Chapitre 8.

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Ulysse et ses marins réparent leur bateau depuis maintenant plus d'une semaine. Lorsque je suis descendue jusqu'à la crique où leur bâtiment est dissimulé, il y a quelques jours, j'ai pu constater l'étendue des dégâts. La Trière, navire de guerre grec, est en très mauvais état. Instinctivement, je me suis tournée vers la mer et j'ai grimacé en observant l'étendue bleue. Poséidon n'a pas été tendre avec le héros. Il n'y a qu'à voir la poupe fracassée par les récifs, la voile déchirée par le vent et le pont trempé par les vagues salines. En constatant que mon regard s'échappait vers le royaume du dieu, Ulysse s'est approché de moi et a murmuré :

« Je peine à croire que nous pourrons naviguer sans qu'il ne s'en aperçoive et ne fasse couler mon navire.

Je lui ai jeté un regard en coin avant de replier un voile sur mes épaules et le bas de mon visage.

- Je m'occupe de ce problème-là.

Mon ton et mon attitude volontairement mystérieux ont semblé l'intriguer mais il n'a rien dit. Il s'est contenté de changer de sujet :

- Toi qui maîtrise la magie, ne pourrais-tu pas t'en servir pour notre bateau ?

- Tu me prêtes des capacités que je n'ai pas, Ulysse. Servez-vous tant qu'il le faut dans mes forêts, vous trouverez tout le bois qu'il vous faut.

- À quoi cela sert-il d'être une puissante sorcière si on n'est pas capable de telles choses ?

Je dois l'avouer, j'ai ris avant de rétorquer en m'éloignant :

- Une enchanteresse, pas une sorcière ! Et tu te rendras compte de mon utilité bien assez vite. »

Après cette très brève discussion j'ai quitté la crique pour retourner chez moi, dans mon immense bibliothèque. J'y passe mes journées à la recherche d'une piste ou d'une idée afin d'agir et de contrer les dieux, que ce soit pour les empêcher de me tuer ou pour stopper cette guerre qui se profile et dont Lore m'informe chaque nuit, un peu plus.

J'ai débord pensé à aider un camp ou l'autre à vaincre de manière à ce qu'elle se finisse vite mais je me suis rendue à l'évidence : le meilleur moyen pour que cette guerre ne cause aucun ravage c'est de faire en sorte qu'elle n'ait pas lieu. Et puis favoriser les divinités secondaires ne me paraît pas plus sage que de favoriser les divinités primaires : les unes sont dévorées par leur envie de sortir de l'ombre et ne sont pas connues pour être de « bonnes divinités ». Les autres sont assoiffées de pouvoir et en viennent souvent à se battre entre elles. Lore est d'accord avec moi à ce sujet.

Alors il faut bien que je trouve une autre solution. Chose plus facile à dire qu'à faire. Je doute que me rendre auprès des dieux pour les gronder comme une mère le ferait avec des enfants bagarreurs fonctionne, tout comme aller les implorer de ne pas se battre. De toute façon, j'ai bien trop de fierté pour cette seconde option. Je ne me plierai pas face à eux après tout le tort qu'ils m'ont fait.

Un bruit me tire soudain de ma profonde concentration. Je relève la tête, remarquant qu'une silhouette masculine se découpe dans l'entrée de l'immense pièce.

« Ulysse ?

Le jeune homme entre dans ma bibliothèque, secouant la poussière qui recouvre son exomide*. D'un signe de la tête il me salue avant de prendre place sur le siège qui me fait face. La politesse voudrait que je lui rende son sourire. Je n'en fais rien.

- Il est tôt. Pourquoi cette visite ?

- Les réparations de mon navire sont finies, Circé. Il peut à nouveau naviguer.

Je me mords la lèvre inférieure avant de hocher de la tête.

- Dans ce cas, nous pourrons bientôt partir.

Circé (Mélusine HS.2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant