Crimson Soul

28) Incandescence

Blaize se réveilla lentement. Elle était allongée par terre, mais elle mit un temps à le comprendre. La terre était douce et cotonneuse, on aurait dit un matelas de luxe, et elle se sentait légère, comme si la gravité était affaiblie. Elle regarda autour d'elle en plissant ses yeux fatigués, et perçut de sa vision floue qu'elle se trouvait au centre d'une large salle octogonale noyée de lumière féerique. Le sol arborait une magnifique mosaïque de couleurs pastels, caressé par des rideaux satins semblables aux voiles des mariées. Sept grandes fenêtres à croisillons blancs touchaient presque le plafond de leurs sommets arrondis. En face d'elle, une magnifique porte décorée d'or et de diamants était entre-ouverte, traçait au sol une raie de lumière plus intense que la clarté captivante que donnaient les fenêtres. La félinienne monta les yeux au ciel, le dôme était peint d'une fresque représentant sept femmes qui vénéraient une huitième. Cette dernière était entourée d'une sorte d'auréole lumineuse. La scène lui était familière, mais elle ne saurait dire d'où. Tandis que ses cheveux se balançaient paisiblement au contact d'une brise agréable, elle se redressa.

Où suis-je ? pensa-t-elle, émerveillée. Cet endroit est...

Ses pensées furent interrompues par ses observations ; elle reconnut l'une des figures de la fresque : Taimyna, la Grâce protectrice de son espèce, était l'une des sept qui était en pleine prière. Était-ce un temple de Grâces ? Il y avait un temple au milieu de la montagne ? Elle n'avait aucun souvenir de ce qui s'était passé une fois qu'elle avait poussé la porte ouverte par les écailles-clés... Combien de temps avait-elle dormi ? Elle prit appui sur ses genoux et se leva, engourdie. La lumière autour était si douce, elle serait volontiers restée pelotée sur le sol duveteux. Soudain, elle se rendit compte que ce qu'elle tenait pour évidence était impossible :

Les fenêtres m'entourent, et toutes reçoivent de la lumière... Je ne peux pas être à l'intérieur du Mont Élémentaria... 

Elle se pressa pour regarder dehors. Il n'y avait rien, que du bleu qui devenait lentement blanc plus on approchait le regard de l'horizon, comme si un artiste avait préparé un canevas pour peindre un paysage, puis avait abandonné avant de commencer le sol.

- Impressionnant, n'est-ce pas ? résonna une petite voix derrière elle.

Elle fit volte-face. Une petite fille se tenait devant elle. Sa peau hâlée était sale, ses courts cheveux bruns étaient graisseux et décoiffés, et ses yeux avaient l'air de fixer quelque chose au loin derrière l'épaule de la félinienne. Dans n'importe quel autre situation, Blaize ne l'aurait pas regardée deux fois, mais dans ce lieu où tout était immaculé, elle attirait toute son attention. Ses bottes faites du même cuir souple que son habit étaient abîmées et les semelles s'en détachaient aux bords. Elle avait l'air sauvage, cette image appuyée par le fait que ses joues étaient marquées par des tatouages tribaux. Abasourdie, Blaize ne fit rien. La petite ouvrit la bouche pour reprendre de cette voix résonnante qui émanait de l'air même autour d'elle :

- J'aime bien regarder dehors... Parfois il y a des nuages qui passent, ils prennent des formes pour que je devine ce qu'ils imitent...

- Qui... Qui es-tu ? Où sommes-nous ? la questionna Blaize, fascinée par la jeune fille.

- Nous sommes en prison, et je suis la prisonnière, répliqua l'enfant sans changer d'expression. Cela fait longtemps que je n'ai pas vu quelqu'un de nouveau. Ravie d'enfin te rencontrer, Blaize.

- Comment connaissez-vous mon nom ? s'étonna la félinienne, soudain méfiante de l'autre. Comment suis-je arrivée ici ?

- L'Oracle t'y a menée sans doute, vous avez déverrouillé la porte ensemble avec les écailles de mes enfants, dit-elle calmement, Blaize ouvrit la bouche pour continuer son interrogatoire de plus en plus perplexe, mais la fille l'arrêta : Ne gaspille pas tes mots, suis-moi plutôt, je t'expliquerai tout.