TW : mention de suicide
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Un appartement à Londres, 22h59.
Le silence l'entoure. Le noir s'est fait un royaume de son appartement. Crowley ne distingue rien, dans les ténèbres dont il ne peut sortir. Pas un son ne perce sa carapace d'argent, pas un rayon de lumière, pas une odeur. Il ne sent plus ses vêtements sur lui, alors qu'il est certain de s'être habillé. Ou peut-être les a-t-il enlevés ? Il ne sait plus. Il ne sait pas quelle heure il est, où il est, ce qu'il doit faire. Il croit avoir un rendez-vous ce soir, mais peut-être est-ce demain, où était-ce hier ?
Le monde est recouvert par un voile sombre. Un voile opaque, au travers duquel il ne peut rien voir, rien sentir, rien goûter, rien toucher, rien entendre. Il est perdu dans une bulle de solitude. Il fait noir, il ne peut pas bouger : son corps est engourdi, et même tendre la main pour tenter de l'apercevoir est un trop grand effort.
Mais il va bien. Pour la première fois depuis longtemps, il ne sent plus la souffrance : le trou noir dans son cœur a disparu, remplacé par le vide, le vide et le vide. La douleur a disparu : la culpabilité, le mal-être, la rancœur, la haine ont disparu. Il ne reste plus rien, sinon le vide, qui vient de ce voile qui recouvre son monde.
Un faible sourire s'étend sur son visage. C'est déjà un effort considérable, mais Crowley doit exprimer sa satisfaction, la plénitude qu'il ressent. Finalement, après tant d'années, il a atteint son but : il ne ressent plus rien. Tout ce qu'il a ressenti durant six mille ans s'est envolé, et il est seul dans sa bulle, à l'abri, là où rien ne peut l'atteindre. Pourtant, il tient à la vie. Cet étrange paradoxe le saisit, alors qu'il s'aperçoit qu'il peut bouger à nouveau. Il veut vivre. Il le veut de toutes ses forces, et vaut mieux une vie emplie de peine et de souffrance plutôt que pas de vie du tout.
Alors Crowley essaye de se tirer de son état végétatif. Il essaie de revenir à lui-même, de faire exploser cette bulle de solitude, de voir à travers le noir, mais rien n'y fait. Il a peur, et c'est bien la seule émotion qu'il arrive à ressentir. Il a peur : mais il n'est pas inquiet de son sort. C'est cela qui l'effraie encore plus. Que se passera-t-il s'il ne parvient pas à redevenir lui-même, et qu'il reste dans cette demi-vie ? Mais, après tout, quelle importance ?
Et Aziraphale ?
Crowley se souvient brutalement, c'est comme un coup de poing qui le frappe dans le visage : c'est avec Aziraphale qu'il a rendez-vous ce soir. C'était avec Aziraphale qu'il avait rendez-vous hier, et c'est avec Aziraphale qu'il a rendez-vous demain. Crowley tente de se rappeler de son visage, de ramener la voix de l'ange à lui, et il comprend qu'il peut, littéralement, l'entendre.
Aziraphale l'appelle, et le désespoir qui brise sa voix est un deuxième coup de poing pour Crowley. C'est à cause de lui qu'Aziraphale est-il si désespéré ? Il peut l'entendre pleurer, et à travers ses sanglots, tenter de l'appeler. C'est de sa faute, si Aziraphale pleure ?
Au terme d'un effort colossal, Crowley parvient à bouger les paupières, puis le bout des doigts, puis les pieds, les jambes, et enfin les bras. Il peut voir Aziraphale ! L'ange a déboutonné les premiers boutons de sa chemise, son nœud-papillon est au sol. Sa veste est accrochée au porte-manteau. Ses grands yeux bleus sont écarquillés, et ses larmes coulent sur ses joues. Sa bouche est entrouverte. Crowley lève le bras, pour effleurer de sa main la joue mouillée d'Aziraphale. Il murmure :
- Aziraphale !
Et c'est toute son admiration, toute sa dévotion qui perce à travers ce murmure. Le voile opaque qui recouvre le monde et ses sens disparaît finalement, et Crowley se lève, titubant. Aziraphale, qui était agenouillé près de son lit se lève également. Sans prévenir, il serre Crowley dans ses bras, de toutes ses forces :
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Welcome to the End Times
FanficUn recueil d'OS sur les ineffables husbands, Crowley et Aziraphale, personnages principaux de la série - et du livre - Good Omens.