Circé (Mélusine HS.2)

Chapitre 9.

« Tu pars alors ?

Lore, assise au milieu de ses fichues fleurs bleues, me dévisage avec attention.

- Et tu as attaché tes cheveux ! Tu ne les attaches jamais.

Elle n'a pas tort. Sur mon île, je laisse mon interminable chevelure frisée voler au vent. Pourtant, à l'aube de notre départ, je l'ai nouée grâce à deux rubans verts en deux longues tresses brunes qui tombent dans mon dos jusqu'à mes chevilles.

- Tu me trouves laide ainsi ?

Mon sourire moqueur ne lui échappe pas. Je n'ai jamais été une beauté sans que cela ne m'ait jamais empêché de séduire les marins égarés. L'oneiroi secoue la tête et se relève avant de s'avancer vers moi. Sa petite main se tend vers mon visage qu'elle effleure avec douceur.

- Tu sais bien que non.

Dans son autre main, elle tient le cercle d'or serti d'émeraude qui ceint d'ordinaire mon front. J'incline la tête dans sa direction afin qu'elle le pose sur ma tête, là où est sa place, comme on poserait une couronne. Lore s'exécute mais se fige soudain, les deux mains suspendus au-dessus de mon crâne, marquant une certaine hésitation. Je fronce des sourcils et cherche son regard du mien. À son expression, elle semble surprise. Intriguée, je grommelle :

- Quoi ? Qu'y-a-t-il ?

La jolie blonde plisse des yeux, une étrange lueur dans le regard, avant de secouer la tête et d'ajuster mon serre-tête sur mon front tout en soufflant :

- Rien du tout. J'ai seulement cru apercevoir...

À nouveau elle s'arrête, ce qui ne fait que faire grandit mon impatience. Avec rudesse, je l'interpelle :

- Oui ? Qu'as-tu cru apercevoir ?

- Une marque. Mais il n'y a rien. C'était une simple illusion.

Une moue moqueuse naît aussitôt sur mon visage tandis que je ne fais pas vraiment attention à ses paroles.

- Tu ne contrôles plus tes propres rêves maintenant ?

Elle hausse des épaules et ce geste fait frémir ses sublimes ailes noires que j'ai soudainement envie de caresser. Je n'écoute que distraitement ses mises en garde.

- Méfie-toi, Circé. Lorsque les dieux découvriront que tu as quitté ton exil et que tu es à la recherche d'un moyen de les stopper, ils seront furieux. Ils chercheront à te tuer.

- C'est déjà le cas. Dois-je te rappeler qu'ils ont envoyé un assassin.

- Ce n'est pas pareil !

Son ton est un peu plus froid. Je lève le menton, la toisant un instant. Lore ne se laisse pas impressionner par mon air soudainement hautain puisqu'elle prend mon visage en coupe entre ses douces paumes et souffle :

- Ce n'est pas un assassin qu'ils enverront. Ils essayeront de te stopper eux-mêmes.

Je soupire, comprenant cependant que je ne peux ignorer son inquiétude. Je décide de me montrer exceptionnellement tendre et alors que j'entoure ses épaules de mes bras, je colle mon front contre le sien.

- Je te promets de rêver chaque soir à toi, Lorette.

- Je sais que tu le feras, tu n'as pas le choix ! réplique-t-elle en entourant à son tour ma taille, ses mains glissant au creux de mes reins.