Chapitre 3: Le poulailler

1.2K 103 7
                                    

La voilà qui arrivait dans la grande cour qui menait à la salle du trône. Lyz vu des conseillers sortir de la salle, le visage pensif et semblant remettre en question la dernière réunion. Ces vieux n'étaient là que pour sortir des inepties à son père. Sihk était le seul en qui elle avait un minimum de confiance. Tous les autres étaient corrompus jusqu'à l'os, pourris comme un fruit à terre, ne cherchant qu'à s'enrichir et à tomber dans les bonnes grâces de l'empereur.

Lyz repensa à l'homme qu'elle venait de rencontrer. Il était l'un de ses prétendants si le terme « prétendant » n'était pas trop dire. Ses habits étaient les mêmes que ceux du peuple. Un habit simple et sans couleur qui dénote de l'ordinaire. Était-il pauvre ?

Il avait pourtant fait son nœud de ceinture parfaitement.

Lyz passa ses mains dans son dos, le long de sa ceinture de soie pour sentir la boucle qui lui serrait fermement la taille. Le pli doux, mais fort, passait sous la première boucle et revenait dans un cercle parfait pour disparaître dans la continuité de la ceinture. L'habit n'était pas inconfortable, mais néanmoins, la maîtrise de cette boucle permettait de grands mouvements sans risquer qu'elle ne se détache ni ne blesse celui qui la porte. Lyz se fit la remarque, le nœud avait été fait de la même manière que la Reine faisait quand elle était petite. La princesse avait fini par l'apprendre, et depuis elle s'habillait seule sauf pour les cérémonies, tout comme sa mère avant elle.

Sans y penser, elle se dirigeait vers les jardins, la tête remplis de penser vers cet étranger au don si particulier. Le soleil commençait seulement à décliner et elle aperçut du mouvement vers la maison ouverte qui donnait sur un magnifique parterre de fleurs.

—Oh, je vous en supplie ! Dites-nous en plus ! Pleurnichait une voix aiguë et nasillarde non loin de là.

—Racontez-nous comment vous avez battu ce barbare ! L'avez-vous vraiment tué de vos mains ? Enchainait une autre voix féminine, prête à s'égosiller de joie.

Près d'un banc, sur un chemin de pierres blanches, un homme grand et fin, aux cheveux noir de jais qui entourait son visage et élégamment habillé, était entouré de plusieurs femmes de la cour. Elles lui pendaient au cou, léchant des yeux les contours divins de son visage. Il avait un grand sourire de séducteur et ses mains baladeuses traînaient aux hanches de ces dames. Il leva son menton en l'air comme l'être imbu qu'il laissait paraître et ria à gorge déployée, voulant faire roucouler ses poules. Dès qu'un son sortait de sa bouche, les oies jacassaient de bonheur autour de lui les yeux grands ouverts.

Mon père a décidément d'étranges connaissances . Se dit la jeune femme qui les dépassait sans oser reposer son regard sur la scène burlesque qui se dressait près du banc.

Elle ne changea pas de route et continua son chemin dans les différents étroits passages du jardin, à la recherche de quelque chose dont elle ignorait l'existence.

—Pourquoi ne vous êtes-vous pas joint à nous ? Il y avait pourtant de la place pour une belle demoiselle comme vous à mes côtés. Dit une voix suave tout près de son oreille.

Alors qu'elle observait les fleurs depuis quelque temps déjà, l'homme de la maison ouverte semblait l'avoir rejoint après l'avoir suivi.

—Vous étiez en bonne compagnie, je n'aurais pas voulu déranger celles qui étaient pendues à votre cou, se donnant comme un tournesol au soleil. Répondit Lyz, incertaine de la réaction de son interlocuteur.

Il se rapprocha un peu plus d'elle en la regardant droit dans les yeux, trop proches selon Lyz. La robe ne lui permettait pas de courir, mais un coup de manche ça ne tuait pas un homme...

—N'ayez pas peur, je me tuerai pour vous avoir effrayé. Je n'ai simplement pas l'honneur de vous connaître. Vous êtes une très belle femme, je regrette de ne pas pouvoir dire votre nom. Lui murmura-t-il en glissant un tendre baiser sur sa main pâle.

Lyz secoua sa tête, surprise d'avoir osé regarder les lèvres pulpeuses du jeune homme se mouvoir contre sa main. Elle n'avait jamais jusqu'ici, trouver une bouche aussi attirante.

