Chapitre XII : Revers

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Le jour d'après, à la réception des analyses, la théorie du suicide par arme à feu se confirma. La famille récupéra le corps, je n'avais toujours rien dit, l'affaire était classée. Puis, le soir même, elle se pointa dans la cuisine, les larmes aux yeux : 

— Niran est mort.  

Je la regardai, pas du tout surpris.  

— Il... il s'est suicidé apparemment. Je... j'n'arrive pas à y croire. Il s'est tiré une balle dans la tête, dit-elle la gorge nouée. 

Elle comprit rapidement pourquoi je n'étais pas surpris. 

— Tu... tu le savais... 

Je devais lui dire la vérité.  

— Oui. J'étais en charge de l'affaire.  

— Et tu ne m'as rien dit ?

— J'allais le faire !  

— Pourquoi ? 

— Je ne savais pas comment. 

La tristesse dans ses yeux se changea en colère.  

— Est-ce que tu as quelque chose à voir avec sa mort, Alex ? 

— Pardon ? Non ! Bien sûr que non, voyons ! 

Elle secoua la tête, se prit les cheveux entre les mains. Elle ne savait plus quoi dire. 

— Tu... C'est pour ça que tu ne m'as rien dit ? Parce que tu y es pour quelque chose ? 

— Bien sûr que non ! Tu sais que je ne ferai pas une chose pareille ! 

— Justement, nan ! Je ne sais pas de quoi tu es réellement capable, Alexander.  

J'avais l'impression de rêver. Je voulais que tout cela ne soit qu'un rêve. 

 — Niran avait repris contact avec moi... Il y a une semaine à peu près. Qui me dit que tu ne l'as pas appris et que... et que... et que tu... 

— Il a repris contact avec toi ? Je ne le savais pas. Tu me l'as caché... Je ne l'ai pas buté, Kiana. Il s'est tiré une balle dans la tête tout seul ! Je ne lui aurais pas fait de mal, pas comme ça... Car je savais à quel point tu en souffrirais...  

Je devais avouer que, plusieurs fois, l'idée de le tuer m'était passé par la tête. Et, à chaque fois, j'avais pensé à Kiana.  

— Je... j'ai besoin de... prendre l'air.  

— Kia, tu ne peux pas penser que je l'ai tué ! 

La minute d'après, elle claqua la porte derrière elle.  Evidemment, je n'avais pas d'autre choix que de rester planté là à ressasser toutes les raisons pour lesquelles elle pensait comme elle pensait...

— ... Veuillez laisser votre message après le bip sonore.  

— Kia, c'est encore moi. Écoute, c'est le neuvième message que je te laisse et ça fait deux heures que j'essaye de te joindre. Rappelle-moi, s'il te plaît. On ne peut pas rester comme ça... Rappelle-moi ! 

J'étais dans une incompréhension totale. Je m'inquiétais même si, grâce à la géolocalisation de son téléphone, je savais où elle se trouvait. Camila prenait probablement soin d'elle, j'avais confiance en elle... Elle avait besoin de temps, je le comprenais. Elle venait d'apprendre une nouvelle terrible... Terrible pour elle, pas pour moi. Moi, j'avais juste peur de la perdre.

Le lendemain matin, elle débarqua à la maison sans prévenir. Elle semblait encline à discuter, cette fois : 

— Je suis désolée de ne pas avoir répondu.  

— Je suis inquiet, Kia.  

Elle secoua la tête, me regardant à peine.  

— Je... je vais passer un peu de temps chez ma mère.  

— Oh... Pourquoi ? 

— J'ai besoin de temps pour réfléchir.  

— Réfléchir ? Tu me fuis plutôt... Écoute, je n'ai rien à voir avec la mort de ton ex, il va falloir que tu me croies.  

— J'ai du mal à te croire, Alex.  

Je n'en croyais pas mes oreilles ; elle perdait la tête. Pourquoi me jeter la pierre de cette manière ? Et puis, il y avait sa façon de prendre les choses de manière aussi dramatique. Je ne pensais pas que la mort de son putain d'ex violent allait l'affecter autant. Et, puis, j'étais toujours là moi... C'était comme si plus rien n'avait d'importance pour elle.

— C'est du délire, putain ! Au fond de toi, tu sais que je ne l'ai pas fait mais, tu t'acharnes à trouver un coupable !  

— Pourquoi tu ne m'as rien dit alors ? 

— Je voulais attendre le bon moment pour le faire, bon sang ! Tu ne voulais pas troubler ta sérénité avec une nouvelle pareille ! Tu devrais me comprendre.

— Tu t'en es déjà pris à lui. Et là, tu as peut-être pété un câble... comme tu l'as déjà fait, comme tu l'as fait aux Bahamas !

Le cauchemar se refermait lentement sur moi sans que je ne puisse m'en débarrasser. Elle n'avait pas confiance en moi. Jamais elle n'avait eu confiance en moi. Elle faisait le deuil de son débile d'ex et j'étais le coupable parfait. Elle avait peur de ce que j'étais capable de faire et cette vérité dont j'étais conscient me transperça le cœur. Et lorsque l'on me faisait du mal, être odieux était ma seule défense.  

— Que tu me croies ou pas, la vérité reste la vérité ! Ton ex n'a pas supporté d'être un gros connard, alors il s'est fait exploser la cervelle ! Je n'y suis pour rien, même si je suis le parfait coupable... Continue de penser qu'il était un mec bien, Kiana, continue... Mais, moi, je pense que le monde ira bien mieux sans le pervers narcissique qu'il était ! 

Les larmes qu'elle devait probablement retenir depuis un moment se déversèrent sans effort sur ses joues.  

— Tu n'auras pas à faire tous ces kilomètres pour me fuir, ... je me casse.   

Rapidement, je rassemblai toutes mes affaires et les balançai dans le coffre de ma voiture. J'avais pris ma décision malgré l'amour que je lui portais. Ah, l'amour... Cette merde me menait toujours au fond du gouffre. Je regrettais tout : la confiance que je lui avais accordée, l'amour que je lui avais donné, l'énergie que je lui avais dédiée... J'avais perdu mon temps car, une fois de plus, j'avais fini par endosser le rôle du vilain petit canard qui n'avait que du mauvais en lui. Après tout, il n'y avait peut-être que du mauvais en moi... Je regrettais d'avoir cru une seule seconde que les choses allaient être différentes avec elle.  

Addicted (suite de Lust)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant