[Le fil du Destin] Tome 3 {Terminé}

XVI

'I would rather bury these memories deeply,
Or even to be snatched from me.
My voice that won't reach you
Always squeezes my heart' Kizuato, Given.

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J'ouvrais les yeux lentement. Tout cet amat de lumière allait me donner mal à la tête, tout comme ma gueule de bois. Je n'avais aucune envie de me lever, ni de me rendormir. De toute façon, le bras lourd de Levi autour de ma taille m'en empêchait.

- Plus jamais je laisse l'autre binoclarde remplir nos verres pendant qu'on a le dos tourné...

Levi grommelait en se collant un peu plus contre mon dos, son nez niché dans mes cheveux en bataille. En effet, je ne savais par quel miracle nous avions réussis à retourner dans sa chambre en un seul morceau avec autant d'alcool dans le sang. Je laissais échapper un léger rire.

- Heureusement que je ne devais pas prendre la voiture pour rentrer, je n'aurais plus de permis de conduire.

- Te connaissant, t'aurais même pas retrouvé tes clés - se moquait-il en embrassant le dessus de mon crâne endoloris.

Je soupirais, totalement en accord avec ses dires. J'avais hâte de retourner dans notre maison et de pouvoir retrouver cette sensation de liberté en conduisant ma voiture. J'adorais monter à cheval, mais ce n'était pas mon univers, et moins pratique pour faire des courses. Je posais ma main sur la sienne qui était sur mon ventre.

- Tu sais que t'auras le droit à la médaille du mérite toi aussi ?

Je fermais les yeux.

- Pourtant j'en vois pas l'intérêt. J'ai pas réussi à tuer le bestial, je ne mérite pas cette médaille - rétorquais-je en me remémorant la scène contre cette enflure.

- Eren... C'est pas de ta faute.

- A cause de moi, ils sont tous morts, Levi. Ça fait beaucoup de poids à porter sur mes épaules alors que je n'étais même pas censé être dans ton monde.... J'ai pris la mauvais décision...

Ma gorge se serrait, j'avais du mal à contenir mes larmes. Son emprise sur moi s'accentuait, il caressait la paume de ma main.

- Personne ne sait ce qui est juste, Eren. Tout ce que tu peux faire, c'est de ne pas regretter tes choix. Tu le sais aussi bien que moi. Laisse tout ça de côté, on en reparlera quand on sera rentré chez nous. C'est l'heure de se préparer pour la réunion.

Il avait raison. Ce n'était pas le moment de me ronger les os pour tous les sacrifices fais pour sauver l'humanité. Nous avions le temps d'en reparler à tête reposée, sans gueule de bois, dans mon canapé.

D'un geste nonchalant, j'enfilais mon pentalon en jean blanc, une chemise blanche délavée, mes bottes en cuir et le long manteau verdâtre du bataillon. Levi en fit de même, sans manquer de me reluquer. Comme s'il n'avait pas eu le temps de le faire après être rentrés de la beuverie. Il s'était fait un mal à plaisir de profiter de mon corps complètement saoul et d'assouvir toutes ses envies masculines jusqu'au levé du soleil.

'Obsédé' pensais-je en le fusillant du regard.

Je me coiffais rapidement devant le petit miroir de sa vieille commode en chêne. Mes cernes étaient marquées par le manque de sommeil. Mon poitrail me faisait souffrir intensément, ça rendait mon teint blanchâtre et fatigué. Mais j'essayais de ne rien laisser passer, je ne voulais pas l'inquiéter plus que je ne le faisais déjà.

Le trajet en carrosse jusqu'au palais de justice s'était fait en silence. Eren affichait son air terriblement morose et sérieux. Il évitait de croiser mon regard. C'était louche et perturbant. Je devais avoir une discussion avec lui. Seul à seul.

Historia m'avait accueillie dans ses bras chaleureux alors que nous nous étions jamais encore rencontré en personne. Elle était de quelques centimètres plus petite que moi, ses cheveux blonds soyeux sentaient bons les fleurs de printemps et ses yeux étaient divinement magnifiques. Elle avait un petit sourire charmeur. Je comprenait pourquoi les hommes et Ymir l'a surnommaient "la déesse". Et dire qu'une si petite et douce adolescente était la véritable reine de ces murs et avait trouvé le courage de frapper mon terrifiant Caporal. Elle avait tout mon respect. Je lui fis un bise main en gage de politesse, un sourire en retour de son aimable accueil.

- C'est un plaisir de faire enfin la rencontre avec la protégée du Caporal-Chef Levi !

'Ymir, t'aurais dû l'épouser cette fille'

Elle salua tendrement Eren et Levi, plus poliment ses autres ami(e)s. Le juge Daris Zackley vint nous rejoindre directement dans la petite salle de réunion du tribunal quelques instants après nos salutations et remerciements mutuels.

Hanji, désignée comme commandant du bataillon d'exploration depuis la disparition et sans doutes mort d'Erwin Smith, déblatérait sur les trois livres qu'ils avaient découvert dans la cave de la famille Jeager. Je n'écoutais que d'une oreille. Assise entre Armin et Eren, j'étais perturbé par la mine stricte et déconcentrée de ce dernier. Il n'écoutait pas, lui non plus. Ses épais sourcils bruns se fronçaient, sa lèvre inférieure pincée par ses dents supérieures et ses yeux étaient dans le vague. Il était perdu dans des pensées qui m'avaient l'air plus que révélatrices. Mikasa, aux côtés d'Eren, capta mon regard insistant sur son idole. Il se leva brusquement de sa chaise, les mains frappant violemment contre la grande table, et se mit à crier une phrase dénuée de sens. Tous les regards se tournèrent vers lui, choqués et surpris de son intervention sougrenue. Il parut gêné, s'excusa et se remis à sa place. Hanji plaida sa cause par des soi-disant pulsions d'adolescent voulant se faire remarquer. Je n'y croyais pas un mot. Eren venait de comprendre quelque chose d'important.

A la fin de la réunion, j'entraînais discrètement le jeune homme dans un recoin des interminables couloirs ouverts sur des jardins fabuleux, pleins d'eau, d'herbe et de soleil. Le brun ne broncha pas d'un poil de cul, sans afficher d'air étonné de mon geste soudain.

- Y a un truc que tu me cache et que t'a peur de me dire. Je le sais. Je le sens. Dis moi ce que c'est ou je te broie les couilles.

Je ne savais pas si le menacer était un bon moyen pour lui faire cracher le morceau mais le voir éviter mon regard me faisait perdre patience. Il inspira profondément et encra ses yeux dans les miens.

- Tu sais quand t'as dis que tu devais emmener le Levi Ackermann de ton monde dans le notre pour remplacer le Caporal ? T'as aussi dis que si tu ne le faisais pas, il y aurait un choc spatio-temporel, pas vrai ?

J'hochais la tête. Mon front devenait douloureux. Je n'avais aucune idée où il voulait en venir.

- Tu ne t'es jamais dis, en nous regardant tous les deux, qu'on était les mêmes personnes de deux mondes pas si différent que ça finalement ?

Sa voix avait mûrie. Et sa façon de parler aussi. Que s'était-il passé dans cette cave ?

- Oui j'y ai pensé. Si le Caporal et le Levi de mon monde sont les mêmes personnes, alors nous aussi, c'est évident. Où tu veux en venir, Eren ?

Mon cœur s'emballait de curiosité. Je sentais au plus profond de mon âme qu'il allait me cracher une vérité aberrante à la gueule, qui apporterait les réponses que j'attendais depuis deux longues années de galère. Il posa doucement sa main sur mon épaule. J'eus une sorte d'électrochoc traversant mon échine. Quelque chose en moi, un éclair vif intérieur et invisible, un pouvoir, une sensation étrange parcourait mes veines par ce contact.

- Si on est pareil, que les Levi aussi. Dans deux mondes que tu décris comme n'étant pas si différents en termes de cruauté. Moi, dans celui là avec une technologie plutôt dépassée, toi dans l'autre, dans le futur. Tu t'es pas dis que tu voyageais dans le temps et qu'on était liés depuis le début ?