—Épargnez-moi vos beaux discours, je ne suis pas comme vos admiratrice qui pourraient se tuer entre elles juste pour un regard faussement tendre.

Il semblait surpris, mais à la place d'un regard en colère ses yeux se plissaient et un léger soupir sortit de sa bouche. Ses longs cheveux ondulaient aux grès du vent, mais il les remplaçait inlassablement d'un geste de la main de son front vers l'arrière de son crâne.

—Vous êtes intéressante ma dame. Glissa-t-il dans une profonde inspiration.

—Un livre est intéressant. Une personne est passionnante, tout au plus intrigante, mais ne prenez pas pour acquis l'intérêt que l'on ne vous offre pas.

Elle se tournait pour partir alors que son visage n'était qu'à quelques centimètres du sien. Les hommes comme lui étaient si peu intéressants comme il disait. Lyz revint vers ses quartiers dans le palais secondaire, croisant plusieurs de ses servantes courir, les bras chargés de toutes sortes d'objets et de tissus plus beaux les uns que les autres.

Alors que Lyz se rapprochait de plus en plus, l'une d'entre elle la remarqua et accourut dans sa direction en hurlant des paroles toutes plus décousues que la toile de Pénélope au jour levant.

—Mademoiselle ! C'est maintenant ! Allons-y et dépêchons-nous ! Se pressa-t-elle vers Lyz sans prendre le temps de respirer en lui tirant par le bras.

—Si tu me tires comme ça, je vais tomber. Rétorqua la princesse qui manqua de marcher sur ses propres pieds tout en esquivant les autres serveuses.

Mais rien ne faisait, elle la tenait toujours aussi fermement et la fit entrer dans ses quartiers et plus précisément dans sa chambre où étaient suspendues des dizaines de robes différentes.

—Vous devez absolument vous préparer ! Dit une vieille dame qui s'affairait déjà à lui tendre des dessous en toile.

Deux femmes étaient en train de défaire sa ceinture et les premières couches de sa robe alors que Lyz essayait toujours de comprendre ce qu'il se passait.

La princesse tira d'un coup sec sur les pans qu'elles tenaient et haussa la voix, affligée qu'on ne prenne pas le temps de l'écouter et qu'elles la déshabillent sans demander son avis.

—Bon sang, expliquez-vous ! S'énerva Lyz, fixant durement les quatre servantes qui s'étaient arrêtées net.

Elles se penchèrent poliment en avant après avoir échangé un regard. Lyz souffla, c'était bien la première fois que la situation se présentait. L'ambiance refroidit d'un coup retira tous les sourires qui étaient pendus sur leurs lèvres, choquées de l'avoir mise en colère.

La première à enfin lui répondre était encore courbée alors qu'elle murmura d'une petite voix incertaine.

—Vous devez vous préparer, Monsieur l'Empereur organise un grand banquet ce soir pour fêter l'arrivée de vos prétendants mademoiselle... La petite brune se triturait les doigts, tremblant légèrement.

Lyz eut un mouvement de recul en assimilant l'information que venait de lui donner sa servante. Les hommes étaient tous déjà là ? À peine quelques jours étaient passés et son père organisait déjà un banquet pour fêter ça. Elle tourna la tête vers la fenêtre qui donnait sur le grand jardin, s'imaginant la franchir en vitesse pour s'échapper, mais l'idée s'envola aussi vite qu'elle n'était venue quand elle imagina son père avoir placé des dizaines de gardes partout dans le palais.

Dépêchons-nous, tout le monde vous attend, paraît-il. Enchaîna la plus vieille en donnant des ordres aux autres.

Elles se mirent au travail alors que Lyz se retrouvait en petite tenue. Les tenues de fête sont lourdes et peu pratiques. Une robe sertie de pierres précieuses et de tissus chers. Sa coiffure est toujours faite en fonction de la saison. Si l'hiver est installé, ses cheveux sont relâchés, posés sur ses épaules jusqu'au bas des reins ou quelque chose de plus sophistiqué selon l'évènement pour garder la chaleur sur sa nuque. En été, un chignon très stricte tire ses cheveux et allonge sa silhouette fine en laissant une vue imprenable sur un décolleté raisonnable. Le printemps la coiffa d'une tresse longue et décoré de marguerites. Une coiffure pratique et semi-longue qui laissait ses cheveux pendre mais libérait son visage.

La soirée allait être longue... 

🐉Nine Dragons🐉 TERMINEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant