[Le fil du Destin] Tome 3 {Terminé}

IX

' - If someone told you to die, will you do that ?
- I think if you know why you die, there are times when you simply must' Annie Leonhart, Armin Arlet.

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- Tu sais Levi, je ne t'en veux pas vraiment de vouloir tenir ta promesse envers Erwin c'est juste que... Je m'inquiète...

Je parlais de manière la plus douce que je le pouvais. Il affichait un air plutôt surpris, ses jambes entrecroisées se serraient légèrement, ses bras se crispaient sur son torse. Nous étions assis sur le vieux canapé de l'ancienne chambre d'Hanji. Levi se cachait ici, pendant que son double prenait sa place dans les rangs du bataillon. Ils inverseraient les rôles lorsque nous partirons à la reconquête du mur Maria. Son sosie n'étant pas encore correctement formé pour devenir l'homme le plus fort de l'humanité. Je n'avais même pas remarqué leur stratagème. Encore une idée sougrenue de la binoclarde.

Levi soupira légèrement.

- Je pensais que t'allais me gifler.

'C'est pas l'envie qui m'en manque' pensais-je alors que je courbais l'échine, les mains sur mon front. Je savais pertinement le pourquoi du comment il tenait tant à tenir cette promesse. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Il restait un Ackerman après tout. Mon cœur se serrait.

- Je vais être sincère avec toi, Levi.

Mon regard pesant sur lui le forçait à encrer ses belles prunelles grises dans les miennes.

- Je sais qu'Erwin comptait beaucoup pour toi. Ce qui me fait le plus mal au cœur est de savoir que je ne compte pas autant que lui à tes yeux. Je sais très bien que si je venais à mourir, je n'hanterai pas tes pensées comme lui les hante chaque minutes de ta vie.

Je sentais des larmes perler aux coins de mes yeux. Cette vérité me fendait l'âme. Je devais y faire face, malgré toute la douleur qu'elle me faisait ressentir. Parce qu'elle était indubitable. Je n'étais pas jalouse du Major, loin de là. Je comprenais que chaque personne connaissait le grand amour. Et je voulais croire être celui de Levi. De tout mon être. Je voulais croire qu'un miracle s'était produit le jour où il m'avait dit vouloir rester à mes côtés. Mais son cœur ne m'appartenait pas entièrement. L'ombre d'Erwin régnait encore en lui et je le comprenais.

Son air s'assombrissait au fil des secondes interminables qui passaient entre nous. Ses sourcils se fronçaient, son regard était des plus perçants et blessés.

- Tu crois que ce que je ressens pour toi c'est bidon, Eren ?

Je soupirais à mon tour.

- J'ai pas dis ça. Je te donne juste ma vision des choses. Ça me blesse d'être en seconde position dans ton cœur et ta tête, mais je vais devoir faire avec. Et c'est sans doutes bien comme ça...

- Eren... Tu sais que j'ne suis pas du genre loquace quand on parle d'amour. Mais je peux au moins te dire la raison de tout ça.

J'étais toute ouïe. Ils étaient rares les moments où il s'ouvrait à moi, à cœur ouvert.

- Je veux juste en finir avec toute cette merde. On tue le bestial, on reprend le mur Maria, on rentre chez nous. Eren, je vais être franc. J'ai toujours eu cette putain d'impression d'être déchiré entre deux mondes. Le tiens, où je peux vivre paisiblement à tes côtés, et le mien, où je dois être présent pour l'humanité, pour la survie de mes subordonnés. Je déteste être égoïste et laisser crever ceux qui comptent sur moi pour ma propre satisfaction d'être avec toi. Il y a un moment pour tout. Chaque chose en son temps, comme tu me l'as souvent dit. D'abord je m'assure que mes subordonnés sont un minimum en sécurité sans moi, et ensuite je m'occupe de notre bonheur. Je t'aime, Eren. C'est une évidence. Mais j'ai une mission à accomplir avant de pouvoir te prouver tout mon amour. Je dois agir en adulte responsable, pour une fois. Et Erwin n'a plus d'importance quand il s'agit de ce qu'on ressent l'un pour l'autre, Eren.

