Je me réveillais enfin avec une certitude. J'avais besoin de savoir, d'avoir mes souvenirs. Bulle me l'avait proposé, jusqu'alors je ne savais pas si j'en avais vraiment envie. Il y avait quelque chose d'illicite à connaitre cette part trop bien effacée de ma mémoire. Je regardais longuement le plafond de la chambre. J'allais le faire aujourd'hui. Oui, c'était un bon jour pour parcourir mon passé.
Dalmas passa un bras autour de mon torse en grommelant un son étouffé ressemblant vaguement à une plainte concernant ma température corporelle. Je regardais ma main. J'étais d'un bleu légèrement brillant. Les dessins parcourant ma peau étaient légèrement plus clairs que le reste de mon épiderme. Je regardais attentivement la jointure de mes doigts. J'avais une petite préférence pour mon index depuis petit. Les dessins qui le parcouraient étaient plus réguliers. Des cercles concentriques se répétaient à partir de ma deuxième phalange. Elle pulsait légèrement. Comme si mon corps savait ce que je m'apprêtais à faire et que cette perspective l'excitait. Un sourire m'échappa et je sentis les lèvres de Dalmas dans mon cou.
« — Any est parti il y a une heure. J'ai envie de faire l'amour, tu m'aides ? »
Je rigolais franchement cette fois, passant mon bras autour de mon aventureux petit amant qui tentait visiblement de nouveau une approche franche. J'aurais pensé que la veille lui avait suffi si je n'avais pas déjà senti son sexe contre ma cuisse en me réveillant. Son appétit vorace n'avait-il pas de fin ? Était-ce le seul type d'interaction qu'il ne contrôlait absolument pas ? J'avais vraiment l'impression d'être presque trop sage à ses yeux.
« — Tu veux quoi, précisément ? »
Évidemment, il se redressa et me regarda dans les yeux avec une lueur d'espoir qui aurait fait flancher le plus rigide des saints. Et je n'étais pas un saint. J'étais seulement rigide.
Il me chevaucha longuement. Puis il eut faim. Alors nous descendîmes dans la salle commune pour qu'il puisse se sustenter. Je profitais de cette accalmie pour lui parler de ce que je prévoyais de faire de ma journée.
« — Tu es sûr de toi ? Ça ressemble salement à une volonté de ton esprit d'occulter tout ça...
— Je ne peux pas être sûr que ce n'est pas un élément extérieur qui a agi sur moi. J'ai besoin de savoir. »
Il me regardait avec attention, finissant son bol de gruau. Son inquiétude me touchait. Je ne savais pas comment l'exprimer. Il était terriblement protecteur en cet instant, je le sentais si clairement dans son regard qu'un frisson me traversa.
« — C'est ton choix. On sera là quand tu sortiras. »
Je hochais la tête. Il m'embrassa encore une fois, un peu brutalement avant de me laisser aller dans la cave rejoindre Bulle. Sa façon d'être détendu lorsque je l'assurais de ma volonté me donnait la sensation d'avoir pris une décision irrévocable. C'était presque trop solennel. Je passais une main dans ses cheveux avant de partir, lui volant une perle qu'Anaclet avait placée là.
Bulle me donna l'impression que j'étais un véritable livre ouvert. La façon dont il m'accueillit dans le cockpit était presque victorieuse, j'en aurais ri si je n'étais pas inquiet au fond. Il ne me fit aucune remarque, il avait juste cet air de « je te l'avais bien dit » qui me donnait envie de lui mettre des pichenettes ou bien de le balancer de la plateforme.
« — Je pense que ça va nous prendre quelques heures.
— Ça ira, j'ai prévenu Dalmas, il dira aux autres de ne pas s'inquiéter. »
Que sont deux heures dans une vie de Haug ? Je m'installais dans le fauteuil du copilote et tournais pour lui faire face alors qu'il tendait ses mains pour que je pose les miennes dessus. Mes doigts pulsèrent un instant, mais rien de beaucoup plus impressionnant que ce que j'avais déjà observé depuis le matin. Je fermais les yeux.
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Surplombe
FantasíaDans un monde qui se résume à une ville flottant au dessus de flots calmes d'un lac immense, qui est le plus libre ? Ce soldat qui flotte dans les cieux à la lisière du soleil ? Cet être étrange qui nettoie la ville d'on ne sait quoi ? Ce corsaire à...