encore plusieurs siècles ! Cette coiffure vous change beaucoup, j'ai failli ne pas vous reconnaitre ! Vous ressemblez vraiment à un de mes colonels avec cette coupe ! »

Ari s'étouffa à moitié en tournant la tête vers la personne à qui le gouverneur s'adressait et s'empressa de clarifier la situation en lui expliquant que la personne ici présente n'était pas son pilote. Éclatant d'un rire tonitruant, Kacem vint frapper le dos de Ray, déclarant qu'en effet, personne ne pouvait même espérer passer pour lui dans cette cité. Le colonel s'inclina devant son supérieur, jetant un œil en biais au corsaire qui semblait parfaitement à l'aise avec la situation. Il se retrouvait finalement réellement impliqué dans cette histoire, il allait devoir la jouer fine.

Un sifflement strident échappa des lèvres du général Kacem lorsqu'il comprit que des soins médicaux étaient nécessaires pour deux des personnes présentes dans la pièce et la chambre fut rapidement colonisée par des médecins militaires qui prirent en charge Dalmas et s'occupèrent d'Anaclet en un instant, surprenant de nouveau Ray qui se redressa pour laisser les choses se faire, tentant de garder un visage neutre tandis qu'il réfléchissait aux circonstances atténuantes en sa faveur : il n'avait techniquement fait que sauver Dalmas, sa présence auprès d'Anaclet pouvait également passer pour un simple check-up de sa part.

Le gouverneur s'était installé dans un fauteuil lorsqu'Anaclet, ayant enfin repris un peu ses couleurs, vint s'incliner devant lui avec déférence. Une longue discussion entre les deux débuta et toutes les personnes présentes firent la sourde oreille, car le gouverneur n'était apparemment pas en train de recevoir des compliments.

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