Les larmes coulaient abondamment le long de mes joues rougies par cette déclaration. Mais je m'en foutais. Je me concentrais surtout sur cette expression de douleur et d'amour sur le visage de celui qui était le seul et unique homme dans mon cœur. Non seulement Erwin le hantait, mais tous ses camarades morts et en danger de mort aussi. Il a toujours eu ce sens des responsabilités, et aimait prendre soin de tout le monde. Le moment de prendre soin de lui n'était pas encore venu, à mon plus grand désespoir. Après tout, il avait donné son cœur au combat non ? Je devais juste l'accepter et croire en ses paroles. Il n'était pas un menteur. Et il prenait ses décisions de manière à ne pas avoir de regrets.

- Même si tu dois mourir pendant la bataille ?

J'avais la nausée. La réalité venait de fouetter mon âme comme on fouetterait un vulgaire futon.
Levi se contenta d'hocher la tête. Ses mains prirent les miennes qu'elles déposèrent et serrèrent sur ses genoux.

- Même si tout ce que tu vas faire seras peut-être un échec ?

- L'échec c'est le quotidien du bataillon d'exploration non ?

Un maigre sourire étirait ses fines lèvres, suivit par le mien en retour. Un sourire triste et compatissant.

- Même si tu dois risquer de me perdre pour toujours ?

- Rien ne t'empêche de retourner dans ton monde et venir me rechercher plus tard, comme tu l'a déjà fais.

Mon sourire disparu rapidement.

- Je ne peux pas faire autant d'aller-retour que je voudrais. Levi, tu ne l'as sans doute pas remarqué mais chaque voyage épuise mon corps. Je vieillis de quelques années à chaque trajet. Je saigne du nez lorsque je me réveille, je perds du poids, mon mal de tête est encore plus violent et douloureux après chaque arrivée dans un monde. Hanji pense que je risque de mourir si j'en fais plus que nécessaire. Faire voyager d'autres personnes avec moi me rapproche un peu plus de la faucheuse. Je ne peux pas rendre tous les sacrifices fais, inutiles. Et je ne peux pas non plus te laisser mourir sans même essayer de te sauver, tu comprends ?

Il déposa un tendre baiser sur une de mes mains qu'il avait emmené jusqu'à sa bouche. Il n'avait pas une seule fois détourné le regard du mien. Il devait y déchiffrer toutes mes douleurs, craintes, angoisses et autres émotions qui me traversaient depuis notre arrivée entre les murs.

'Si tu penses savoir pourquoi tu dois mourir, alors il y a des moments où tu dois simplement le faire'

- Si tu es prêt à mourir pour la liberté, alors je le suis aussi. Je t'aime suffisamment pour me sacrifier et t'offrir cette liberté que tu désire depuis tant d'années.

- Eren...

Son souffle se mélangeait au mien. Nos nez se frôlaient. Sa chaleur corporelle envahissait la mienne autant que son odeur enivrante.

- Je ne veux pas que tu meurs et que tu laisse ta sœur et ton frère derrière toi mais... Tu es têtue et bornée. Je ne pourrais pas te faire changer d'avis si t'es décidée à offrir ton cœur à l'humanité.

Je rapprochais mon corps du sien instinctivement. Je retrouvais le Levi que j'admirais depuis longtemps. Attentif, soigneux, aimant, responsable, humain. Je l'aimais au point de mourir pour lui. Peut être avais-je du sang d'Ackerman dans les veines. Ou j'étais juste simplement fou amoureux de lui. Dans tous les cas, je m'étais fait une raison de mourir pour une cause que je pensais noble et justifiée.

- C'est à toi que j'offre mon cœur, Levi.

Ses lèvres chaudes vinrent recontrer les miennes, doucement, tendrement. Je fermais les yeux pour apprécier un maximum cette sensation éphémère. Ce contact était agréable, chaleureux. Mais tellement triste. Il se retira lentement, ses mains autour de mes hanches, il me colla contre lui. Il scrutait chaque parcelle de mon visage, de mon corps. Il les mémorisait comme s'il s'agissait de la première et dernière fois qu'il les voyait.

- Je te fais membre officiel de ma nouvelle escouade spéciale, Ren.