Le titre vient de la musique Divenire de Ludovico Einaudi. Cet OS aura une suite.
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Crowley prend son stylo. Ses mains tremblent. La feuille de papier, devant lui, semble floue, détachée de la réalité du bureau noir devant lui. La nuit a étendu son rideau sur la ville depuis quelques heures déjà. Mais il n'y a pas d'étoiles. Il n'y a jamais d'étoiles pour éclairer les adieux, alors Crowley n'attend pas qu'elles se montrent. Il commence à écrire cette lettre qu'il avait espéré ne jamais devoir rédiger.
Aziraphale, mon ange,
J'ai du mal à croire que je suis en train d'écrire cette lettre. C'est stupide, je sais. Après six mille ans d'amitié, on pourrait croire que nous avons dépassé ce stade de timidité, entre nous. Mais ce que je vais te dire ici, je ne pourrais jamais te le dire en te regardant dans les yeux, parce que si je le faisais, je remettrai en doute tout ce que je crois, tout ce que j'ai toujours cru, tout ce que je crois encore. Tu as toujours dit que j'étais dramatique, et peut-être as-tu raison. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'écris une lettre tel un amoureux transi au lieu de venir pousser les portes de la librairie pour te parler en face à face.
Crowley déteste sa propre manière d'écrire, sa manière de toujours trop exagérer les choses. Mais il ne peut faire autrement. Il ressent tellement d'émotions, tellement de déchirements qu'il a besoin de trop en faire. Peut-être pour qu'Aziraphale puisse comprendre, enfin, ce qui l'anime ? Il reprend sa lettre, en se concentrant pour chasser les larmes qui s'accumulent dans ses yeux.
Je suis désolé. Pour tout. J'ai toujours pensé que c'était toi et moi, contre le reste du monde, contre le reste des anges et le reste des démons. Mais rien ne dure pour toujours, pas vrai ? Et notre cas n'est pas, malheureusement, l'exception qui confirme la règle. Comme j'aurai aimé, pourtant. Je suis certain que, intelligent comme tu es, tu dois déjà avoir compris ce que je suis en train de faire. Peut-être même l'as-tu compris avant moi. Peut-être que tu l'as vu venir, dans mes gestes, dans ma voix, dans mes regards. Tu l'as sûrement vu avant moi. Je l'espère, ainsi la suite pourrait ne pas te faire plus de mal que je ne t'en ai déjà fait. Je suis désolé, mon ange.
J'imagine que c'est le moment où je dois m'expliquer, où je dois t'expliquer ce qu'il se passe, ce que je suis en train de faire. Mais avant, laisses-moi une minute, une simple minute pour que je te dise ce que j'ai toujours voulu te dire, sans jamais oser, pas même aujourd'hui. Je t'aime. Aziraphale, je t'aime. Je veux que tu te rappelles cela, avant que tout ne se brise. Je veux que tu te souviennes que je t'aime, si fort que je suis sûr que tu le sais déjà. Tu as dû le sentir, pas vrai ?
Il doit s'interrompre. Il ne voudrait pas tâcher le papier avec ses larmes, cela ne ferait que remuer le couteau dans la plaie. Il aimerait que quelqu'un lui montre comment faire ce qu'il doit faire, en douceur, sans blesser, sans faire de mal. Mais s'il y avait une solution miracle, tout le monde la connaîtrait. Sa radio s'amuse à lui démontrer son sens de l'humour un peu tordu, certainement plus encore que celui de sa Bentley, en lançant Somebody to Love. Un sanglot réussit à passer les barrières de défense de Crowley, et c'est assez pour les détruire. Alors il pleure en reconstruisant les murs d'insensibilité autour de lui, et ses larmes se tarissent, juste assez pour lui permettre d'écrire la suite.
Aziraphale, je dois te quitter. Je dois te laisser. Parmi les choses que j'ai toujours pensées, il y a celle-ci : que ce serait toi qui finirait par m'abandonner, et pas l'inverse. Visiblement, j'ai encore eu tort. J'en fais une habitude. Désolé. J'espère que tu comprends, mais au cas-où tu ne comprendrais pas, je me dois de t'expliquer : notre relation te met en danger. Ma simple présence à tes côtés te met en danger. Excuses-moi, je sombre dans le mélodramatique, je n'ai jamais pu m'en empêcher. Mais cette fois, j'aimerai que ce soit une exagération. Ce n'en est pas une.

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Welcome to the End Times
أدب الهواةUn recueil d'OS sur les ineffables husbands, Crowley et Aziraphale, personnages principaux de la série - et du livre - Good Omens.