Dîner

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10 janvier 2000

Louis regarda l'interphone en face de lui comme si l'appareil allait lui sauter au visage. Voilà dix minutes qu'il était planté devant, un bouquet de roses rouges et roses dans la main. Il était arrivé bien trop en avance, Éric lui avait donné rendez-vous chez lui à vingt heures pour dîner ensemble mais il était à peine dix-neuf heures quarante-cinq. Le stress le faisait complètement dérailler. Quelle idée en même temps, de l'inviter à dîner en utilisant les mots « on doit discuter » ! Et Aurélie qui l'avait poussé hors de chez lui en disant qu'elle voulait profiter son neveu... La traître.

Un frisson le traversa quand l'air frais s'engouffra sous le auvent de l'immeuble. Il fallait qu'il sonne ou il finirait par attraper un rhume. Et avoir un rhume quand on devait plaider une affaire importante dans quelques jours, ce n'était pas vraiment une bonne idée. Il sélectionna rapidement le nom de son meilleur ami et appuya sur la touche. Quelques secondes plus tard, le haut parleur grésilla un peu puis il entendit la voix de Éric.

Oui ?

- C'est Louis... Je peux monter ?

Ah oui ! Je t'ouvre !

La porte se déverrouilla et il entra après avoir remercié l'asiatique de lui avoir ouvert. Il hésita à peine avant de choisir de monter les escaliers. L'ascenseur aurait été trop rapide. Il devait encore réfléchir à ce qu'il dirait ou ce qu'il ferait quand Éric lui ouvrirait. Il avait besoin de se construire un scénario pour ne pas mourir de stress, même si ce scénario était totalement improbable. Quand il arriva devant l'appartement du chirurgien, il était beaucoup plus tendu que dans le hall de l'immeuble. Il serrait le bouquet tellement fort dans sa main qu'une des épines le piqua, le sortant de ses pensées. Il n'allait pas pouvoir rester pendant cinq minutes devant la porte, alors il décida de presser la sonnette.

Il n'eut pas à attendre longtemps avant que Éric vienne lui ouvrir la porte, un grand sourire sur le visage. Son ami portait un jean et un pull en laine large bleu, ses cheveux noirs était ramenés vers l'arrière avec de la cire... Seule ombre au tableau magnifique qui se trouvait devant l'avocat, une légère trace jaunâtre sous l'œil,vestige de son agression quelques jours plus tôt.

- Louis, l'appela le chirurgien en le voyant fixer son coquard sans rien dire, ouhouh, ici Terre à vous la Lune.

- Désolé, bafouilla le roux en se sortant de ses pensées, comment tu te sens ?

- Très bien ! Tu sais, si ils m'ont laissés sortir de l'hôpital c'est que je vais mieux... Elles sont pour moi, ces roses ?

- Oh... euh... Oui... Tiens...

- Tu as l'air perturbé... Est-ce que c'est... par rapport à ce qu'on s'est dit à l'hôpital ?

- Je suis sincère... Mais... je ne sais pas comment faire. Il y a tellement de choses auxquelles on doit penser...

- Entre, on va en parler autour d'un bon repas.

Louis s'exécuta et retira sa veste et son écharpe pendant que son hôte allait mettre le bouquet dans un vase sur la table basse. Il le suivit vers la cuisine et s'assit à table comme le lui demanda le chirurgien. Ce dernier déposa une assiette de tomate et de mozzarella devant lui et en fit de même pour lui avant de s'asseoir.

- Donc hum... on est amoureux, commença l'avocat.

- Il semblerait, oui.

- Je voulais que tu saches que... je ne te vois pas comme un remplaçant de Sarah. Je t'aime autant qu'elle... Même si ça peut paraître étrange.

- Ce n'est pas étrange. Et jamais je ne te demanderais de l'oublier. Après tout... C'est elle qui nous a réuni.

- Oui, c'est vrai... Sans elle on se serait juste perdu de vue... À cause de...

- C'est du passé, n'en parlons plus.

Le roux hocha la tête. Il savait que le sujet n'était pas simple pour son meilleur ami. Ils mangèrent quelques minutes en silence avant que Louis ne reprenne :

- Il y a Aaron aussi. Je pense qu'il comprendrait, mais il risquerait d'en parler à ses grands-parents. Et j'ai peur qu'ils puissent prendre sa garde.

- Ton fils est important pour toi, je comprends. Et je ne te demande pas de tout assumer tout de suite devant tout le monde. Ça viendra en temps voulu.

- Donc ça ne te dérange pas qu'on est une relation un peu cachée ?

- Oh que non, c'est même très excitant, pouffa Éric.

Ils rigolèrent tous les deux. Leurs assiettes étaient presque terminées. Mais aucun des deux ne semblait y faire attention. La remarque du chirurgien semblait avoir rendu l'atmosphère électrique. Louis ne parvenait plus à quitter les iris charbons devant lui. Il savait très bien ce qui se passait dans son pantalon, il savait parfaitement ce qu'était cette chaleur qui montait en lui. Il était excité. Et il avait très très envie que Éric l'entraîne dans sonlit même s'ils n'avaient pas complètement fini leur discussion.

- Les pâtes ne sont pas encore prêtes, souffla l'asiatique qui était visiblement dans le même état que lui.

- On a qu'à aller attendre sur le canapé ?

- Le canapé ? Le lit est beaucoup plus confortable, tu sais...

- Je sais, mais après tu vas encore louper ton plat...

Le chirurgien se mordilla la lèvre. Sa réflexion fut rapide. Il se leva et prit la main de l'avocat pour l'entraîner dans sa chambre. Peu importe que son plat soit encore loupé, il avait envie de faire ça depuis beaucoup trop longtemps ! Avant de pousser la porte de la pièce, il se tourna vers son invité et demanda :

- Donc, on sort ensemble ?

- On sort ensemble.

Avec un sourire, il poussa la porte et entraîna Louis derrière lui.

Ils sortaient ensemble. Enfin.  

Un Bouquet de RosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant