Addicted (suite de Lust)

Chapitre XXIV : La dernière

A l'un des comptoirs de l'aéroport, je pris un billet pour la Floride où je débarquai quelques heures plus tard, en forme mais inquiet. Je n'avais pas été en mission depuis un moment et je n'avais aucune certitude en ce qui concernait ma relation avec Kiana Kennedy.

Le Sergent-Major avait envoyé un homme me livrer le fusil de précision directement à mon motel. Puis, je reçus, par message texte, le nom et l'adresse de l'hôtel dans lequel Mademoiselle Delavega se trouvait. J'avais vingt-quatre heures pour la trouver, repérer une position depuis laquelle tirer et... tirer.

La meilleure façon pour moi de repérer les lieux avant même de m'y rendre était de prendre connaissance des plans, des cartes, des images satellites disponibles. Chose que je fis dans ma chambre, en toute tranquillité en compagnie du MSR. Il était majestueux, même démonté. Un modèle de plus de sept kilos qui m'avait sauvé la mise un bon paquet de fois en mission.

Après une analyse poussée des plans, je m'étais rendu sur place, sans mon arme. Mais avec des jumelles. J'avais repéré deux endroits depuis lesquels je pouvais voir la fenêtre de sa chambre et donc tirer. L'un se trouvait sur le toit d'un immeuble résidentiel de treize étages et l'autre sur le chantier de rénovation d'un vieil appartement. Le temps était propice, pas de vent, pas de pluie à venir. Et puis, il y avait la distance. 803 mètres et 382 mètres respectivement. Plus on était loin, moins on avait de chance d'atteindre sa cible, donc plus de chance de lui laisser le temps de fuir ou de riposter. Mais plus on était proche, plus on avait des chances de se faire repérer avant même d'avoir tiré. Alors, je pris la décision de tirer depuis le toit. Je savais faire, j'étais sûr de moi. Oui, je ne l'avais pas fait depuis un moment, mais je savais que je n'avais pas perdu la main.

Le moment de s'installer se présenta, j'avais le trac tout en étant confiant. Je me trouvai un petit coin près d'un des murets des installations du toit. La vue était parfaite, dans tous les aspects. Alors, je montai le fusil que j'avais transporté dans un sac à dos commun et posai le canon sur son trépied. De là ou j'étais, personne ne me voyait, ni les voisins, ni Delavega. Il ne me restait plus qu'à faire traverser cette balle sur 800 mètres pour qu'elle puisse se loger dans sa tête.

J'étais concentré, le ventre collé au sol. Puis, j'eus un moment d'égarement où je me rendis compte que Kiana n'allait pas approuver ce que j'étais sur le point de faire. Elle ne devait rien savoir quoiqu'il se passait. J'étais sur le point d'assassiner une femme, de sang-froid, pas en tant que flic, pas en tant que soldat mais en tant que civil. Je n'allais pas lui laisser une chance d'être jugé, j'allais la juger moi-même. L'objectif était d'en finir avec toute cette merde et de me laisser une toute petite chance de revivre, enfin.

Quand je posai mon œil sur la lunette du MSR, je devins un autre homme. Celui que beaucoup d'autres ne connaissaient pas. Celui qui gérait les situations stressantes, celui qui pouvait tirer à plus d'un kilomètre de distance et atteindre sa cible du premier coup, celui qui avait sauvé plus d'une centaine de personnes en tuant une centaine d'autres.

Delavega était là, installée dans un canapé. Je n'avais pas de visuel idéal, ma respiration désormais contrôlée. J'attendis qu'elle bouge. Elle fit plusieurs allers-retours devant la fenêtre sans que je ne puisse tirer avec la certitude de l'atteindre. Les minutes passèrent, je n'oubliais pas mon objectif. En aucun cas. Puis, vint le moment où je pus avoir un angle idéal. Elle était de dos... J'allais l'abattre de dos... Alors que l'adrénaline s'était emparée de moi et que j'avais mis ma conscience de côté, je contrôlai un peu plus ma respiration et appuyai sur la détente. Le recul me repoussa l'épaule puis le corps entier ; dans ma lunette, avec un temps de décalage, je vis un éclat sanglant et un corps tomber au sol.