XIII

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'Une promesse est une promesse, peu importe à qui tu l'as faite.' Amu Hinamori.

Je pleurais toutes les larmes de mon corps meurtri. Je voulais me réveiller de ce cauchemar. Je ne voulais pas croire que cet enfer était réel. Qu'ils étaient tous morts. Je vomissais pour la troisième fois en voyant le cadavre de mon pauvre Marlowe, décapité. Mikasa avait raison. Ce monde était cruel.

'Quelle vie de merde...'

Au loin, la silhouette du titan colossal apparu au dessus du mur, son énorme corps faisait ombre sur les bâtisses sur le point de s'écrouler. Il fût vite rejoint et sauvé par le poilu sur son titan-chariot. Un rapide coup d'œil en ma direction, alors que je déambulais et traînais la patte sur le sol rougis par le liquide vital de mes camarades, et ils disparurent loin de cet enfer.

- Attends...

Mes lèvres tremblaient, j'eus peine à les ouvrir pour laisser passer ma voix déchirée par la tristesse.

- Pars pas...

Il ne pouvait pas fuir comme ça. Comme un lâche. Je n'en avais pas fini avec lui. Je n'avais pas encore terminé la mission. Je lui avais pourtant promis d'atteindre notre but commun.

- Je lui ai promis !!!

Hurlais-je à m'en faire crisser les cordes vocales. Je tombais à genoux, à bout de forces, mes faibles bras féminins retenant le poids du haut de mon corps blessé. Mes larmes ne voulaient pas s'arrêter de couler et de se mélanger au sang dégoulinant de mes joues gravement éraflées. J'avais pourtant promis à Levi. Je lui avais promis que je lui donnerai l'occasion de le buter. C'était mon but. Par ma faute, il n'allait pas pouvoir tenir sa promesse envers Erwin. Tout était un échec. J'étais un échec.

- Ereeeeen !!!!

Une voix grave et suave venait de raviver mon ouïe.

- L... Levi...

Je relevais la tête pour y trouver des pupilles d'un acier pur et perçant. Lui aussi à genoux devant mon corps dénué de force, je m'écroulais contre son torse. J'avais mal. Aux côtes, aux joues, aux bras, aux jambes, au cœur. Partout. Chaque petite parcelle de ma chair et de mon être me faisait affreusement souffrir. Mais la chaleur de la peau sous la chemise tachée de mon caporal étouffait ma peine. J'enfouissais mon nez contre lui, j'espérais y trouver tout le réconfort dont j'avais besoin. En vain. L'ombre de ce meurtre allait me hanter à vie. Leur mort allait peser sur mes épaules à vie.

- Dis-moi que tu vas bien, Eren !

Sa voix était torturée par l'inquiétude. Il me serrait fort contre lui, sa tête dans le creux de mon cou. Il m'enveloppais de tout son amour, à la limite d'empêcher ma respiration. Je n'avais pas la force de le serrer contre moi, à mon tour, pour le rassurer, lui prouver que j'allais bien, que j'étais en vie, physiquement.

- Levi ! Le titan bestial et Reiner se sont fais la malle ! C'est le moment de récupérer les survivants et de battre en retraite !

Hanji parlait beaucoup trop fort à mon goût. Mon cœur se déchirait en mille morceaux.

- Il... Il n'y a... Je suis le seul survivant...

J'arrivais à peine à aligner quelques mots tellement ma tristesse était puissante. Je ne dénia même pas regarder l'air horrifié de la binoclarde qui peinait à me répondre, elle aussi, devant toute cette horreur.

Dans un long soupir entendu, Levi me porta jusqu'au pied du mur. Pas de survivants là non plus. Les chevaux, disparus. Le trou intérieur du mur, rebouché par la structure de glace délirante du titan d'Eren. Une dernière larme parcouru ma joue rosé par l'émotion. Une larme de soulagement. Nous avions finalement récupéré le mur Maria et le district de Shinganshina. Le vent balaya mes cheveux devenus gras sous la transpiration et le sang.

- J-Je suis désolé, Levi... Je n'ai pas réussi à le... tuer...

Je fermais les yeux. Ses lèvres douces et froides se déposèrent sur mon front et me procurèreng une sensation de bien être. Il s'élança dans les airs, contre le mur, nos deux poids tenus par de simples câbles en acier. Je finis par m'endormir sous ce sentiment de sécurité et de liberté.

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Le crépuscule réchauffait mon visage en plein éveil. Je battais lentement des cils pour éclaircir ma vision. J'y voyais trouble, ma tête me faisait mal, mais je pouvais discerner les silhouettes de trois personnes. J'avais des difficultés à me redresser. Mes côtes me faisaient atrocement souffrir. Des bandes immaculées de rouge recouvraient l'entièreté de mon torse et de mes seins, jusqu'à mon épaule droite. Seule une veste du bataillon était posée sur mes épaules. La douce lumière du soleil couchant suffisait à garder ma chaleur corporelle à une température normale. Je me recroquevillais légèrement lorsque la brise s'engouffra dans le col de la veste. Je frissonnais. Un regard intense me dévisageait, non loin de moi, sur le haut du mur reconquis.

- Ah ! Ren est réveillée Levi ! Fit la brunette en me faisant un gentil signe de la main.

Elle ne portait plus ses lunettes, un bandage couvrait son oeil gauche. Un autre retenait son bras. Le noiraud s'approchait de moi, toujours muni de son air blasé et indéchiffrable. À ma droite, Sasha, allongée paisiblement, à ma gauche, Armin, dont le sommeil profond montrait un rêve, pas des plus paisibles au vu de ses sourcils froncés. Et derrière nous, Eren, Mikasa, Jean et Connie. Floch restait derrière Hanji, la tête baissée, évitant mon regard fatigué.

- Comment tu te sens ? - souffla Levi, accroupi.

- Pas trop mal.

- Alors ça va.

Il était froid dans sa voix, mais ses yeux trahissaient son inquiétude.

- On a placé les corps dans les maisons, en attendant qu'on puisse les récupérer. Et on vient juste de revenir de la cave d'Eren.

- Je vois... Et vous avez trouvé un truc intéressant là bas ? Lui lançais-je en grognant contre ma douleur au ventre.

- Plutôt oui. On en parlera quand on sera en face d'Historia et l'autre taré de Zackley. Tu te sens en état de marcher ?

Je pris sa main tendue instinctivement et me levais doucement. Ma tête tournait mais je tenais bon. Je lui affichais un maigre sourire narquois.

- Je te dirais bien que je ne peux pas me lever pour que tu me portes comme une princesse mais bon...

Ma remarque le fit soupirer tendrement. Il embrassa mon front, puis ma joue, mon menton et s'arrêta à quelques millimètres de mes lèvres gercées. Nos mains entrelacées, nos torses collés, nos souffles chauds se mélangeaient. Je comblais le vide entre nos lèvres et entammais un doux baiser. Mon dieu qu'elles m'avaient manquées. Mais c'était trop bon pour durer. La brise du soir vint sécher le filet de salive entre nos bouches avides de contacts.

- Rentrons à la maison, Eren.

[Le fil du Destin] Tome 3 {Terminé} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant