Chapitre 7.

185 31 31
                                    

Les fleurs forment un lit des plus confortables. Allongée sur le dos, je fixe le ciel au-dessus de ma tête, à moitié dissimulé par les branches des arbres de la forêt des songes. Mes doigts caressent nonchalamment les cheveux d'or de mon amante tandis que celle-ci reste silencieuse.

Durant quelques heures, mon esprit s'est envolé ailleurs, oubliant ma terrible vision. Je n'ai nullement envie de me réveiller. Certes, je m'ennuyais, mais pas au point de vouloir avoir une guerre divine sous les bras. Je ferme brièvement les yeux. Je ne me rappelle plus la dernière fois où les choses m'avaient semblée aussi incertaines. Tout comme je ne me rappelle plus la première fois que Lore m'a embrassée. Je suis peut-être plus vieille que ce que je pensais. Le temps m'a échappé. J'aimerais bien pouvoir l'arrêter. Malheureusement, cela m'est impossible. L'entité du Temps seule a ce pouvoir.

Avec un soupire, je me redresse, laissant le corps de l'oneiroi reposer sur l'herbe. Celle-ci me regarde, étonnée par mon geste, tandis que je me relève, ramassant mon chiton que j'enfile rapidement. Ma chevelure en bataille me parait cependant impossible à dompter. J'espère simplement qu'en me réveillant, l'état de mes cheveux ne sera pas aussi déplorable.

L'oneiroi grimace. L'idée de me voir partir ne l'enchante guère. Moi non plus à vraie dire. Aux vues du contexte, rester dans le monde des songes me semble être la meilleure option... bien que ça ne puisse pas vraiment en être une. Personne ne peut vivre enfermer dans ses rêves et ses illusions. Ce ne serait pas vraiment une vie.

« Tu me le diras, lorsque tu auras pris ta décision concernant ton rôle dans ce qui va arriver ?

Je l'observe du coin de l'œil tandis qu'elle étire ses ailes, empiétant sur une bonne partie de mon champ de vision.

- Je ne sais pas...

- Promets-moi que tu le feras !

Je la toise. Mince, une promesse... Je déteste en faire. Ce n'est pas pour rien que certains me considèrent comme une traîtresse. La jeune femme me lance un regard insistant, s'attendant à ce que je m'exécute. Je préfère esquiver la question en changeant de sujet :

- Chercherais-tu à m'espionner Lore ?

Ma compagne lève les yeux au ciel, agacée.

- C'est toi l'idiote, Circé. »

Je ricane, peu impressionnée. Lore attrape mon bras de ses petites mains et avant que je ne disparaisse, m'attire un à elle, pour m'embrasser. Je réponds à son baiser. Mon corps se réchauffe à son contact. Elle est d'une telle douceur que je crains parfois que tout ceci ne soit réellement qu'un rêve. Que rien ne soit réel et que la seule douceur à laquelle j'ai droit en ce monde ne soit qu'une illusion.

Puis l'oneiroi se détache, me dévisageant avec tendresse. Mon instinct me hurle que si je me réveille, toute cette tendresse, toute cette douceur ne sera plus qu'un souvenir. Les ennuis se profilent à l'horizon comme une tempête en pleine mer. J'hésite à dire quelque chose à la blonde, sans vraiment savoir quoi lui dire. Soudain, Lore fait disparaître le rêve, me propulsant dans le monde des éveillés.

*

« Circé ?

Lorsque je croise à nouveau Ulysse, c'est dans mon immense bibliothèque, que j'arpente de long en large, à la recherche d'une solution. Surprise qu'il m'ait trouvée, je lui fais vaguement signe d'entrer et de ne pas rester ainsi à la porte. D'un geste de la tête, il me salue. Son regard gris inquisiteur me parcourt. Je le toise tandis qu'il se contente de m'observer, en attente d'une explication pour mon départ si précipité la veille. Sa curiosité scintille dans ses prunelles. Je penche la tête sur le côté. Lui qui est si malin trouvera peut-être une remarque intelligente à faire au sujet de ma vision. Après tout, mon cerveau de génie ne s'est pas retrouvé confronté à un autre esprit de génie depuis trop longtemps. En quelque pas, je le rejoins avant de murmurer, d'une voix rauque :

Circé (Mélusine HS.2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant