Les Jeux de l'Expiation [Hunger Games]

Chapitre 7. Le plan

Les efforts de Salvina et des stylistes pour réchauffer l'atmosphère pendant le dernier repas qu'ils partagent dans le Centre d'Entrainement s'avèrent rapidement vain. Darren n'est pas loquace et se contente de fixer tour-à-tour les quatre gosses qui l'entourent, comme s'il est face à un dilemme cornélien. Les quatre tributs, quant à eux, n'ont tout bonnement pas le cœur à converser avec les adultes. Le lendemain, ils seront conduits jusqu'à l'arène, puis abandonné à leur destin. Haymitch remarque que Flavie se retient de pleurer et que Maysilee plonge ses couverts dans son assiette sans appétit. L'effervescence de ces derniers jours les a définitivement quittés, les laissant seuls et confrontés à leur avenir funeste.

Haymitch, pour sa part, tente de réfléchir de façon plus pragmatique. Il ne lui reste plus beaucoup de temps avant le début des Jeux et il ne va probablement pas céder aussi facilement au sommeil cette nuit. Il lui faut donc optimiser le temps restant pour élaborer une stratégie. Pas forcément un plan détaillé, bien ficelé de A à Z. Juste une directive, quelque chose qui lui permettra dès les premiers secondes des Jeux de ne pas rester figé, de ne pas hésiter. Ensuite, il laissera les choses venir.

A la fin du repas, Salvina leur explique que d'ordinaire, ce sont les stylistes qui accompagnent les tributs jusqu'à leur chambre de lancement mais, cette année, le nombre de stylistes n'ayant pas été doublé, ils seront conduits par de parfaits inconnus, afin de n'avantager aucun d'entre eux. Le temps des adieux est donc arrivé et les fausses larmes de Salvina n'émeuvent pas Haymitch, qui se contente d'accepter son embrassade sans sourciller. Par politesse, il remercie vaguement Marilius pour son travail, bien qu'il ne garde pas de souvenirs spécialement agréable de sa rencontre avec ledit homme. Enfin, vient le tour de Darren. L'homme le prend dans ses bras et Haymitch, qui n'est pas habitué à recevoir de tels gestes d'affection, se raidit. Le mentor ne lui dit rien, probablement parce qu'ils se sont déjà tout dit, parce qu'Haymitch sait déjà tout ce qu'il y a à savoir. Il se contente, juste avant de le quitter, de frapper le haut de sa tempe avec son index, lui glissant ainsi un dernier conseil, tacite.

« Utilise ta tête. »

Comme prévu, la nuit est longue mais le sommeil fuit Haymitch. Impossible pour lui de ne penser à autre chose qu'à ce qui l'attend le lendemain. Comment peut-il en être autrement ?

Tout d'abord, ses pensées se dirigent naturellement vers sa famille et Julia, ainsi que toutes les connaissances plus ou moins précieuses qu'il a laissées au District Douze. Aura-t-il la chance de les revoir, un jour ? Il en doute mais ne peut s'empêcher de s'accrocher à l'infime espoir de remporter les Jeux. Darren lui a fait comprendre qu'il a ses chances, mais il n'est pas le seul. Maysilee est sans aucun doute une adversaire redoutable et sera-t-il en mesure de la tuer le temps venu ? Probablement. En tout cas, il ne pense pas hésiter. Chaque goutte de sang qu'il devra faire couler sera pour un but unique : entendre de nouveau les piaillements de son frère, partager des moments complices avec sa mère et se loger dans les bras doux de Julia. Oh, Julia ! Qu'il donnerait tout pour être avec elle en cet instant ! Que fait-elle d'ailleurs ? Ne peut-elle pas se résoudre à fermer l'œil, elle non plus ? Qu'a-t-elle pensé de ses apparitions à l'écran ? A-t-elle pleuré ou a-t-elle eu le courage de taire sa douleur ? Qu'adviendra-t-il d'elle et de sa famille, s'il vient à mourir ? Remontront-ils la pente ? Parviendront-ils à reconstruire leur vie, comme bien d'autres familles endeuillées avant eux ? L'idée que sa vie se termine d'ici quelques jours met Haymitch dans une telle détresse pendant quelques minutes qu'il se lève d'un bond et commence à faire les cent pas dans sa chambre.

Il se concentre sur l'aspect stratégique des Jeux et en oublie ainsi le reste. Il lui faut trouver un plan d'action, n'importe quoi qui lui serve de ligne de mire pour les premières heures qu'il passera dans l'arène. Déjà que faire, lorsque le gong annoncera le début de l'affrontement ? Fuir ? Tenter sa chance à la Corne d'Abondance ? S'il réussit à récupérer ne serait-ce qu'un sac ou une arme, il serait grandement avantagé pour la suite. Mais chaque année, c'est un véritable bain de sang autour du bâtiment. Au moins une dizaine de candidats perd la vie en essayant de ramasser un faible bien du Capitole. Cela en vaut-il vraiment la peine ? Fait-il le poids face aux autres candidats ? Face aux carrières qui se rueront sur les munitions dès que le signal sera lancé ? Il est rapide. Plus léger que la plupart des tributs de carrière. Oui, il peut les distancer. Le moment venu, il ne lui faudrait pas hésiter une seule seconde. Une fraction à peine lui serait fatale.