Ulysse s'est absenté depuis longtemps déjà. Ses hommes bivouaquent, trinquant entre eux. Mais je n'arrive pas à me mêler à eux. Non pas que je haïsse autant les hommes qu'à mon départ. C'est simplement que je n'en ai pas l'énergie. Et que je dois préserver cette dernière pour quand... quand le moment viendra d'emprisonner les dieux. Je n'ai pas envie de manger. Ni de dormir. Je ne parviens qu'à observe le ciel. Vaste. Immense. Le monde changera-t-il tant que ça après ? Ou restera-t-il le même...
Je me demande si j'aurais l'occasion de découvrir cela, si je pourrais vivre jusque-là. Malheureusement, pour cette dernière question, je connais déjà la réponse.
« Le capitaine est de retour ! s'exclame un homme un peu éméché.
Je lève la tête. En effet, Ulysse revient, tenant à la main les brides de deux fiers étalons aux robes aussi noires que la nuit. Je ferme brièvement les yeux. C'est le moment du départ. Nous y sommes enfin. Nous allons nous engouffrer dans les terres, nous éloignant de la mer. Une mer que j'aurais bien voulu revoir... Le héros me tire de mes pensées lorsqu'il arrive près de moi et m'aide à me relever.
- J'ai réussi à négocier ces chevaux avec un pêcheur du port. Je t'accompagne et nous les lui ramènerai à notre retour.
Je frémis en entendant ces derniers mots. Notre retour... Le sourire que je lui rends est si faux que cela m'étonne qu'il ne s'en soit pas rendu compte, lui qui est si malin. Il me tend une des brides et s'éloigne pour donner quelques ordres à ses hommes, me laissant seule, perdue dans mes réflexions, avec cette boule d'amertume qui est revenue me grignoter de l'intérieur.
Je m'apprête à me hisser sur le dos du cheval lorsqu'une ombre se dresse à mes côtés, m'obligeant à me retourner.
C'est Euryloque. Son air austère et mauvais toujours plaqué sur le visage, il me dévisage comme si j'allais me transformer en hydre et tous les dévorer. Pourtant, à ma grande surprise, il finit par soupirer :
- Bonne chance... sorcière.
Aussitôt, il tourne les talons, comme pris de remord face à ses paroles. Je reste figée par la stupeur quelques instants. Malheureusement, je n'ai pas l'occasion de me moquer de lui car Dareios surgit à son tour.
Il me tend un objet. Au début perplexe, mes yeux s'arrondissent lorsque je me rends compte qu'il s'agit de tiges plutôt solides, tressées entre elles pour former un cercle semblable à celui que je portais avant de le perdre lors de l'affrontement avec les dieux. Je vais de surprise en surprise avec cet équipage... Face à mon mutisme, l'adolescent se balance d'un pied sur l'autre, gêné avant d'expliquer avec son ton agressif habituel :
- T'as perdu ta tiare. Et j'ai vu comme t'y tenais. Mon père était joaillier. Alors j't'en ai fait une. C'est pas d'l'or mais c'est un bijoux quand même.
Je ne sais pas vraiment comment réagir face à cette attention. Serait-ce de la tendresse que je ressens ? Par toutes têtes de l'hydre... Pour éviter de rendre la situation plus gênante encore qu'elle ne l'est, je ceins mon front avec le présent du marin miniature. Face à ce geste, il se détend et me lance un franc sourire. Le même qu'il a affiché lorsqu'il m'a aidé avec ma potion magie l'autre jour. À cette pensée, je fouille dans les plis de mon chiton avant d'en tirer ma baguette. Mon cœur se serre à sa vue. Mais je la tends tout de même à Dareios qui s'étouffe.
- Pour moi ?
- Non, pour le saint prieur de Zeus !
Avec précaution, il saisit le bout de bois. Imprégné de ma magie, il possède encore quelques dons. Il a intérêt à faire attention s'il ne veut pas causer de catastrophe. Du ton le plus neutre possible j'explique :

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Circé (Mélusine HS.2)
Paranormal- Ce livre est un hors-série de la trilogie Melusine. Il est très fortement conseillé d'avoir lu la trilogie auparavant (risque de spoil) mais cette histoire peut être lue indépendamment puisqu'elle se déroule avant. - "Toute magie a un prix..." La...