Appa

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27 juillet 2000

Ne pas se lever. Rester au chaud dans son lit. Rester à l'abri. C'est ce que Louis aurait aimé faire aujourd'hui. Fermer les yeux pour ne pas pleurer. Ne voir personne. Ne surtout pas se retrouver en face de Aaron. Ne pas avoir à affronter ses grands yeux dorés plein d'innocence et d'incompréhension. Il se mordit la main pour étouffer un sanglot et il se roula un peu plus en boule sous sa couette.

Pourtant, il savait bien qu'il allait devoir sortir de son cocon protecteur. Il fallait qu'il aille travailler. Il fallait accueillir la nourrice de Aaron. Il fallait... Il fallait... Ne pas y penser. Réussir à passer au-dessus. Affronter ça seul, comme l'adulte qu'il était. Son cœur se serra légèrement. Il ne voulait pas imposer son chagrin à Éric, alors il l'évitait soigneusement, mais... il aurait tellement aimé sentir ses bras autour de lui ce matin, sentir sa chaleur. Avoir un mot d'encouragement, avant d'affronter cette journée atroce...

- Pourquoi papa reste dans sa chambre, entendit-il de l'autre côté de la porte.

- Parce qu'il est triste, Aaron, tu comprendras plus tard... je vais le voir, d'accord ? Tu veux bien rester avec ta nounou ?

- D'accord...

Louis se redressa brusquement. La nourrice de son fils était déjà arrivée ?! Non. Non, ce n'était pas le plus important. Pourquoi avait-il entendu la voix de Éric avec lui ? Il ne voulait pas que son compagnon ait à le voir dans cet état, il ne voulait pas qu'il ait encore à...

Avant qu'il ait pu faire le moindre geste, la poignée de la porte avait déjà été tourné et le chirurgien entra dans la pièce sans rien dire. Il laissa les volets fermés, si bien que le roux ne put que distinguer son ombre dans l'embrasure de la porte avant qu'il ne la referme derrière lui. Il avança dans la pénombre jusqu'à s'asseoir sur le lit, près de son visage. Ils ne restèrent ainsi pendant un long, très long moment. Puis des doigts commencèrent à jouer avec douceur entre ses mèches rousses. Et il craqua, il explosa en sanglots, sans retenir ses hoquets douloureux ou ses larmes.

- Rester seul un jour pareil... ça va pas la tête ?

- Je... je vou-voulais pas... que t-tu me v-vois...

- Je sais, je sais... Monsieur a voulu faire son homme fort. Mais je suis aussi là pour ça, d'accord ?

Louis se contenta de hocher la tête, incapable de parler correctement avec sa gorge nouée. Éric s'allongea près de lui et le prit dans ses bras. Il continua à jouer avec ses cheveux et le laissa pleurer tout son soûl contre son épaule sans rien ajouter de plus.

~~~

Assis sur le canapé, une tasse de chocolat chaud et un plaid sur les épaules pour parer les froides températures de ce mois de juillet, Louis regardait son fils jouer avec ses peluches. Le foulard de sa mère était toujours accroché à son ours préféré et son cœur se serra en le voyant. Aaron avait le bénéfice de l'insouciance et de la jeunesse. Il ne connaissait pas la date de la mort de sa mère et il aurait été cruel de lui rappeler maintenant. Comme toujours, son sourire et ses rires l'apaisaient. Mais il avait peur de voir tout ça disparaître un jour. Il soupira longuement et but une gorgée de sa tasse, tentant de penser à autre chose.

Une main massant sa nuque lui fit relever la tête et il croisa les yeux charbons de Éric. L'asiatique lui sourit et s'assit près de lui. Il ne fit pas un geste pour se rapprocher plus, étant donné que son fils était dans la pièce. Et le cœur de Louis se serra. Il voulait être proche de lui. Il voulait qu'il le prenne dans ses bras et l'enlace. Mais c'était lui qui avait demandé à ce que son fils ne soit pas au courant, c'était donc normal qu'il fasse le premier pas. Il laissa sa tête glisser sur l'épaule de son amant et ferma les yeux.

- J'ai le droit, murmura Éric en appuyant ses lèvres contre ses cheveux.

- Oui... c'est bête de cacher ça à un enfant.

Le chirurgien ne se fit pas plus prier et passa son bras autour de ses épaules en embrassant son front. Louis semblant aller beaucoup mieux que quand il l'avait trouvé le matin. Il avait mis un certain à calmer ses pleurs, et encore plus à sortir de sa chambre. Heureusement pour eux, la nourrice de Aaron était là pour s'occuper du petit et il avait pu entièrement se dédier à son petit-ami.

- Papa, tu fais un câlin à Éric parce que vous êtes amoureux ?

La voix de Aaron les fit tous les deux sursauter et ils regardèrent le bambin en ouvrant de grands yeux. Un gamin certes, mais il avait hérité de l'intelligence de ses parents, ça ne faisait aucun doute.

- Tu veux que je...

- Non, reste, c'est une discussion qu'on doit avoir tous les trois. Viens avec nous, petit prince.

Le petit roux ne se fit pas prier et monta sur les genoux de son père dès que ce dernier eut posé sa tasse.

- Déjà, il faut que tu saches que ce n'est pas parce que je suis amoureux de quelqu'un d'autre que j'oublie ta maman, d'accord ? Je ne l'oublierais jamais, et toi, tu n'as pas besoin de la remplacer, elle restera toujours ta maman.

- D'accord, répondit sérieusement le petit garçon.

- Donc... je suis amoureux de Éric, vraiment très amoureux. Alors il viendra sûrement beaucoup plus souvent à la maison maintenant, et... enfin, tu sais comment ça se passe quand on est amoureux de quelqu'un...

- Je pourrais plus dormir avec toi quand je fais un cauchemar ?

- Oh, bien sûr que si, Aaron, répondit Éric à sa place en voyant que Louis semblait avoir du mal à trouver ses mots, je ne vais pas te voler ton papa. Mais pour le moment il faut que tu le dises à personne. C'est un secret entre nous trois, d'accord ?

- Oui ! Et toi, Éric, est-ce que tu vas être comme... un nouveau papa ?

- Euh... je... c'est encore un peu tôt pour dire ça, poussin, mais... enfin... Tu ne peux pas nous appeler tous les deux papas de toute façon.

- Pas grave ! Apprends-le moi dans une autre langue ! Allez !

Éric lança un regard interrogateur vers Louis. À vrai dire, il était prêt à affronter un regard dur, qui lui dirait de se taire avant de s'enfoncer plus. Mais au lieu de ça, il tomba sur le visage tendre de son amant. Ce dernier, jouait avec l'alliance autour de son doigts et souriait, quoique un peu tristement. Il finit par souffler :

- Je me suis toujours demander comment ça se disait en coréen. Tu veux bien nous apprendre ?

- Je... Appa. Ça se dit appa.

- Alors tu seras mon appa, s'exclama joyeusement Aaron en lui faisant un câlin.

Il referma ses bras autour du corps du petit pour lui rendre son étreinte et il sentit Louis se coller contre son épaule, la tête dans son cou.

Comme une famille.

Et dehors, le vent souffla, comme pour les encourager à continuer ainsi. 

Un Bouquet de RosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant