Épilogue.

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La cité de Pétra était bien silencieuse en ce soir-là. Les villageois murmuraient entre eux, terrifiés par les étranges évènements survenus il y a peu. La terre avait tremblé et leur cité avait été la proie d'une tempête des plus étranges.

La Vie les observait de son regard doré sans qu'ils ne puissent la voir, du haut des falaises d'ocre. La blancheur de ses vêtements contrastait avec la noirceur de sa chevelure réunie en deux longues tresses et l'orangée du paysage. Le vent chaud vint soulever le long voile de nacre qui couvrait sa tête, évoquant le mouvement des voiles d'un navire.

Le calme de cette soirée apaisait l'entité créatrice. Il y a peu encore, une menace surplombait son monde et ses créations. Une menace aujourd'hui éradiquée. Elle pouvait désormais respirer et retourner à la tranquillité de son éternité. Bien évidemment, la Terre connaitrait d'autres dangers. Mais pour le moment, il n'y avait plus rien à craindre hormis les torts et les travers des Hommes et des créatures surnaturelles. La paix universelle n'existait pas. Mais l'équilibre, lui, était essentiel à l'univers. Et pour le moment, il était maintenu.

Soudain, une voix enfantine troubla le silence apaisant du désert.

« C'était un pari risqué que de charger Circé d'une telle mission.

Elle se tourna face au propriétaire de cette voix. C'était un petit enfant, brun, aux yeux scintillants de malice. Chronos, l'entité du Temps, son jeune frère.

- Au contraire, je pense que j'ai fait le bon choix, lâcha-t-elle, posément.

- Et bien... Il est vrai que les dieux sont désormais enfermés et ne menacent plus le monde.

- Mais pas Poséidon... Elle l'a épargné.

Ce dernier fait surprenait la sublime femme mais déjà, elle en devinait les raisons. D'autant plus lorsque l'incarnation du Temps répéta :

- En effet, pas Poséidon.

- Pourquoi donc ?

- Il a encore un rôle à jouer dans le futur.

Le petit garçon venait de lâcher cette phrase comme si elle ne contenait pas une once de mystère à chaque mot prononcé. La Vie fronça des sourcils, peu ravie de ne pas être au courant de ce qu'il se préparait.

- Les choses ne sont pas finies, n'est-ce pas ?

Chronos acquiesça face à la question de sa sœur aînée qui ressemblait bien plus à une affirmation qu'à une interrogation. Une affirmation qu'il s'empressa de confirmer d'un ton neutre, égal à lui-même.

- En enfermant les dieux, Circé a défait ce qu'ils avaient fait par le passé. Dans un futur lointain, très lointain, Eris se libèrera de ses chaînes et plus rien ne l'empêchera de mettre en place ses projets.

L'entité créatrice frissonna. Quelque chose dans le ton de l'enfant laissait envisager qu'il y avait pire à venir.

- Ce n'est pas tout, tu sais autre chose.

Il hocha affirmativement de la tête.

- J'ai vu plusieurs avenirs possibles. Et dans l'un d'eux, les dieux revenaient.

Un silence de plomb tomba entre les deux êtres. Un silence que rompit à nouveau Chronos.

- Que vas-tu faire alors ?

- Pourquoi me le demander quand tu as déjà vu ce qui allait se passer ?

- Parce que tant que tu n'auras pas réellement pris cette décision, le futur ne sera pas définitivement écrit.

La Vie soupira. Elle savait très bien ce qu'il lui restait à faire. Il n'y avait aucune autre alternative. Les fils de la destinée lui semblaient parfois prendre de curieux chemins. L'entité ferma un instant les yeux, inspirant à fond. Elle sentait peser sur elle le regard du Temps, pendu à ses lèvres. Sa décision était prise. Lorsqu'elle ouvrit à nouveau les paupières, sont regard d'or scintillait d'une manière surnaturelle tandis que l'éclat de sa blancheur emplissait l'air laissant sa magie à la puissance inégalée envahir le monde. D'une voix grave, décidée, la Vie souffla :

- Il est temps pour une nouvelle Destinée de voir le jour... »

Au même moment, bien loin de là, sur le rivage d'un village de pêcheurs grec, la mer qui était pourtant calme s'agita, déroulant ses ondées bleues et son écume blanche sur la plage argentée sous la lune. Les vagues déposèrent alors sur le sable une fillette d'une dizaine d'année. Étendue sur les grains sombres, elle paraissait dormir. Ses cheveux étaient aussi noirs que le charbon et sa peau diaphane avait l'éclat du nacre. Et lorsqu'elle leva ses paupières, celles-ci révélèrent deux iris d'un bleu profond, saisissant, semblable à deux saphirs poli par la nature... Deux yeux d'un bleu marin. 

Circé (Mélusine HS.2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant